Récit de vie – 3. Le déni

Avant de lire ce qui suit, je te propose, si tu ne l’as pas déjà lu, d’aller jeter un oeil aux chapitres précédents.

Chapitre 1 – Ma vie d’avant

Chapitre 2 – La première fois

Bonne lecture!


Reprenons au moment où je me repose, entre juillet et août 2019. Je m’attends à être vite sur pieds, comme après un petit rhume.

J’ai donné ma lettre de démission dans mon travail actuel depuis quelques temps et en réaction de cette nouvelle, mon employeur instaure une ambiance malsaine vis-à-vis des arrêts maladies. En effet, une pression psychologique est constante. Lors d’une maladie, de manière dissimulée, il nous est demandé de ne pas être malade. C’est si simple, pourquoi n’y avais-je jamais penser. Sans plaisanterie, le seul but de mon ancien employeur était le profit au détriment de l’humain fournissant le travail. Sachant tout cela, vous ne serrez pas surpris d’apprendre qu’après ma petite balade aux urgences, je n’ai pas eu la possibilité de me rétablir correctement. Et maintenant que j’y repense, ce mode de fonctionnement bien étrange n’était pas nouveau. Je ne l’avais simplement jamais vraiment expérimenté.

Je devais terminer cet emploi tout en formant mon remplaçant. Malgré cette ambiance plus que toxique, je me sentais légère car je savais que je quittais ce lieu. Leurs manière d’agir ne m’atteignait qu’en surface. J’étais imperméable à leur négativité et j’avais confiance en l’avenir. Et pendant ce temps, je gardais en séquelle quelques petites douleurs au niveau du mollet. Je pensais clairement que je manquais simplement d’encore un peu de repos pour me rétablir et qu’il était donc normal d’avoir mal. J’avais la conviction d’avoir récupéré en grande partie, tout en gardant encore quelques plaies plus longues à cicatriser. J’ai instinctivement mis de côté la course à pied tout en gardant le reste de ma vie et de mes activités inchangées.

J’avais des vacances à prendre, avant de quitter cette entreprise. J’en ai bien profité pour ralentir le rythme et me suis rendues au bord de la mer avec mon frère et mes parents. Mon frère m’a donné un surnom tout à fait charmant: Dr House. J’ai boité et marché lentement durant toutes les vacances. Ma famille ne m’avait jamais vue comme ça et avaient parfois du mal à comprendre ma faiblesse, mes douleurs et ce malgré la médication. J’ai parfois dû refuser certaines activités car je ne m’en sentais pas capable et je me disais que dans ma situation, j’avais simplement besoin de ne pas forcer. Le repos m’aiderait à guérir. Je garde un superbe souvenir de ces vacances, malgré mes nombreuses difficultés. J’étais intiment convaincue que j’étais entrain de me rétablir. Je chérissais mon corps de m’avoir permis tant de choses et lui offrait dès que possible du répit.

Et le grand jour arriva. Mon premier jour dans le nouveau poste.

J’étais aux anges. J’appréciais autant le cadre que la directrice ainsi que mes collègues. Je me voyais déjà m’épanouir dans mon poste. Etant donné que c’était l’été, après deux semaines de travail, la crèche fermait, pour les vacances annuelles. Ça tombait bien, si vous voulez mon avis. Trois semaines de plus pour me requinquer, c’était idéal.

Durant la première, j’ai profité de ma famille et de mes amis puis j’ai rejoins mon compagnon. À l’époque, Il habitait dans une jolie maison de campagne, avec un grand jardin, ses parents et leurs animaux. Malheureusement, nos vacances n’étaient pas synchronisées et il devait aller travailler. J’ai profité de ces deux semaines comme si j’étais partie à une retraite de yoga. Je me laissais dormir, puis je pratiquais quelques étirements et j’allais finalement me prélasser au soleil, une lecture à la main. Je vivais au ralenti, en douceur. Autrement dit, du repos, du repos et du repos. À la fin de ce long congé, je rentrais chez moi, avec la certitude d’être presque guérie. Je pouvais à nouveau me mettre sur la pointe des pieds. J’en sautillais précautionneusement de joie.

