Jour 39

Le soleil finit toujours par briller.

Le début de journée est un gros brouillon. Je prépare et avale mon petit déjeuner sans conviction. Je ne suis pas réellement sûre d’être réveillée. Mes gestes sont lourds. Je m’enfonce dans l’épuisement.

J’admets, qu’aujourd’hui, ça touche mon moral. J’étais optimiste et résiliante mais ça c’était hier. À l’heure actuelle, ça m’affecte. Je suis frustrée d’être impactée par cet abattement. Je l’observe et le voit s’installer depuis plus de vingt-quatre heures et j’ai désormais peur que ça ne reste à jamais. C’est irrationnel et je le sais. L’expérience m’a déjà montré que cet abattement ne dure jamais. Pourtant, j’ai toujours la trouille que cela change.

L’idée de me mouvoir reste à ce stade. C’est joli mais les mouvements ne suivent pas. Je ne sais pas comment me sortir de ce tourbillon tumultueux d’ennuis. Je ne sais plus comment accepter encore et encore cet état. Je ne suis pas révoltée mais complètement résignée. J’attends.

J’attends d’avoir accumulé suffisamment d’énergie pour émettre une pulsion de vie.

Même l’écriture est maladroite. Mes doigts gesticulent dans le désordre et mes pensées sont incertaines. Je ne comprends rien à cette réalité fatigante. Je temporise, peut-être que ça passera.

En fin de journée, une main m’est tendue. Un soutien moral et physique pour m’accompagner prendre l’air. J’y vais sans conviction. Je me prépare avec pesanteur et maladresse. C’est difficile. En sortant, je m’aperçois que ce matin, je n’ai pas prêté attention au temps du jour. Il est aussi mauvais que mon état. Pluie, grêle, vent et nuages de toutes les teintes. La météo tient à s’exprimer. Arrivés au bord du lac, je respire pour la première fois de la journée. Les nuages laissent place à un rayon de soleil. Il m’apporte une lueur d’espoir. Je décide de laisser là, près de l’eau agitée, toute cette spirale négative. Je coince mes douleurs, mon humeur dans les chaussettes et ma fatigue entre les rochers. Je n’ai besoin de rien de tout ça.

En rentrant, je me sens réconfortée. La vie reprend malgré la fatigue et et les peines. L’optimisme aussi se remet en marche.

Jour 38

Photo de Daria Shevtsova sur Pexels.com

La fin de l’année approche à grand pas. Je vois mes réserves d’énergie diminuer brutalement, sans comprendre pourquoi.

Je me réveille et reste dans un demi sommeil. Par moment, je saisis ma liseuse. Je n’arrive pas à suivre le récit. Je me sens usée, fatiguée. Je cesse, je la pose et ferme les yeux. Je me repose. La journée s’écoule.

C’est un jour où tous les actes me coûtent le double. Dès que j’ai l’occasion de m’asseoir, je le fais. J’écris à peine. Je mange à peine. Je passe mon tour pour marcher ou faire du yoga. Je vis à peine.

À Contrario, mon humeur est joyeuse. J’ai un peu de mal à percevoir le second degré, je réfléchis moins bien que d’habitude mais au fond, ça va. Je ne me sens pas si mal. J’accepte cette ambiance corporelle. J’avance avec. Je m’endors épuisée. C’est ainsi, je garde l’espoir d’un meilleur lendemain.

Jour 37

Premier jour où je me sens en vacances. Je me réveille et passe ma matinée au lit. La douceur des draps me cajole. Le temps passe et ça n’a aucune importance. Le mot du jour est le repos.

Vers midi, je me demande si je vais mettre un pied dehors. Au même temps que cette pensée, je baille et abandonne l’idée saugrenue. Je me prépare un petit-déjeuner à l’heure du repas. Je vais décidément être décalée et j’aime déjà ça.

Après un brin d’écriture, les possibilités d’activités récréatives sont multiples. Je prends un temps considérable à me décider. Je vais aller peindre.

