Récit de vie – 18. Une raison

Avant de lire ce qui suit, je te propose, si tu ne l’as pas déjà lu, d’aller jeter un oeil aux chapitres précédents.

Chapitre 1 – Ma vie d’avant

Chapitre 2 – La première fois

Chapitre 3 – Le déni

Chapitre 4 – Carnet de santé

Chapitre 5 – La descente

Chapitre 6 – Le monde bienveillant de la médecine

Chapitre 7 – Ma nouvelle étiquette

Chapitre 8 – Dans ma peau

Chapitre 9 – Il a dit stop

Chapitre 10 – Ma thérapie

Chapitre 11 – La vie continue

Chapitre 12 – Coupable

Chapitre 13 – L’impatience

Chapitre 14 – Validation

Chapitre 15 – Bonne nouvelle?

Chapitre 16 – Inattendu

Chapitre 17 – Surprise

Bonne lecture!


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Depuis l’annonce officielle de mon syndrome, plusieurs choses ont changé en moi. C’est tellement compliqué à admettre, à assimiler et à expliquer que je ne sais pas comment l’écrire. J’essaie de trouver la formulation idéale qui embellira ce que je ressens. Je vais tenter d’être honnête avec vous, avec moi. Vous êtes le prétexte par lequel je passe pour comprendre et digérer ce que je vis. Ok, bon, il faut que je cesse de tourner autour du pot. Je me lance.

Je me sens vide.

J’ai mis tellement d’énergie pour trouver d’où venaient mes problèmes, de les légitimer et maintenant que c’est posé, je n’ai plus de raisons de me lever. C’est aussi simple et déprimant que ça. 

C’est étrange pour moi de vous dire ça. En temps normal, je suis si positive. Depuis le diagnostique, je ressens ce manque d’énergie. À la fois, j’ai envie d’avancer avec ce que je sais désormais et à la fois, je suis coincée. Je ressens que ce quotidien n’est définitivement pas adapté à mes difficultés et pour y remédier, il faut entamer une reconversion professionnelle, il faut des démarches, des financements, du travail et de l’énergie. Et c’est ce dernier point qui m’ennuie. J’ai l’impression que le corps arriverait à suivre mais pas la tête. Elle est fatigué. Le combat l’a achevé. C’est peut-être ça, une dépression. Avant, je n’avais plus la force physique d’accomplir des choses et dès maintenant, c’est la force psychique qu’il me manque. Alors peut-être que crier à la dépression, c’est peut-être un peu rapide. C’est peut-être qu’une passade désagréable de plus.

J’avais un but jusqu’ici. J’avançais avec l’objectif de prendre soin de moi et de trouver des explications à mon état. J’étais indulgente envers mes limites et malgré tout, je ne reculais devant rien. J’entreprenais toujours tout un tas de choses en dépit de mon état. J’ai terminé ma quête et je constate que je n’avais pas préparé l’après. 

Après le diagnostique, lorsque ça ne se guérit pas, il reste quoi à faire?

J’ai tourné et retourné la question, consciemment, inconsciemment.

Je crois que je dois trouver une nouvelle raison d’avancer. J’ai besoin d’un nouveau moteur et c’est pas les idées qui viennent à manquer. Actuellement, j’ai toujours la tête pleine de projets mais j’ai l’impression d’être convaincue par aucun d’entre eux. Je n’arrive pas à décider ce qui sera le mieux pour moi. J’ai peur d’échouer. Alors je n’entame rien. Je reste ensuite frustrée de cette inertie. 

Et puis j’ai peur de faire les mauvais choix. En choisissant cette profession, je n’avais aucune idée de l’avenir qui m’attendait et pourtant, j’ai la sensation d’avoir failli. Je m’en voudrais presque d’avoir mal choisi et pourtant, j’ai conscience de ne pas être coupable. Mais tout de même, la culpabilité d’avoir fait le mauvais choix me touche.

En dehors de la peur d’échouer, il y a la peur de devoir capituler. Il est aussi possible que je n’ose pas entamer un projet par trouille de devoir l’abandonner à cause de mon état. Finalement, c’est peut-être ça le nœud du problème. Je ne sais pas où sont les nouvelles limites de ce corps. Je ne me connais plus. Je ne me reconnais plus. J’ai mis plus d’une vingtaine d’année à apprendre à me connaître, à savoir que j’avais du potentiel. Et finalement, là, je retourne à mon adolescence. Je retourne aux doutes vis-à-vis de l’avenir. La pression de devoir refaire un choix d’avenir qui soit le bon pour un temps. J’ai conscience que ce que je choisirais professionnellement n’est à nouveau pas pour ma vie entière mais si après si peu d’année de travail, je retourne déjà à la case départ, qu’est-ce qui empêche la vie de me faire tout recommencer dans cinq ou sept ans? Personne n’a de garantie sur la vie et je le sais bien mais actuellement, l’épuisement de la maladie me fait voir la vie et ses épreuves comme une chaîne de montagne inaccessible.