Et la rentrée est naturellement arrivée.

Plus les jours passaient, plus je tissais des liens avec mes collègues et je m’acclimatais à cette nouvelle ambiance professionnelle. J’apprenais à connaître les enfants et leurs parents et exerçait mon travail avec un plaisir grandissant. Chaque jour avait sa propre dynamique en fonction des petits et des mes collègues et chaque jours, je rentrais à la maison avec la satisfaction de bien faire les choses. J’avais le sentiment d’avoir enfin trouver ma place professionnellement parlant. Le cadre de travail était bienveillant et stimulant, je n’en demandais pas plus pour m’épanouir.

Chaque jour aussi, une petite graine de douleur reprenait sa place dans mon mollet, à commencer par le côté droite. Chaque jour, elle germait de plus belle. Et ce sans m’en rendre réellement compte. J’appliquais la méthode de l’autruche, en accordant qu’une minime attention aux signaux que mon corps m’envoyait.

Rappelons que d’un point de vue professionnel, je sortais d’un poste où l’on jette les gens une fois usés alors je gardais la crainte de montrer à mon équipe ma faiblesse naissante. Faiblesse dont je n’avais pas encore réellement conscience non plus. En effet, mentalement, j’étais persuadée que l’aventure du week-end de mai 2019 était de l’histoire ancienne. J’étais aussi vive et dynamique que je le pouvais. Je proposais des balades en poussette aux petits quotidiennement et me donnait à fond. Mon intégration dans l’équipe s’est fait naturellement et rapidement. En parallèle, je pratiquais à nouveau le yoga et je tentais de passer mon permis de conduire.

Je n’osais pas regarder la verité en face. J’étais en plein déni mais la vie était belle avec ses couleurs de fin d’été.


PS: Je te remercie de me lire et promis, la suite arrive bientôt!

Lili

38 commentaires sur « Récit de vie – 3. Le déni »

  1. C’est terrible de lire ça, sachant que la maladie est tapie et que tu étais pleine d’espoir et de projet.
    Je pense que la prochaine partie sera dure à lire.
    Extrêmement courageux de dévoiler ton expérience personnelle, extrêmement bien écrit.
    Et grand respect pour toi et ta lutte.

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    1. Merci à toi tout d’abord de me lire, je me répète encore et toujours mais ça me touche.. Et ça me permet d’avancer aussi. Comme tu le pressens très justement, je descends couche après couche dans tout ce parcours… Il y a certains chapitres que je modifie car parfois j’ai peur de choquer.. Et pour te dire la vérité, je ressens clairement le syndrome de l’imposteur. Par moment, je me dis: ok ce que tu as c’est réel mais c’est pas le pire. Et je me trouve bien illégitime à dire tous ces ressentis.. Mais au même temps, je les ai ressenti donc.. Le bordel dans ma tête oups. Je t’ai sûrement perdu jusqu’ici !
      En tout cas, encore MERCI, je suis reconnaissante que tu me lises et m’encourage.
      Prends soin de toi (J’ai dû te l’écrire 100 fois aujourd’hui, non ?)
      Bises !

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      1. Stephen King a écrit de ne jamais se censurer dans ce que l’ont veux écrire.
        C’est pas si simple que ça comme règle à suivre mais si on veut être franc avec le lecteur, autant déballé ce que l’on se sent de déballer.
        Choquer ? Qui ? Si tu te sens la force d’écrire ce que tu te sens d’écrire vas-y, si ça ne plait pas à certains tant pis. C’est ta vie, ton œuvre, tes écrits.
        Le syndrome de l’imposteur est malheureusement quelque chose que je ne connais pas.
        Après ce sont des conseils que je te donne que j’ai glaner ça et là, si ça se trouve je me trompe.
        Fais-en ce que tu en veux mais c’est important pour moi de lire l’expérience et le combat que tu mène contre la maladie. En tant que lecteur, j’espère que tu pourra écrire autant que tu peux et que tu veux sur ta lutte, parce que je ne connaissais pas cette maladie et que témoigner c’est un chose courageuse qui mérite le respect.
        Et des fois il faut choquer pour montrer la vraie face de nos combat.
        Prends soin de toi aussi ! (Tiens moi aussi j’en rajoute !)
        La bise et merci d’écrire malgré la douleur et la fatigue !