En musique, je prépare mon atelier. J’étale du papier journal un peu partout, afin d’éviter les mauvaises surprises et sort mes tubes de peinture. J’observe une à une les couleurs et commence déjà à imaginer la suite. Je prépare les ustensiles, enfile mon tablier de peinture. Il ne me reste plus qu’à choisir la grandeur de la toile. Une fois mon plan en tête, je me lance dans ce flou créatif. Je suis focalisée sur la peinture. Les teintes se mélangent et créent des surprises. Mes gestes sont lents et précis. En réalisant ces toiles abstraites, je me réalise.

C’est loin d’être parfait, mais c’est fait par…

Après avoir ranger le chantier que j’ai sorti pour ma peinture, je me repose un moment.

Le soir venu, une poubelle demande à être sortie. Je m’exécute et une fois dehors, l’envie de faire le tour du quartier me saisit. Je suis sortie sans musique et c’est une chose merveilleuse. Je marche la tête dans mes pensées. Mes pensées entrecoupée par les rafales de vents. Je me plais à écouter les sons des bourrasques puissantes. La nature est incroyablement belle lorsqu’elle se déchaine. Au dessus de la route, les lumières tanguent et créer une ambiance particulière. Je savoure à plein poumons ces instants. L’air est glacial et lorsque j’expire, je dis au revoir à ma propre chaleur, sous forme de nuage. Quel magnifique spectacle, je ne regrette décidément pas d’avoir sorti les poubelles.

En rentrant, je me retrouve rapidement sur la tapis de yoga. Mes muscles étant encore chauds de ma petite escapade, je tiens à les étirer. Je me sens bien. Je me sens reposée. L’objectif de la journée est atteint, je peux désormais aller me coucher.

Jour 36

Photo de Ylanite Koppens sur Pexels.com

Réveil avec douceur. Toujours aussi sereine au sein de mon nid familial, je pense avoir rechargé mes batteries profondes, celle qui me permettent de carburer contre vents et marées.

Je passe une journée partagée avec ma famille puis avec une amie qui m’est chère. J’ai souvent entendu que les amis sont la famille que l’on se choisit et je dois admettre que je suis totalement en accord. Auprès d’elle, je me sens comprise, écoutée et épanouie. Avec elle, je peux rire comme pleurer. Pour elle, je suis toujours disponible. Elle devine souvent mes pensées et sur elle, je peux me reposer. Et je fais mon possible pour prendre soin d’elle. Nous avons mis du temps à nous trouver réellement et ça valait le coup.

C’est un jour de joie, placé sous le signe de la gratitude. Les fêtes ne sont qu’un prétexte pour passer plus de temps ensemble. Et si vous vous demandez quel est le meilleur cadeau sous mon sapin cette année, je vous répondrais que c’est la chance d’avoir cet entourage si précieux. Personne n’est parfait, mais avec leurs défauts et toutes leurs qualités, c’est ainsi que je les aime.

Le soleil tombe lorsque je me retrouve à nouveau seule, après ces quelques jours bien entourée. Dans ma tête, je passe en revue les souvenirs frais et les encres plus profondément dans ma mémoire. J’ai donné toute mon énergie et je sens qu’il est temps de réellement me reposer. Je prends quelques minutes pour m’étirer et file me préparer un repas. Le soir, je saisis l’occasion pour jouer à un jeu vidéo.

Je m’endors, paisible.

Jour 35

Photo de Pixabay sur Pexels.com

Je me réveille encore une fois, avant le jour. J’ai cauchemardé avant de sortir du sommeil mais je reprends mes esprits avec fierté. Dans mon mauvais rêve, j’étais en pleine fuite d’un événement épouvantable pourtant, sans comprendre pourquoi, je me suis retournée pour l’affronter. J’ai vaincu ma peur et me suis réveillée ainsi. Pour une fois, je ne me sens pas sous l’emprise négative de ce terrible songe mais tout l’inverse. Même si ce n’était que fictif, j’ai fait preuve de courage et d’audace. Bien plus que dans la vie réelle. J’aime me laisser penser que c’est le témoignage d’une nouvelle force entrain d’être forgée et sur ce, je décide de me lever. Malgré les aventures nocturnes, je me sens reposée. C’est l’effet du cocon familial.

