Récit de vie – 4. Carnet de santé

Avant de lire ce qui suit, je te propose, si tu ne l’as pas déjà lu, d’aller jeter un oeil aux chapitres précédents.

Chapitre 1 – Ma vie d’avant

Chapitre 2 – La première fois

Chapitre 3 – Le déni

Bonne lecture!

PS: J’ai beaucoup hésité à partager tout ces détails. Néanmoins, je crois qu’ils peuvent finalement réellement t’aider à te mettre dans mes chaussures et comprendre comment j’ai vécu les épreuves que je te décrirais par la suite…


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Je trouve important d’aborder ma vision de la santé, avant que toute cette histoire me tombe dessus. Et plus précisément mon point de vue sur ma propre santé. Donc, de manière très chaleureuse, je vous invite à faire un saut dans mon carnet de santé. Bienvenu, installez-vous. Servez-vous un thé, un café, ce que vous voulez. Je veux que vous soyez à l’aise durant ce bilan.

C’est parti.

Je suis née avec de l’eczéma sur une bonne moitié de mon corps. Si vous ne savez pas ce que c’est, c’est une maladie qui touche la peau. Pour vous la décrire de mon point de vue, je trouve que l’étymologie du mot fait bien le travail. Cela viendrait du grec et la traduction serait entre l’ébullition et bouillir. Je pense que vous avez compris la métaphore. Ma peau est similaire à l’eau chaude, dans la casserole, juste avant d’y plonger une poignée de pâtes.

Et ce depuis toujours. À certaine période, la maladie se fait discrète. À d’autres moments, j’ai été privée de baignade à la piscine car le chlore est trop agressif. Pas tous les jours évident et encore aujourd’hui, j’apprends à partager mon corps avec. Néanmoins, je ne me suis jamais sentie gênée par les poussées. Je n’ai rien connu d’autre, à vrai dire. J’ai appris à composer avec les caprices de ma barrière cutanée et n’ai jamais eu la sensation d’être très différente des autres.

La deuxième chose avec laquelle j’ai toujours plus ou moins vécu c’est une digestion capricieuse. Beaucoup de maux de ventre, et de troubles intestinaux divers et variés. Et là aussi, c’était tellement normal pour moi que je n’avais pas conscience de ce qu’était une normalité digestive, si je peux dire ça ainsi.

Je m’étais accoutumée aux caprices de mes viscères. Surtout qu’il faut avouer que dans notre société, parler problèmes digestifs, c’est pas beau, ça se fait pas. Alors je n’ai jamais eu l’occasion de me rendre compte que quelque chose clochait, ou alors, je ne voulais pas voir… Qui-sait?

Néanmoins, quelques mois avant que la maladie ramène sa valise, j’ai vécu une grande peur. J’étais en vacances, avec des amis, au ski. Et ma digestion a déclaré la guerre, enfin plus que d’habitude. Je vous passe les détails les plus adorables mais j’ai réellement cru que mes organes ne fonctionnaient plus. J’ai eu l’impression de mourir alors j’en ai parlé autour de moi. C’est ainsi que j’ai compris que je n’avais jamais eu un système dans la norme.

J’en suis arrivée à ne plus savoir quoi manger. Rien ne convenait à mon corps. Moi qui avait toujours apprécié manger, je redoutais maintenant le moment d’avaler un morceau. C’était devenu autant inquiétant pour moi et mes proches qui voyait mon corps s’amincir.

C’est alors que, je suis allée chercher de l’aide. Je me suis dirigée vers une gastro-entérologue, dont je garde un bon souvenir. Après analyses, elle m’a appris que j’avais le syndrome de l’intestin irritable, ou bien le syndrome du côlon irritable et en anglais ça donne, irritative bowel syndrome. C’est reparti pour le cours de science. Je vais vous la faire courte: c’est une affection chronique qui implique des désagréments digestifs variables et propre à chaque personne. Les crises sont déclenchées par le stress, les vêtements trop serrés, l’alimentation et des fois pour rien. Une pépite.

J’ai ressenti énormément de soulagement avec ce diagnostique. En effet, il me permettrait de pouvoir enfin trouver un peu de répit. Et ça expliquait tellement de choses. J’étais tellement contente de comprendre mieux le fonctionnement de mon corps et de savoir comment répondre à mes besoins. Pour m’aider, j’ai deux traitements quotidiens. Le premier est médicamenteux tandis que le second, c’est mon alimentation. J’ai tout changé. C’est un peu strict comme mode d’alimentation mais néanmoins, il me permet de gérer un peu mieux les crises. C’est pas magique mais je vis bien mieux que depuis toujours, de ce côté-là en tout cas. Alors bon, je ne suis pas la bonne personne à qui offrir des chocolats ou à inviter à dîner mais ce n’est pas bien grave. L’équilibre retrouvé est un pur bonheur.

Et comme nous sommes dans le sujet des restrictions, je vous annonce que j’ai un joli terrain. Allergique, bien évidemment. Aussi vaste qu’un champ! Des chats aux acariens, les pollens, en passant par les fruits de mer, les oléagineux ainsi qu’à qu’à la plus part des fruits et des légumes présents sur votre liste de courses, le samedi matin. 

Le débat n’est pas de savoir s’il y a un dieu* ou pas quelque part, la vraie question est: si quelqu’un joue avec les humains sur la terre comme je joue au sims. Cette personne a dû penser que je manquais de défis. Quelle belle idée. Parce que je dois vous avouer que lors de mon changement d’alimentation, ça n’a pas été simple d’enlever encore une part de ce que je pouvais manger. Aujourd’hui, je m’en accommode plus facilement, mais ça été un réel apprentissage.