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        1. La claque! Merci pour tes mots. Je crois que tu m’as convaincu, je vais tenter de ne rien changer. C’est vrai que quand je reprends mes textes, je vois bien que j’y ai pas été de main morte par moment et je me questionne vraiment sur si c’est légitime. Mais finalement, tu me fais comprendre que c’est aussi important de ne pas cacher. Effectivement, la maladie est déjà un sujet rare/tabou, autant ne pas l’édulcorer.. En tout cas, je garde précieusement tes encouragements! Je pourrais même dire que si je me suis jetée à l’eau, c’est un peu grâce à toi! Merci beaucoup en tout cas.
          J’espère que ta semaine commence bien!
          Merci à toi de lire !
          Des becs ! 😘

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          1. Ça me fais plaisir si j’ai pu t’aider, vraiment, au moins j’aurai servi à quelque chose.
            Depuis le début j’aime beaucoup ce que tu écris, avec « Récit de vie », tu es passée à un niveau supérieur, c’est fort !
            La semaine qui s’annonce de mon côté semble ne pas être une des plus plaisante mais faut faire avec.
            Bonne semaine à toi et prend soin de toi !
            La bise !

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          2. Et je suis sûre que tu es super utile dans plein d’autres circonstances! Merci en tout cas encore (ohlala elle arrête jamais de dire merci, celle-là!) Tes compliments me servent de carburants !
            J’espère que tout ira pour le mieux, pour cette semaine qui s’annonce pas terrible.
            Si besoin de discuter, je suis jamais très loin!
            Prends bien soin de toi !
            😌😌

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          3. J’ai posté un article plutôt difficile à écrire aujourd’hui, je vais juste devoir m’accrocher et prendre le temps de vivre (et de lire et écrire).
            C’est rafraîchissant de parler avec quelqu’un de ma génération, et quelqu’un qui n’abandonne pas. Je te remercie encore pour tes mots et ton soutiens.
            La bise et merci d’être là ! Et je prendrai soin de moi tout comme toi tu le fera aussi !

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          4. Je vais m’empresser d’aller le lire. Mais d’avance, bravo à toi d’avoir osé, c’est jamais simple. Et oui, accroche toi et prends le temps de vivre simplement. C’est le plus important !
            Tout à fait d’accord, c’est chouette d’avoir un allié de la même génération !
            Merci à toi pour tes mots qui m’apportent toujours beaucoup !

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    1. Difficile de transmettre tout ça le plus justement.. Doucement mais sûrement je m’en rapproche !
      Merci à toi de prendre le temps de lire, c’est encourageant.
      Prends aussi bien soin de toi ! Biiiiise

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  2. Bonjour Lili,
    L’écriture a ce pouvoir, elle nous amène à poser des mots, à ordonner nos pensées, à saisir l’épaisseur des émotions, à nous connecter à tout notre monde intérieur. C’est une voie royale, en racontant ton parcourt, tu fais le plus beau des voyages, tu marches sur ton chemin, explorant chacun de tes pas en conscience et en vérité.
    C’est courageux mais c’est aussi un geste très généreux pour toi.
    à bientôt Lili
    Bien fort

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    1. Coucou,
      Merci pour ton commentaire, je trouve que tu décris parfaitement bien ce processus de décortication de tous ces événements vécus.. Je trouve ça très thérapeutique pour moi et peut-être ça pourra parler à d’autres…
      Merci encore, ça me touche beaucoup !
      Des becs!

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  3. Il y a toujours plusieurs phases avant l’acceptation. Voir c’est parfois trop douloureux et il faut se préserver, se protéger. C’est humain. Surtout que tu quittais un travail pour un autre, un nouveau départ en quelque sorte.

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    1. Exactement, et je pense que le travail n’est pas encore achevé complètement. Je pense que de ressasser les événements m’aide grandement à avancer et à finir d’accepter toute cette situation! Encore merci de me lire ! 💕

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