Être entourée de ces voix bien connues, dans cette ambiance chaleureuse, je n’ai besoin de rien d’autre pour me sentir à ma place. Finalement, mon appréhension de ne pouvoir prendre soin de moi est disparue très rapidement. Mes proches me couvre d’attentions et d‘amour.

Cette seconde journée de fête se déroule dans l’ébullition d’être ensemble. Les rires, les engueulades pour se chamailler, les soupirs, les sourires. Je prends le soin de déguster chaque seconde. J’imprime chaque instant dans ma mémoire, avec les odeurs, les sons et les textures. Ça sent le chocolat, la cannelle et il fait plutôt chaud. Je me sens totalement enrobée d’euphorie, de tendresse et de paix.

En fin de journée, ce n’est pas les mots qui manquent mais l’énergie. Je retranscris tant bien que mal mes émotions, mes souvenirs et mes pensées. Je prends le temps de m’étirer durant une quinzaine de minutes et retourne le plus vite possible me ressourcer, auprès de mes proches. Je dois profiter sans compter de ma famille. Je suis tellement reconnaissante de les avoir qu’il m’est insupportable de ne pas transformer chaque minute en une célébration. D’ailleurs, j’y retourne et tant pis pour la fatigue, je me reposerais sur eux.

Jour 34

Photo de Tejas Prajapati sur Pexels.com

La nuit a été mouvementée mais je décide de ne pas m’attarder dessus, cela n’a aucune importance. Je me lève et vais à la fenêtre. C’est une pratique qui me permet de m’encrer dans la réalité, dans la vie et son quotidien. J’observe. Je n’ai pas encore jeter un oeil sur l’horloge mais le jour, lui, ne s’est pas encore levé. L’hiver, il profite de rallonger son sommeil. J’entends le vent qui souffle et les toits me semble mouillés. Les lumières des habitations et de la ville illuminent avec calme l’ambiance sombre. Sur les rives du lac, à différents endroits, les phares s’acharnent. Ils scintillent à tour de rôle, et par la même occasion, me confirme que la météo est tumultueuse, aujourd’hui. L’étendue d’eau est plongée dans le noir, pourtant j’imagine l’agitation dont elle doit faire preuve, en ce moment même. La force de la nature m’épate, toujours.

Je vais me recoucher, attrapant mon livre au passage. Je m’installe sous l’épais duvet et finis le roman. Il m’émeut. Deux heures se sont écoulées et je décide de me lever. Je prends quelques fruits et me dirige vers le salon. Avant que la fête ne démarre, je dois me préparer aussi mentalement que physiquement. Je commence par l’écriture. Je termine rapidement mon article, et tout aussi vite, je profite de faire un peu de yoga. Le temps défile.

Je suis excitée de pouvoir rejoindre ma famille. Je retombe en enfance, dans la joie de vivre l’instant présent et l’insouciance. Je prépare mes affaires et part pour les retrouver. Le reste, fera partie de mes souvenirs internes, les plus précieux. Chargés de rires, de joies partagées et de bonheurs simples. Avec leurs défauts, les fêtes sont particulièrement belles.

Jour 33

J’émerge rapidement. L’ébullition des préparatifs pour les fêtes m’a sorti de mon sommeil. Je sais que pour les prochains jours, je serais avec ma famille et je tiens à finir de préparer les derniers détails. Je passe une matinée sans trop réfléchir, mes actions sont automatiques. Je ne comprends même pas comment le temps défile si rapidement.

Une fois que tout est terminé, je regarde l’heure et remarque avec surprise que je peux m’accorder quelques minutes pour écrire. Je m’installe dans le salon et avec le stress de ce matin, je ne sais pas vraiment pas où commencer. Forcément, la tension n’est pas bonne pour la créativité. Je mets un peu de piano, voir si ça peut attiser l’imagination. Je passe beaucoup de temps à regarder par la fenêtre, au loin. Il fait plutôt gris, sans pluie, sans neige. Le paysage est figé autant que mes pensées. De fil en aiguille, les mots s’amoncellent. Je relis rapidement et part en cuisine.

