
C’est en rédigeant mon article sur mes plaisirs gustatifs du mois de février que j’ai ressenti le besoin de mettre bout à bout quelques mots concernant ce rapport si étrange que j’entretiens à la nourriture.
En faisant le bilan du mois écoulé, j’éprouve un sentiment contradictoire. Je suis non seulement heureuse d’avoir continuer à accorder une grande importance à me nourrir mais d’autant plus que je n’ai pas été aidée. La vérité, c’est que j’ai passé la moitié du mois malade et qu’à l’heure actuelle, ce n’est pas fini. Ayant une maladie touchant mon système digestif, cela faisait plusieurs mois que j’étais dans une phase plutôt stable. Février aura troqué la stabilité contre des nausées à la journée, des pertes d’appétit infinies et le ventre qui se tort à en pleurer. Par moment, je n’ai envie de rien avaler, le ventre tellement gonflé puis la seconde d’après, il me crie famine pourtant, tout me dégoute. Les crises sont devenues tellement discrètes ces derniers mois que j’avais oublié à quel point elles ont le pouvoir de gâcher mon quotidien, allant jusqu’à me réveiller la nuit.
Alors, chère maladie, promis, je sais que tu es là et je ne minimise pas tes capacités. Pouvons-nous retrouver un équilibre, il nous allait si bien, ne te souviens-tu pas? À l’heure où j’écris, je suis dégoutée par mes propres assiettes, tellement tu es sournoise. Car lorsque tu te déclenches, je perds l’envie de manger, pire même la nourriture me dégoute et m’effraie. Je ne sais plus comment nourrir ce corps qui rejette n’importe quel aliment que je lui offre. Je culpabilise à chaque bouchée pourtant nécessaire à ma survie. Tu conditionnes mon esprit à associer la nourriture à de la souffrance et ça, ce n’est pas correct de ta part.
Ce mois-ci, marqué par ton grand retour, j’ai décidé, malgré tes nombreux cris, de faire la sourde oreille. J’ai tenté de te faire taire en te montrant que mes choix alimentaires ne changeait rien à tes manifestations. Et j’avoue que tu sais te montrer aussi têtue que moi. Cependant, en continuant à me nourrir, à manger ce qu’il me plaît et même simplement en continuant à manger tout court, je tiens à te montrer que la responsable de tout ça, ce n’est pas moi. Je ne crée pas ce déséquilibre par mes choix, mes envies ou que sais-je. C’est toi, ma chère maladie qui me couvre de ton fléau et je t’accepte. J’attendrais patiemment que t’apaises à nouveau, qu’en mars peut-être ça ne soit qu’un mauvais souvenir. Je ferais ce qu’il faut pour ne pas entacher cette belle relation alimentaire que j’ai tenté de construire, sous prétexte que tu existes.
Par le passé, je trouve que tu as suffisamment guidé mes choix et ils ne m’ont pas été bénéfiques. À une certaine époque, tu m’as rendue tellement malade que je mangeais avec la peur des aliments. Je catégorisais les aliments en fonction des souffrances que je pensais qu’ils déclenchaient. Et toi, tapie dans l’ombre, tu te frottais les mains. Tu as pourri ma relation à la nourriture mais c’est du passé car aujourd’hui, j’ai compris ton jeu. Alors, ce n’est pas grave. Tu peux envoyer les symptômes, je les attends sagement mais saches une chose: je continuerais à manger comme je l’entends, sans diaboliser aucune bouchée. Lorsque je me recroquevillerais, en attendant que les salves se calment, je ne remettrais pas le contenu de mon assiette en compte car la seule responsable, c’est toi. Et je ne t’en veux pas. Au fond, tu fais parti de moi et tout ce que je souhaite, c’est continuer à apprendre à vivre avec toi et toutes nos colocataires. D’ailleurs, si vous pouviez vous coordonner, j’apprécierais mais j’en demande peut-être trop.
Je t’envoie toute ma tendresse, pour que tu t’apaises. Prends soin de toi, ça m’aidera aussi.