Jour 53 – Espérer

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Je sors du sommeil avec l’appréhension. Je me suis endormie heureuse mais épuisée et douloureuse. J’ai peur de découvrir ce qu’il m’attend pour la journée. Je tourne sur le côté et me redresse, doucement.

Surprise. Je ne me sens pas aussi mal que je l’espérais. Je me mets debout et mes jambes tiennent le coup. Je les félicite et file vivre mon rituel matinal. Tisane, tapis de yoga et je commence la séance. Aujourd’hui, les postures s’enchaînent rapidement, mon souffle s’accélère et mon corps produit de la chaleur. Ça tire un peu dans mes jambes mais ce n’est pas grave, je tiens bon.

Pendant mon petit-déjeuner, je songe à ce que j’ai envie de faire. Envie de créer, de travailler de mes mains. Je réfléchis et l’idée me vient. Je vais faire un peu de couture. Je vais chercher le tissu, le fil et les aiguilles. Je passe ma matinée à coudre, à la main. C’est apaisant. Par moment, je jette un oeil à travers la vitre. Il fait gris aujourd’hui. J’envisage d’aller prendre l’air, un peu plus tard.

Lorsque je suis satisfaite de ma couture du jour, je range le tout et vais en cuisine. Il est déjà midi et mon ventre réclame son dû. Pendant que mon repas chauffe, la météo change. De minuscules particules flottent dans les airs. Puis, cela s’arrête. Il menace clairement de neiger mais la météo est indécise. Je vais manger, laissant le temps au temps de se décider.

Pendant que j’absorbe mon plat, je m’aperçois que la fourchette devient lourde. Mes bras se sont ankylosés, subitement. Et petit à petit, c’est tou mon corps qui suit le mouvement. Ma mâchoire travaille difficilement. J’arrive avec peine à manger les derniers morceaux. Je pose mon assiette et m’allonge dans le canapé. Mes yeux brûlent et la lumière devient pénible. L’abattement s’installe et je ne peux que le constater. Ce n’est plus le moment de lutter mais d’accorder le repos. Je clos mes paupières.

Plus tard, j’ouvre les paupières, péniblement. Je constate les dégâts. Je ne sais pas comment je vais pouvoir ne serait-ce que lever un doigts. Auparavant, j’aurais cherché les causes de mon état. J’aurais voulu comprendre ce que j’ai fait de faux. Heureusement, depuis, j’apprends que je ne fais rien de faux. Je ne peux m’en vouloir de vivre et d’en profiter au maximum. Parfois ça passe, parfois ça casse. Je n’ai qu’à attendre le prochain tour de manège. Je passe l’après-midi, avec cette sensation écrasante de fatigue pourtant, lorsque je ferme les yeux, je ne dors pas. Je suis coincée dans ce corps ressentant la faiblesse et les douleurs. Par chance, d’où je suis, je peux regarder par la fenêtre.

Dehors, la neige est enfin tombée. Je prends énormément de temps à l’observer. Au fond de moi, j’ai tellement envie d’aller piétiner cet matière grumeleuse et éphémère. La couche se fait de plus en plus épaisse et même quand la nuit tombe, l’horizon est illuminé par le manteau blanc.

Le soir, j’écris un peu, sans trouver de position acceptable. Je vais droit au but. Je lâche prise sur mon état.

Je suis heureuse d’avoir pu coudre. Je tente de ne pas nourrir trop d’espoir pour demain, même si au fond, je l’admets, j’espère avoir la possibilité de fouler la neige.

Jour 48

Ce matin, réveil douloureux. J’entends les douleurs mais je ne veux pas les croire. Je ne veux pas entendre ce qu’elles disent. Elle murmurent que la journée commence mal. Elle insuffle une difficulté supplémentaire. Je dois réunir toute la motivation du monde pour me tirer du lit. Me voilà debout.

Je rejoins la voix d’Adriene, sur mon tapis de yoga. J’ai pris goût à la séance en pyjama. Je peux garder la sensation d’être encore entrain de dormir. La séance travaille énormément les abdominaux. Les miens sont loins d’être en béton mais comparés aux exercices me demandant d’être debout, j’éprouve moins de difficultés. Ou surtout, beaucoup moins de douleurs dans cette zone. Enfaite, lors des autres séances, il faut que je distingue la difficulté normale et la combinaison douleurs/difficultés. En effet, j’ai à la fois mal et à la fois, moins de facilité qu’avant. En tout cas, de ne pas faire de posture douloureuse me rend confiante. Et toutes ces respirations prises consciemment font définitivement taire la petite voix sournoise que j’avais dans la tête, lors de mon réveil.

