Jour 10

Photo de Pixabay sur Pexels.com

J’entame la semaine des dernières fois. Au travail, à chaque geste, je conscientise que c’est le dernier dans son genre. Une ultime ligne droite qui a un goût particulier. Je veux donner le meilleur de ma personne, si bien que je ne fais pas les choses à moitié. J’apprécie offrir cette qualité de travail qui me qualifie, pourtant, le revers de la médaille m’attend déjà.

Je rejoins mon chez moi, chargée. Dans ma tête, un marteau bat la mesure contre une enclume, frappant au passage mon esprit. Mon corps pèse plus lourd qu’à l’accoutumée et mes jambes sont tristement crispées.

J’ai patienté toute la journée pour rejoindre ma natte de yoga. Le chemin va être sinueux jusque-là.

Une lutte débute. Mes douleurs sont non-négociables. Elles imposent leurs convictions et leur rythme. Une décharge de fatigue finit par m’achever. Je lâche mes espoirs et m’allonge. Je ferme les paupières. Un bal de cogitations commence. Je comprends l’importance du repos. Parfois, sans le savoir, je l’ai trop appliqué. A la différence d’une sorte de flemmardise, ces derniers mois, j’étais en pause. Comme si le repos allait changer quelque chose à mes atteintes. J’ai beau savoir que c’est incurable, mon inconscient continue d’y croire.

J’ouvre les paupières. Un choix se pose devant mes yeux. Soit, je reste allongée et ma journée aura ressemblé à du travail puis du sommeil; soit, je me lève et entreprend de faire une activité pour mon plaisir. J’accepte rapidement la seconde solution. Soulager mes douleurs par le repos n’est pas suffisant. Je dois aussi préserver mon mental de ce repos. Aujourd’hui, ma santé morale prime sur ma forme physique qui ne changera pas.

Je m’asseye sur le tapis et je m’aperçois que la vidéo annonce une durée de trente-six minutes. Ma motivation étant déjà fortement impacté, décidément, ça ne s’arrange pas. Un commentaire atteste ne pas avoir vu le temps passer. J’appuie sur play pour me faire ma propre idée. Je suis concentrée sur ma respiration et mes postures. Je vérifie les alignements. Je prends note de mes ressentis. L’énergie parcoure mon corps de part en part. J’observe avec indulgence mes difficultés.

Je dois admettre qu’il avait raison. Je n’ai pas vu une seconde défiler. Ce moment est hors du temps, au delà de mon corps.

Après la session, je suis mentalement nourrie. Malheureusement, au moment où je reprends entièrement possession de mon enveloppe corporelle, les afflictions reviennent avec. La lutte reprend. L’envie de m’enterrer dans l’inaction me saisit encore plus fort qu’auparavant. Je reste allongée sur le sol. J’attends que le temps passe, dans cet inconfort. L’idée d’un bain ainsi que de ses bénéfices me font de l’oeil. Je perds un temps fou à me lever. Présentement, il m’est difficile de célébrer la lenteur. Elle m’est imposée et ça ne me plaît pas.

Après ce bain, je me félicite de m’être autant fait violence. Une épaisse couverture m’abrite, dans le canapé. Je suis en lieu sûr pour écrire. Il m’est difficile de rédiger l’article. Le thème ne coïncide pas avec mon humeur. Une rage bouillonne au creux de mon estomac. Ces dernières vingt-quatre heures, je n’ai pas cessé de lutter pour aller au bout de mes envies. Malgré tout, je constate que je n’ai pas abandonné. Je n’ai pas dit mon dernier mot.

Jour 6

Le réveil sonne et je ne veux pas y croire. Je regarde l’heure et je ne peux même pas négocier, je dois me lever. La nuit a été agitée. J’ai le souvenir de m’être réveillée à plusieurs reprises. J’ai trouvé le temps long. Au final, je ne me suis pas véritablement reposé. J’ai du mal à comprendre ce qui a joué en ma défaveur mais j‘accepte mon sort. Je ne suis sûrement qu’une personne parmi tant d’autres à vouloir dormir un peu plus.

Je dois me rendre à un rendez-vous et je saisis l’occasion de marcher. Je m’y rends à pieds, aller et retour. Je suis plutôt surprise par la facilité que j’expérimente dans les mouvements. Je remercie mon enveloppe de me permettre des choses si simples. A mon sens, les plus grandes victoires sont dans les petits actes.

Plus tard, je me mets à écrire. J’ai du mal à me concentrer. Au fond de ma boite crânienne, ça tambourine. Je lutte. Le batteur se rapproche de mes tempes. Il est insistant. Je réunis toute ma volonté pour tenter de l’affronter. Rien n’y fait, ni l’eau, ni les substances que je lui envoie dessus n’ont raison de lui. Il a gagné. J’ai mal à la tête.

Mon dernier joker. Abandonner mes plans et clore mes paupières. Je suis mise sur pause.

A mon réveil, je n’aperçois plus le méchant musicien. Je suis enveloppée dans une chaleur étouffante. Le poids de mon corps a doublé. Je me résigne à terminer mon article le plus rapidement possible. Je n’ai pas envie d’abandonner ou de le bâcler mais je dois admettre qu’aujourd’hui, je lutte. Malgré tout, je reste combattive. Je relis très rapidement afin de ne pas trop réfléchir. La fatigue me rend plus sensible aux doutes. Je dois rendre la confiance que mon corps mérite. Il m’a demandé du repos, c’était un besoin. Pourquoi je me justifie?

J’ai besoin de finir la journée de la manière la plus douce qu’il soit. Adriene m’accompagne encore sur mon tapis de yoga. Je ferme les yeux. J’ai une confiance aveugle en sa voix. J’inspire et la douce odeur de l’huile essentielle de mandarine me réconforte. La pratique est une caresse à mon corps, à mon esprit.

C’est bien suffisant pour aujourd’hui.

Jour 3

La journée démarre tôt. Il fait encore nuit lorsque je sors de chez moi. L’odeur du gèle glace mes narines, je rentre mes mains dans mes poches. Je suis en route pour mes obligations professionnelles. Mon être sort du sommeil et je repense très vite à mon objectif quotidien. J’y vais avec la certitude de prendre un temps pour moi. C’est ma motivation principale.

Photo de Josh Hild

Plus tard, je m’empresse de tourner la clé dans la serrure. Mon havre de paix se trouve derrière la porte de bois. Je suis impatiente d’aller cultiver mon jardin secret. Je ne sais pas par où commencer. Ma tête est pleine de brouhaha. Mon corps est affaibli et mon esprit attend sa récompense.

Je décide de répondre à mes besoins physiologiques. Je me nourris d’une délicieuse crêpe à la cannelle ainsi que d’un yoghourt nature. La tisane que j’avale m’emplit d’une chaleur réconfortante. Mon estomac s’apaise. Mon esprit s’éclaircit.

J’écris. C’est fastidieux et maladroit. Je ne me décourage pas. J’aime savoir que je le fais pour mon plaisir et ça me conforte dans ce choix. Objectif déjà largement atteint.

Mon corps est fatigué. Mes doigts ont du mal à répondre aussi vite que mon cerveau fuse. Je ne lâche pas. Je suis obstinée à arriver au bout de mes idées. Mon corps est contracturé, je passe au yoga.

Il me demande le repos. Je le rassure. Désormais, je suis aussi là pour son bien. Je ne cherche pas à accomplir une prouesse physique. Je m’étire doucement, les yeux clos. La musicalité de mon souffle est apaisante. Je m’allonge. Le temps s’arrête pour que je puisse méditer.

Je suis éreintée sans que cela ne m’empêche de me sentir accomplie.