J’ai un repas à terminer de préparer pour les miens. J’admets aimer autant que j’appréhendes les fêtes. J’apprécie tellement de prendre le temps de vivre à mon rythme et ça va peut-être paraître égoïste mais je redoute de ne plus avoir ce temps pour moi. Je sais que je vais être entourée des personnes les plus importantes dans ma vie, celles qui m’ont accompagnées durant toutes mes épreuves. Pourtant, j’ai peur de perdre, l’espace de quelques jours, la liberté de prendre soin de moi. Pour me rassurer, je me promets de garder l’écriture et le yoga pour traverser ce passage. Ils seront mon havre de paix.

Photo prise aujourd’hui, depuis la voiture. Je pourrais regarder ce paysage en continu.

Après cette journée bien remplie, je me sens mentalement fatiguée. Interagir et devoir se concentrer sur les discussions m’a coûté en énergie. Ça valait le coup mais c’est le moment pour moi de me reposer. Avant de passer à ma séance de yoga, je m’asseye. J’ai besoin de faire revenir le calme. J’observe mon corps de l’intérieur. Je crois que mon estomac est encore entrain de digérer le repas du midi. J’apprécie le silence qui m’entoure.

Puis je me lève et décide de simplement m’étirer. Je fais les gestes debout. J’ai le regard qui s’évade dans la nuit, par la fenêtre. L’air est frisquet ou c’est ma peau qui est froide, je ne sais pas. Les mouvements sont lents et rythmés par mon souffle. Je cherche les sensations me permettant d’apaiser mon être endolori. Elles arrivent doucement. Je prends la plus grande inspiration de la journée. En expirant, je lâche prise sur le négatif et m’accapare le bien-être et la gratitude d’exister.

Je me dirige vers la cuisine, saisis un repas et vais m’installer dans le canapé, au chaud. Après celui-ci, des décharges électriques démarrent dans mes mains. Elles partent des poignets pour s’instiller jusqu’à la pulpe de mes doigts. Dès que je cesse de bouger, elles se calment. Malgré tout, je tente des stratégies pour les apaiser. J’étire mes doigts, je ferme les poings. Je les colle même contre la chaleur du radiateur, en vain. Les douleurs sont plus fortes. Je prends un livre que je cale sur mes genoux et tourne les pages avec la plus grande immobilité possible. Je me plonge dans le roman afin d’en oublier le reste. Et doucement, mon corps s’apaise dans les profondeurs du sommeil.

Jour 32

Photo de eberhard grossgasteiger sur Pexels.com

J’ouvre mes yeux avec appréhension. Après mes précédentes péripéties, je me demande dans quelle forme je vais me trouver aujourd’hui. Je fais mes premiers pas, encore endormie et constate une légère fatigue. Ça m’est bien égal, je me sens tellement nourrie par mon exploit que les douleurs peuvent aller se brosser. Elle ne m’atteindront pas. Je boucherais mes oreilles de joie pour ne pas les entendre.

Le matin, j’ai un rendez-vous administratif. Le dernier de l’année, c’est réjouissant.

Une fois libérée de mes devoirs, je pars dans ma cuisine. J’aime penser cette endroit comme un laboratoire d’expériences gustatives. J’ai l’espace de laisser libre cours à mon imagination et de créer au gré de mes envies. Je prépare les derniers présents qui se glisseront sous le sapin afin de ravir les papilles des êtres que j’aime. Entre les ingrédients normaux se glissent de la générosité moulue et de l’amour brut. J’espère rendre aussi heureuse que je ne peux l’être en ce moment précis. Puis, en étant debout, je me rappelle la veille et les sensations vécues. Je souris bêtement en remuant ma préparation. J’arrive rapidement au bout de ma recette et ce n’est pas plus mal.

Je pars m’allonger le temps de charger les batteries pour mieux vivre la suite de ma journée.

