
J’émerge en douceur. En un clin d’oeil, je suis sur le sol, prête à suivre la séance de yoga. Je tais les appréhensions d’hier pour laisser un espace neutre pour pratiquer. Ouvrir le champ des possibles. Ma respiration est profonde. Les gestes dictés sont lents et précis. Je me retrouve parfois en difficultés. J’avise, je compose et me dépasse. Je vais au delà des limites tristement imposées par la maladie. La session s’achève plus vite que je ne l’aurais pensé.
Je me sens réveillée, prête à vivre ce jour.
Dehors, la neige tient encore. Elle tend à disparaître mais elle aussi, elle persévère. Le ciel est uniformément gris clair. Malgré le manque de soleil apparent, c’est lumineux. Sur mon balcon, l’eau s’est figée. Elle témoigne du froid qui règne.
Après un petit déjeuner savoureux, je m’installe sous un plaid, dans le canapé. La créativité démange mes doigts. Mes doigts se déplacent en cadence. J’écris. J’analyse mes pensées et je décortique ma vie. Je repense ma vie durant quelques heures.
Je me sens sereine.
Plus tard, je m’en vais en cuisine me préparer un repas. Tout en cuisinant, je me fais une réflexion.
Ces dernières semaines, j’ai réussi à prendre le temps pour écrire, pour bouger. J’ai réussi chaque jour à me centrer un peu plus sur mes sensations et mes besoins. Cependant, je suis passée à côté d’un point essentiel. L’alimentation. Mon rapport à celle-ci est très fluctuant. J’apprécie cuisiner et j’aime déguster. Mon panel d’aliment est un peu (doux euphémisme) restreint dû à ma santé. Avec tout ça, j’ai réussi à garder mon appétit. Pourtant, je m’aperçois que certains jours, je néglige de m’alimenter. Loin de moi l’idée d’un régime ou d’une restriction. J’ai parfois tellement consacré d’énergie aux autres activités que lorsque je dois préparer à manger, je suis au point mort. Mon estomac est si vide qu’il ne me permet pas de passer une heure derrière les fourneaux. Ne pouvant pas manger de tout ce que je veux, je ne peux pas non plus jeter mon dévolu sur un plat rapide et satisfaisant. Je suis coincée et je me retrouve à manger un peu n’importe comment. Souvent pas assez. Je ne parle pas non plus de la qualité des aliments, je ne diabolise aucun d’entre eux. Je ne suis pas à la recherche d’une alimentation plus saine ou que sais-je. J’ai besoin d’instaurer une régularité. Aussi ridicule que cela puisse paraître. Il faut absolument que je prenne ce temps pour me préparer plusieurs repas par jour. Je me rends bien compte que je ne peux pas carburer de vide et que je n’arrive pas non plus à me rassasier de ce que je peux attraper dans mon armoire. Je sais que j’ai beaucoup délaisser ma cuisine lorsque j’étais au plus bas et je sais aussi, qu’il m’arrivera encore de ne pas avoir la force. Mais le reste du temps, il faut que je fournisse la meilleure énergie pour mon corps. Il faut que je me rendes ce service. Je viens même à songer que peut-être je devrais créer une rubrique sur le blog, dédiée à mes plats. Afin d’avoir toujours un endroit où voir que j’ai été capable de m’alimenter, de prendre le temps et aussi de m’auto-inspirer.
Mon plat est prêt. Je range tous les songes dans un coin et savoure ce repas. Je suis un peu décalée, il est l’heure conventionnelle du goûter. Ça n’a finalement aucune importance. Je ne dois pas me laisser influencer par les idées préconçues.
Après la vaisselle, je décide de noter mes réflexions. Je me sens libérée d’avoir fait ce constat et j’ai l’impression d’avoir déjà accompli un pas considérable vers le mieux. Le temps que j’achève mon article, il fait déjà nuit.
L’obscurité m’appelle. J’ai profondément besoin d’aller prendre l’air et de dégourdir mes jambes. J’enfile plusieurs couches de vêtements chauds et me sens prête. Je m’éloigne de mon quartier. J’ai besoin de découvrir d’autres horizons. Mes pas m’amènent jusqu’au bord du lac. Cette étendue d’eau me ressource de manière infinie et mystérieuse. De nuit, l’eau est sombre et permet aux lumières de briller à sa surface. C’est joli. Les quais sont quasiment vides. Et plus je m’en éloigne, plus les rues sont désertes. Je passe sous un gigantesque conifère. Je n’y avais jamais prêté attention, pourtant, il est magistral. Je m’arrête quelques secondes pour l’observer. Le froid me rattrape et me pousse à avancer. Je rentre.
Lorsque je me glisse dans mon lit, sournoise, les douleurs s’invitent. Elles décident de me chanter une berceuse contre-productive. Je cherche le moyen de ne pas les écouter. Je me lève et me recouche. Heureusement, au bout d’une heure, le sommeil l’emporte. C’est tout de même une belle nuit pour être en vie.
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