En tout cas, malgré tout ce bagage, je me pensais en bonne santé. De mon point de vue, tant que je pouvais rire, courir, sauter et sourire: tout allait bien. Finalement, je me suis toujours adaptée. Alors oui, j’ai plus de difficultés à faire mes repas au vu de mon estomac et des allergies mais j’aiguise ma créativité culinaire. Les possibilités sont infinies! J’ai toujours accepté les défis que la vie me réservait et chaque jour, je les relevais, sans broncher… Enfin, c’était avant tout ça, vous vous en doutez.

Je pense que désormais, vous avez une belle image de ma santé. J’insiste sur un seul point. Certes, j’ai toutes ces affections mais, au delà de ça, je me sentais bien. Une jeune adulte en plein apprentissage de la vie. Je considérais réellement ma santé comme bonne. Je savais vivre avec tout ce petit monde et même si parfois, nous avions des querelles, cela se passait bien. Je me sentais libre.

Les moments les plus désagréables, c’était surtout dû au regard des autres. Malheureusement, j’ai souvent pu entendre de la stupéfaction et de la pitié. Et je ne compte pas le nombre de: «Je ne sais pas comment tu fais». La réponse magique que je n’ose jamais donner par respect est que si je ne le fais pas, je ne survis pas. C’est aussi simple. Et je n’ai surtout pas le choix. J’espère que tu n’as pas ressenti de malaise ou de pitié, car ils n’ont pas lieu d’être.

Alors s’il te plaît, je t’ai laissé rentré dans l’intimité de mon dossier de santé, je te prie de ne pas le juger. Garde à l’esprit que j’avais tout pour mener une vie heureuse, comme j’ai pu te la décrire auparavant.

Vous avez remarqué? Je n’ai tellement pas l’habitude de déballer tous ces détails que je me suis permise de vous tutoyer, comme si nous étions devenus intime. Navrée.

Maintenant que tu vous savez d’où je viens, en terme de santé, nous pouvons avancer vers la destination finale.

*Je tiens à préciser que je ne veux offenser personne et que si c’est le cas, je m’en excuses. La question de la religion reste propre à chacun et je n’émets aucun jugement.


PS: Je te remercie de me lire et promis, la suite arrive bientôt!

Jour 10

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J’entame la semaine des dernières fois. Au travail, à chaque geste, je conscientise que c’est le dernier dans son genre. Une ultime ligne droite qui a un goût particulier. Je veux donner le meilleur de ma personne, si bien que je ne fais pas les choses à moitié. J’apprécie offrir cette qualité de travail qui me qualifie, pourtant, le revers de la médaille m’attend déjà.

Je rejoins mon chez moi, chargée. Dans ma tête, un marteau bat la mesure contre une enclume, frappant au passage mon esprit. Mon corps pèse plus lourd qu’à l’accoutumée et mes jambes sont tristement crispées.

J’ai patienté toute la journée pour rejoindre ma natte de yoga. Le chemin va être sinueux jusque-là.

Une lutte débute. Mes douleurs sont non-négociables. Elles imposent leurs convictions et leur rythme. Une décharge de fatigue finit par m’achever. Je lâche mes espoirs et m’allonge. Je ferme les paupières. Un bal de cogitations commence. Je comprends l’importance du repos. Parfois, sans le savoir, je l’ai trop appliqué. A la différence d’une sorte de flemmardise, ces derniers mois, j’étais en pause. Comme si le repos allait changer quelque chose à mes atteintes. J’ai beau savoir que c’est incurable, mon inconscient continue d’y croire.

J’ouvre les paupières. Un choix se pose devant mes yeux. Soit, je reste allongée et ma journée aura ressemblé à du travail puis du sommeil; soit, je me lève et entreprend de faire une activité pour mon plaisir. J’accepte rapidement la seconde solution. Soulager mes douleurs par le repos n’est pas suffisant. Je dois aussi préserver mon mental de ce repos. Aujourd’hui, ma santé morale prime sur ma forme physique qui ne changera pas.

Je m’asseye sur le tapis et je m’aperçois que la vidéo annonce une durée de trente-six minutes. Ma motivation étant déjà fortement impacté, décidément, ça ne s’arrange pas. Un commentaire atteste ne pas avoir vu le temps passer. J’appuie sur play pour me faire ma propre idée. Je suis concentrée sur ma respiration et mes postures. Je vérifie les alignements. Je prends note de mes ressentis. L’énergie parcoure mon corps de part en part. J’observe avec indulgence mes difficultés.

Je dois admettre qu’il avait raison. Je n’ai pas vu une seconde défiler. Ce moment est hors du temps, au delà de mon corps.

Après la session, je suis mentalement nourrie. Malheureusement, au moment où je reprends entièrement possession de mon enveloppe corporelle, les afflictions reviennent avec. La lutte reprend. L’envie de m’enterrer dans l’inaction me saisit encore plus fort qu’auparavant. Je reste allongée sur le sol. J’attends que le temps passe, dans cet inconfort. L’idée d’un bain ainsi que de ses bénéfices me font de l’oeil. Je perds un temps fou à me lever. Présentement, il m’est difficile de célébrer la lenteur. Elle m’est imposée et ça ne me plaît pas.

Après ce bain, je me félicite de m’être autant fait violence. Une épaisse couverture m’abrite, dans le canapé. Je suis en lieu sûr pour écrire. Il m’est difficile de rédiger l’article. Le thème ne coïncide pas avec mon humeur. Une rage bouillonne au creux de mon estomac. Ces dernières vingt-quatre heures, je n’ai pas cessé de lutter pour aller au bout de mes envies. Malgré tout, je constate que je n’ai pas abandonné. Je n’ai pas dit mon dernier mot.