En ouvrant les paupières, je saisis mon ordinateur et termine un article. Je me sens productive sans effort. Puis dans un élan de motivation j’enfile mes chaussures et ma veste. J’ai une lettre à poster et autant y aller lorsqu’il fait encore jour.

J’atteins la boite jaune très rapidement malgré les nombreux picotements parcourant mes jambes. A ce moment-là, je prends une folle décision. Je vais profiter de faire un tour dans le quartier, afin d’aérer mes neurones. Il n’y a que ma tête qui est en accord avec ce choix, mon enveloppe corporelle toute entière trouve ça risqué. J’avance, mes ressentiments arrivant de plus en plus jusqu’à mon cerveau. Je tourne à droite, je croise des gens qui, j’imagine, rentrent du travail. J’observe les bâtiments, le ciel couleur bleuet et les nuages qui le compose. L’air est juste frais comme il le faut. Alors que je suis à mi-chemin de chez moi, la réalité me rattrape. Je me demande vraiment ce qu’il m’a prit. J’ai mal et je n’aurais peut-être pas dû m’aventurer ainsi. Ça n’a pas de sens de satisfaire mon esprit si mon corps ne suit pas. C’est une lutte perpétuelle. Soudainement, sous l’emprise de la musique dans mes oreilles, mon regard se pose sur les sommets enneigés au loin. Je vis une sorte de révélation que j’ai du mal à décrire. Le mélange entre la beauté complexe des montagnes que je vois et la musicalité du morceaux que j’écoute fait jaillir un feu d’artifice d’émotions positives. C’est simplement agréable et c’est pour ça que je déambule. J’avais oublié de me laisser surprendre par la simplicité et la magie que la vie peut m’offrir. Je rentre douloureusement légère.

Je m’installe assez rapidement sur mon tapis de yoga avec la certitude de devoir faire le plus doucement possible. Je choisis cet accompagnement qui me semble être le compromis idéal. J’ameute toutes les couvertures de mon salon et commence la pratique. Mes poumons expire encore l’air hivernal et mes gestes sont lents. La séance me fait l’effet d’un massage à l’âme. Je suis complètement alignée dans cette vie qui est la mienne.

Je termine la journée par un repas réconfortant et de la lecture, sous les couvertures. Belle journée de mon quotidien.

Jour 31

Photo de Daria Sannikova sur Pexels.com

Ce matin, je me réveille en me sentant nouvelle. Je me lève et songe à ce que j’ai à faire. Je crois que j’ai de l’administratif à terminer. Je passe par la cuisine mais je n’ai pas spécialement faim. J’avale un thé en observant la météo et pense à l’énergie que j’ai récupéré dans la nuit. Mes pensées vont dans tous les sens. Il fait gris et ça semble mouillé au dehors. Le thé est délicieux. Je suis fière de mon corps et me sens bien. Soudainement, une idée coupe mes tergiversations. Il y a deux ou trois nuits précédentes, je m’étais endormie en rêvant à aller patiner. Ce soir-là, je m’étais assurée que je tenterais l’aventure lorsque j’en aurais l’occasion. Je crois que c’est aujourd’hui, l’opportunité idéale. C’est maintenant ou jamais.

Motivée par ce désir, je file m’habiller et me retrouve très vite à mon bureau. Le plus important en premier puis l’amusement! Je suis plus efficace que jamais. Dans la demi-heure, c’est plié.

Je suis complètement excitée. Je prépare mes affaires et me voilà dehors, en direction du métro. Dans ma tête, il y a tellement de pensées. Enfant, j’attendais chaque année avec impatience que la patinoire ouvre. Et depuis deux ans, j’avais enterré cette idée farfelue. Présentement, je ne dirais pas que je suis en meilleure forme physique, cependant, quelque chose a bel et bien changé. C’est mon état d’esprit qui a évolué. Je ne veux plus être cloisonnée dans ce que je peux et ne peux plus faire. Je souhaite que tout reste possible, à différents moments et moyennant parfois, des aménagements. Je vais sortir une à une, toutes ces choses que j’ai rangé au placard. Sur le chemin, des interrogations m’envahissent. Est-ce que je sais encore patiner? Est-ce que mes muscles vont me tenir correctement? Vais-je tomber? J’arrête l’enchaînement en mettant de la musique dans mes écouteurs. Je dois faire confiance et faire l’expérience avant de juger. Ce serait dommage d’arriver avec des aprioris handicapants. J’avance courageusement.