Je me rends à un rendez-vous médical. En sortant, le soleil dépose un bisou sur mon front. Il fait beau. Le ciel est bleu, il ne manquerait plus que les oiseaux chantent. La température de l’hiver se bat avec le soleil pour rester négative. Cet environnement m’invite clairement à en profiter. Je me sens fatiguée. Je sens mes membres sans énérgie mais je ne suis pas très loin du lac. Par un soleil pareil, c’est cruel. Je tergiverse quelques minutes. Aller me reposer ou regrouper mon énergie et prendre plus d’air. Seconde option pour moi. J’en ai réellement envie. Je ne veux plus frustrer mon esprit. Malgré le froid, c’est comme si je rattrapais tous les mois où je ne pouvais plus bouger un doigt. Le soleil, l’air, le vent, les odeurs, et tant d’autres, autant d’éléments qui m’ont manqués.

Arrivée au bord du lac, je suis éblouie. C’est merveilleux. La promenade est presque désertique. Quelques enfants jouent, nourrissent les canards. Quelques badauds font comme moi, ils déambulent. Vers les quais, l’eau semble calme, le vent est muet. Il fait glacial, réellement. Mais les rayons jaunes me réchauffe le visage, l’âme. Plus loin, l’ambiance est différente. Je vois la réelle nature de l’eau. Il y a des vagues dignes de la mer. Aucun bateau ne navigue pourtant, c’est l’oeuvre du vent. L’eau gesticule, fait de grands mouvements. Ça crée un rythme apaisant. Les vagues se jettent à corps perdu sur les rochers, donnant le tempo. Et le vent souffle sur moi, à m’en faire perdre les doigts. Je suis émerveillée par tous ces détails. Il y a tellement de belles choses à percevoir, ressentir et observer. C’est une infinie ressource. Je m’installe sur le rebord en pierre. C’est froid sous mes fesses mais mon coeur est chaud. Je suis au centre de ce magistral spectacle. Je n’ai pas de mots. Je ressens des vibrations lorsque les vagues frappent les rochers. Les gouttelettes volent et scintillent dans les airs. Le reflets sont si puissants que j’en plisse les yeux. Par moment, le vent me contraint à clore mes paupière pour éviter aux larmes de tomber. Je reste là. J’écoute cette musique saisissante. Je suis aveuglée. Je ne me lasse jamais du lac. Je ne saurais pas l’expliquer. A toutes les saisons, il sait m’épater et m’apporter ce dont j’ai besoin. Je suis reconnaissante d’avoir ce point énergétique si puissant, prêt à me porter dans les épreuves de la vie. Je ne pense à rien. Je laisse l’eau nettoyer mon esprit.

Pssst! Le son de l’eau est disponible ici.

L’inévitable arrive, je rentre.

Je me prépare un repas et je ne le sais pas encore, mais c’est la dernière activité que je fais aujourd’hui. Lorsque mon ventre est satisfait, je m’aperçois que mes membres sont devenus lourds. Sur mes épaules, un poids envahissant se pose. J’ai de plus en plus de mal à comprendre ce qui m’entoure. Le temps passe ou plutôt, je le laisse passer. Chaque geste devient un véritable effort. Allongée, même me retourner me coûte. Je fonds dans la lourdeur de l’inaction. J’attends. La nuit tombe et avec elle, je perds du terrain. Je navigue en plein brouillard, ne trouvant plus comment associer mes pensées aux mots. Je ne sais plus utiliser la parole. Je bégaye. Je ressens l’épuisement, les douleurs et doucement, la faim. Je n’ai pas la force de cuisiner, je n’ai pas le choix de décider quoi manger. Je ne sais plus. Je prends de longues minutes pour arriver dans la cuisine. Réussir à me baisser pour prendre un repas dans le congélateur. Je remercie mon moi du passé d’avoir congelé des plats, tout prêts, en prévoyance des jours compliqués. Ainsi, je continue mon engagement de bien me nourrir.

Mon état d’esprit est paisible, je patiente que l’orage passe. J’accepte le sort et attend mon tour, pour revivre. Je regarde dans mon téléphone, les images prises plus tôt. Beaucoup de reconnaissance d’avoir vécu ces moments riches. Puis je tente d’écrire. Vu mon état, c’est comique. Je décide de noter quelques mots clés et me promets de faire le reste demain, de rendre honneur à cette belle journée qui s’achève.