Récit de vie – 12. Coupable

Avant de lire ce qui suit, je te propose, si tu ne l’as pas déjà lu, d’aller jeter un oeil aux chapitres précédents.

Chapitre 1 – Ma vie d’avant

Chapitre 2 – La première fois

Chapitre 3 – Le déni

Chapitre 4 – Carnet de santé

Chapitre 5 – La descente

Chapitre 6 – Le monde bienveillant de la médecine

Chapitre 7 – Ma nouvelle étiquette

Chapitre 8 – Dans ma peau

Chapitre 9 – Il a dit stop

Chapitre 10 – Ma thérapie

Chapitre 11 – La vie continue

Bonne lecture!


C’est un vaste sujet un peu sensible auquel je m’attaque. C’est comme si j’avais un gros devoir, à rendre impérativement. Et il me paraît si difficile à travailler que je ne sais pas par quel versant de la montagne commencer. Et peut-être qu’à la fin, je me dirais: « Oh ben, c’était pas si compliqué ». 

Allons-y ensemble. Ensemble, c’est toujours plus facile.

La culpabilité.

Elle porte différents visages. Ils ne se présentent pas tous à la fois. La culpabilité a une petite voix sournoise qui me chuchote que j’ai mal agit. Elle m’induit de négativité et forme une boule au centre du corps, non loin de l’estomac. Cette pression dans mon abdomen est chaude, lourde et malveillante. Sur le point de m’endormir, elle finit par me garder aussi éveillée qu’une tasse de café. Elle active mes neurones afin de cogiter. Mais surtout, dans mon cas, je ne suis coupable de rien. Je n’ai pas commis d’infraction, si ce n’est de vivre. Et je le sais. Malgré tout, j’ai beau me le répéter, quand elle pointe le bout de son nez, il m’est difficile de la chasser. Heureusement, depuis que je suis malade, elle ne me rend visite que de manière ponctuelle et pas quotidienne. Lorsqu’elle vient, elle élit domicile dans ma tête l’espace de quelques jours, puis s’en va sans que je m’y attende. 

Je ne suis plus très sûre de l’ordre dans lequel j’ai rencontré ses diverses facettes. J’ai l’impression que la première était liée à l’impuissance de ma situation. 

C’est au moment où j’ai compris que j’avais une pathologie réelle malgré qu’elle ne soit pas encore définie que je me suis sentie comme si le ciel me tombait sur la tête. Comme beaucoup, la première réaction, c’est l’interrogation de: « Pourquoi moi? ». Juste après m’être sentie frustrée que la vie est choisi un chemin si sinueux pour moi, j’en venais à culpabiliser. Qu’avais-je fait de mal pour mériter ça? Encore mieux, je remettais en question ma manière de vivre en me disant que j’avais sûrement dû faire les mauvais choix, pour en arriver là. Il fallait que je comprenne.

J’ai toujours cultivé une relation amicale avec mon corps. Je le remerciais lorsqu’il me rendait service et prenait soin de lui quotidiennement. La culpabilité changeait tout cela. Elle me rendait hostile vis à vis de lui. Je n’en voulais pas qu’à mon esprit mais aussi à mon physique. Je me demandais parfois, en pleurant, pourquoi il décidait de me lâcher. j’avais le sentiment d’avoir toujours fait mon maximum pour cette enveloppe corporelle et là, elle me remerciait de la sorte. Je me sentais trahie par ma propre personne. Une lutte interne si violente que l’instant de quelques secondes, je haïssais mon corps de me faire endurer ça.

Je me reprenais très vite, pour m’excuser auprès de lui. J’essayais de lui expliquer que je ne comprenais pas encore ces raisons mais que j’étais avec lui dans ce bateau en pleine tempête. Une petite nuance qui est venue récemment s’emmêler dans cette culpabilité-ci, c’est le sabotage. J’ai l’impression de me saboter toute seule. Je m’explique. Tandis que ma maladie s’affranchit, les changements concrets aussi. Et certains d’entre eux, sont effrayants. Par exemple, la perspective d’être virée de mon emploi me terrorise. J’en viens à me faire une morale irrationnelle où il faut que j’arrête toutes ces conneries. Mais oui, demain je reprends juste ma vie d’avant et ça ira. Et la seconde d’après, généralement, mes douleurs s’affirment pour me souligner à quel point mes propos sont idiots. Je vous dis, c’est un bordel sans nom dans ma tête quand je culpabilise . Et ce n’est pas tout.

Il y a aussi la culpabilité vis à vis des autres. Je ne remplis tellement plus mon rôle de valide que cela impacte d’autres personnes. L’exemple du travail est parfait pour illustrer. Certes, je suis retourné travailler mais n’étant plus la même, je m’en veux de ne fournir que la moitié de ce que je faisais avant. Je suis peut-être dure envers moi-même mais c’est compliqué de se rendre compte que mes collègues souffrent aussi de ma situation. Non pas parce qu’elles ont beaucoup d’empathie, ce n’est pas de ça dont je parle. Mon travail n’est pas un tas de paperasse à remplir. Mon travail, c’est de petits êtres et des parents qui comptent sur moi. Je ne suis pas irremplaçable, mais le bon fonctionnement d’un groupe d’enfants en collectivité requiert de la stabilité. Les remplaçantes défilants au gré de mon état, ce n’est pas possible. Mes collègues doivent prendre certaines de mes tâches pour garantir une certaine qualité d’accompagnement. Et à la fin, je m’en veux d’être comme ça. D’être un objet cassé, complètement inutile et ne sachant jamais quand le service après-vente pourra s’occuper de mon cas. Mon employeur ne m’a pas engagée pour ça. Je ne me suis pas engagée à cette vie-là.