J’arrive devant l’établissement. Pendant que mon coeur palpite, je paie mon billet et prends mes patins. Je marche dans ce lieu que je connais par coeur. Ça me fait plaisir de te revoir. Je m’installe dans le vestiaire et enfile les patins. J’ai du mal à serrer les lacets mais ce n’est pas ça qui va m’arrêter. Je donne toutes mes forces et je suis plutôt fière d’avoir passé cette étape. La tension monte d’un cran. Je me lève et je dois gérer cette nouvelle hauteur et le déséquilibre qu’elle crée.

Je monte les marches, et j’aperçois la glace. Les gens se déplace avec fluidité. En allant en direction de la porte, j’ai une seconde d’hésitation. Et si je tombais? Et si je me ridiculisais? Et si je la bouclais avec mes pensées à la con? Je passe le portique et je suis sur la glace. Je glisse lentement. Je cherche mon point d’équilibre en fléchissant légèrement les genoux. Les premiers tours de patinoire sont ni encourageants ni démotivants. Mon équilibre est précaire et je ne suis plus certaine de savoir les mouvements justes. Pourtant, je ressens l’air qui caresse mon visage et la sensation de glisse sous mes pieds. Je suis époustouflée par l’apport de sensations incroyables que je reçois. Et pendant que j’observe toutes ces stimulations, je prends délicatement mes marques. Je n’ai donc pas oublié. J’éprouve tellement d’émotions positives que la liste est longue. Je me surprends même à aller de plus en plus vite. Je souris. Je n’ai plus aucune crainte. Mon souffle s’intensifie tellement j’enchaîne les tours sans m’arrêter. J’ai chaud mais ça n’a pas d’importance. Je me sens si libre sur la glace. Je savoure ce temps suspendu. Grâce à ces lames métalliques, je vole.

Insidieusement, les limites reviennent. Je commence à fatiguer. Je le ressens dans mes jambes. Je ne les plie plus suffisamment et je perds en stabilité. En arrivant dans le virage, je peine à l’effectuer. Ayant perdu conscience du temps, je regarde l’horloge. Quarante-cinq minutes de pur bonheur se sont écoulées. Je négocie intérieurement, telle une enfant, encore quelques tours de glace, s’il te plaît. Je savoure ces derniers instants avant de me diriger vers les vestiaires. Je porte une gratitude incommensurable d’avoir pu passer cette heure sur la glace. Autrefois, ça n’aurait été que trop peu. Aujourd’hui, c’est conséquent. J’ai ressenti les mêmes sensations que lorsque je faisais de la course à pieds. La rapidité, le souffle, la liberté. Une béatitude que je pensais ne plus pouvoir vivre de si tôt.

Le coeur remplit, les jambes ratatinées, le défi c’est de rentrer me reposer. Mon corps m’a porté. C’est à mon tour de le remercier. Il ne cesse de me rappeler l’activité que nous venons de vivre. Mes pas manquent de solidité et mes muscles se crispent toujours un peu plus. Dans la dernière montée, avant mon but final, mes membres inférieurs sont clairement usés. Les tensions me crient d’arrêter de bouger. Je respire et insuffle tout l’amour que j’ai engrangé. Je mets la clé dans la serrure avec soulagement.

J’ai besoin de reprendre des forces et le plus vite possible. Je passe par la cuisine et heureusement, mon frigo regorge de restes. Ça tombe bien, je ne suis pas en état de cuisiner. Je réchauffe le tout et contente mon estomac.

Puis, je dois réunir mes dernières ressources pour me diriger vers la salle de bain. L’eau chaude coulant sur ma peau anesthésie la douleur. Je me dépêche de m’habiller et d’aller me réfugier dans le canapé. Lorsque je me retrouve enfin immobile, je ressens encore les vibrations de la glace contre les lames de mes patins. Dans cette inaction, je continue à avancer vers la plénitude.

Je décide d’écrire afin de ne rien oublier. L’affaiblissement se fait sentir jusque dans mes phalanges. Dans ma tête, les idées se bousculent, ça fuse dans tous les sens. Je ne transpose pas suffisamment vite ce que mon esprit me dicte. J’écris le maximum avant de tout lâcher et partir dans le repos.

Plus tard, je m’endors la tête encore dans les étoiles. Je suis pleine de joie et d’espoirs, à tel point que s’en est magique.

Jour 30

Photo de Ketut Subiyanto sur Pexels.com

Doucement, je sors du sommeil profond. Je reprends possession de mon corps et de ses sensations. Le soleil n’a semble-t-il pas daigné se lever aujourd’hui, l’ambiance est grisâtre et pluvieuse. Je suis à l’image de la météo. En cette fin d’année, le temps est aussi fatigué que moi. Nous avons tous deux eux la nuit pour nous en remettre mais parfois, la magie ne s’opère pas. J’accepte ce lot de maladresse et de flemme. Je suis contrainte à prendre soin de ma personne. Je dois activement contribuer à la régénération de mon corps. Ayant conscience de tout cela, je passe la journée, allongée. Par moment, je me lève afin de me nourrir pour mieux repartir au pays de la tranquillité. Je ne manque pas de sommeil. Mon corps manque de ne rien faire.

Au bout d’un temps, mes doigts et mes méninges me démangent. Je m’installe confortablement, avec un thé et du piano en fond. Je me mets à écrire. Les idées sont cachées dans le vague. Mes yeux piquent et ma tête commence à cogner. Je me demande si j’ai pris le temps de bien respirer. Je prends quelques inspirations en prenant le soin de bien gonfler mon ventre et me promets de me retrouver sur mon tapis de yoga plus tard.

Pour l’heure, j’ai besoin d’aller me recoucher. Je m’exécute aussitôt que la pensée effleure mon esprit.

Je ne comprends pas comment le temps à pu passer aussi vite. Il fait déjà nuit.

Malgré ma migraine, je me mets à la verticale et décide d’aller m’installer sur mon tapis de yoga. Je mets en place de quoi me guider. J’apporte avec moi tout ce dont j’ai besoin pour aller mieux. Une couverture, un coussin, de l’eau et une huile essentielle de menthe poivrée. Je suis prête. Pendant ces vingts minutes, je suis en dehors de ma chair. Je ne ressens rien. Je suis bercée par les mouvements et les respirations. Promesse tenue. La séance se termine plus vite que je ne l’aurais imaginé. En me relevant, je constate que mes symptômes n’ont pas disparu mais j’ai gagné en force mentale. Je me sens prête à affronter ma cuisine, me préparer un repas et pouvoir vite, me retrouver allongée.

Lorsque je suis tombée malade, les premiers temps, j’ai ressentis énormément de frustration. Passer d’une vie d’hyperactive au calme plat pendant plusieurs journées, c’était du gâchis. D’une part, j’apprenais à savourer plus intensément chaque instant et de l’autre, lorsque je me retrouvais contrainte, je pestais. Je me rendais d’autant plus malade car le moral était en berne. J’en voulais à mon corps de ne plus me suivre, de m’infliger toutes ces douleurs. De ces expériences, j’ai appris et j’apprends encore aujourd’hui à tourner ces journées en ma faveur. Je tente d’occuper le temps, de rendre le tout confortable. Je sais que ce n’est qu’une question de temps et que je n’ai de toutes les manières, pas d’autres choix. Alors je choisis de bien vivre ces moments « off ». Je ne fais rien et je ne culpabilise plus. J’ai une journée de tranquillité et ma vie n’en vaut pas moins la peine. Au contraire, par sa complexité elle n’en est que plus riche.

Remplie de cette gratitude, je repars dans mon hibernation. Demain est un autre jour.