Mes mots vous semblent peut-être rude. Je partage votre avis. J’observe d’ailleurs que ces pensées sont sournoises. Non seulement, je me torture l’esprit, à m’en vouloir mais en plus j’arrive à être méchante envers moi-même. J’arrive à penser des mots blessants. Je ne sais pas comment vous le dire tellement cela ne me ressemble pas. Je me lance. 

Il m’est arrivé de me dire que je ne méritais peut-être pas de vivre. Peut-être une vie si compliqué n’avait pas vraiment de sens. Peut-être, je pouvais me permettre d’abandonner, juste une fois. Alors, je vous rassure, je n’ai pas pensé concrètement à mettre fin à mes jours. En réalité, au moment où j’ai eu cette effroyable idée, je me suis tout de suite calmée. Je n’ai même pas essayé de chercher comment la vie serait sans moi ou qui j’allais faire souffrir, non. Je me suis accrochée à ma personnalité. J’aime la vie. Je ne suis pas d’accord d’abandonner le combat. Malgré les difficultés, les pleurs et les douleurs, ce n’est pas moi. De plus, je reste toujours motivée par les erreurs de parcours. C’est désagréable de se tromper, de faire faux. L’avantage, c’est qu’il y a toujours un apprentissage derrière. J’ai la sensation que plus le parcours est sinueux, plus la leçon est enrichissante. C’est ma vision des choses, même si ça me déplaît. C’est ma bouée de sauvetage. J’ai besoin d’une lueur d’espoir, c’est mon phare dans la tempête.

Le plus fou, c’est que je sais pertinemment que me sentir coupable n’est ni justifié, ni profitable. Encore pire, j’ai conscience que le mental impacte le physique. Si je souhaite m’aider à aller mieux, je dois me défaire des ces pensées parasites. Et là, je peux m’en vouloir de maltraiter mon esprit. Bref, le chemin est encore long. Les clés sont dans mes mains, il me faut apprendre à les utiliser.

J’ai gardé le pire pour la fin. L’aspect qui me fait le plus souffrir de la culpabilité, c’est vis-à-vis de mes proches. C’est différent de la culpabilité éprouvées pour les autres, en général. L’idée est la même mais en plus douloureuse. Je dois admettre que j’ai du mal à gérer ma maladie face à ceux qui me sont chers.

J’ai besoin de soutien et de leur en parler. J’ai confiance en eux et je sais qu’ils souhaitent mon bien-être. Je me sens en sécurité en partageant mes vérités avec eux. Le problème c’est que je me rends bien compte qu’ils n’ont pas nécessairement les armes pour faire face à ce que je leur explique. Je me rends compte qu’ils se sentent aussi démunis de n’avoir pas de solutions.

Parfois, dans leur propos, je reçois de la colère. Je comprends qu’elle ne m’est pas destinée mais elle me touche. Le pire pour un parent, c’est de voir son enfant souffrir. Je le vois bien. C’est un cercle vicieux. Je ne veux pas que mes douleurs fasse souffrir mes semblables. Mes semblables ne souhaite pas me voir souffrir. Personne ne sait vraiment où se placer. Je ne peux pas témoigner en leur nom et vous dire tout ce qu’ils ressentent. Du mien, je vous le disais, c’est compliqué et ça me joue des tours.

Parfois, je ne parle tellement pas de mes difficultés quotidiennes qu’ils oublient. Comme s’il ne m’arrivait rien. Et lorsque j’ose manifester mes déboires, soit ils sont surpris de la gravité, en remettant presque en cause mes propos soit ils sont en colère, vis à vis de la situation. Je ne sais pas sur quel pied danser. J’ai besoin de leur soutien mais je ne souhaite pas les blesser. Je suis un problème de plus dans la vie de ceux que j’aime. Un poids. J’ai besoin de leur aide et je ne sais pas si je pourrais leur rendre l’appareil un jour. Que je sois malade, je peux l’accepter et l’endurer. Que cela impacte les être aimés, je ne suis pas d’accord, c’est au dessus de mes forces. Je me sens coupable de leur faire ça car j’estime, qu’ils ne le méritent pas.

(écrit en décembre 2019)


C’était un chapitre dense, merci de m’avoir lue et à très vite !

Lili

3 commentaires sur « Récit de vie – 12. Coupable »

    1. Hello Julie,
      Merci d’avoir pris le temps de lire! L’idée d’aller voir un psychologue m’a traversé l’esprit à plusieurs reprise mais j’ai souvent fait ma propre thérapie par l’écriture! Je me suis toujours dit que si ça ne suffisait plus, j’irais en consulter un! Il faut trouver ce qui fonctionne pour soit et je suis heureuse de savoir que tu as trouvé une option!
      Je te souhaite une belle journée!
      Lili

      Aimé par 1 personne

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