J’ai abandonné avec regrets plusieurs aspects de ma vie, de mes habitudes et de mes plaisirs. Je pense l’avoir accepté que ma vie sera différente. Je suis désormais dans une bulle où je tente de me préserver de nouvelles déceptions. Forcément, je tente d’éviter les coups de bâton. Et finalement cette bulle devient ma prison. Je n’ose pas entreprendre. Je n’ose pas en sortir. Je m’étais pourtant promise de vivre chaque jours en célébrant les petites victoires et les actes réussis tout en fermant les yeux sur le reste. Quand ai-je laissé ce leitmotiv de côté?  

J’ai enfin une bonne nouvelle! J’ai pris des jours et des jours à éviter de voir toutes ces peurs en face mais maintenant que j’en ai conscience, sachant que la peur n’évite pas le danger, je me dois d’avancer avec. Avec mes peurs, avec mon syndrome.

Il n’est jamais trop tard. Maintenant que j’ai pu observer mon moral sur la mauvaise pente, il est temps pour moi d’agir. D’entreprendre une vraie célébration à ma jolie vie et m’offrir à nouveau ce plaisir de vivre. Avoir peur, ce n’est vraiment pas habituel pour moi, alors il ne faut pas que ça devienne une habitude. Il me faut des rituels hebdomadaires, du repos lorsque cela est nécessaire et surtout, il faut que je me jette à l’eau! J’adore me baigner, c’est l’occasion rêvée de faire d’une pierre deux coups!

J’en ai toutes les capacités. Il faut que je me le prouve à nouveau. En ayant ce nouveau statut de personne atteinte de sa santé, j’ai l’impression d’avoir moins de valeurs qu’une personne saine. Merci la société et le vocabulaire utilisé autour de ces thématiques. Je dois me lancer dans un projet pour me prouver que je peux le faire, que je peux y arriver et surtout que les capacités sont présentes, c’est juste à moi d’y croire. Elles attendent juste mon aval. 

Et c’est ainsi, sur ces mots que j’ai créé le blog sur lequel vous lisez mes péripéties. Pour ceux qui n’aurait pas suivi les débuts de celui-ci, j’ai documenté pendant plus de trois mois, mes journées, mes petites joies quotidiennes. J’ai cultivé le bonheur comme je ne l’avais jamais fait auparavant et ça a véritablement été ma bouée de sauvetage. J’ai osé tout un tas de choses dont je ne me saurais pas cru capable et petit à petit, j’ai appris à vivre avec mon syndrome, avec ses hauts et ses bas. Mais surtout, le plus important, j’ai retrouvé une raison d’avancer. J’ai appris à vivre pour moi.

Fin


Merci encore de me lire, j’espère que ça t’a plu. N’hésite pas à me donner ton avis! Prends soin de toi, c’est important!

Lili

Récit de vie – 17. Surprise

Avant de lire ce qui suit, je te propose, si tu ne l’as pas déjà lu, d’aller jeter un oeil aux chapitres précédents.

Chapitre 1 – Ma vie d’avant

Chapitre 2 – La première fois

Chapitre 3 – Le déni

Chapitre 4 – Carnet de santé

Chapitre 5 – La descente

Chapitre 6 – Le monde bienveillant de la médecine

Chapitre 7 – Ma nouvelle étiquette

Chapitre 8 – Dans ma peau

Chapitre 9 – Il a dit stop

Chapitre 10 – Ma thérapie

Chapitre 11 – La vie continue

Chapitre 12 – Coupable

Chapitre 13 – L’impatience

Chapitre 14 – Validation

Chapitre 15 – Bonne nouvelle?

Chapitre 16 – Inattendu

Bonne lecture!


Photo de Andrea Piacquadio sur Pexels.com

Pendant ce temps, en juin 2020.

La confrère mandatée par mon médecin est spécialiste en immunologie. Elle a vu mes résultats sanguins de février dernier mais selon elle, c’est très vague et il faut encore faire des recherches. Elle me propose à chaque rendez-vous un nouveau test. Des prises de sang spécifiques qui ne faisait rien d’autres que de vider mes ressources. J’avais tellement l’habitude de n’avoir aucun résultats probants. Elle me proposa encore un énième examen. Une biopsie des glandes salivaires. Elle m’avait vendu ça comme étant peu invasif, simple et rapide. J’avais accepté, comme toujours. Cela devait se passer avec un autre spécialiste.

Le jour de l’analyse, le médecin avait procédé à l’anesthésie de ma lèvre inférieure par une jolie aiguille. Puis, il fit une incision et retira quelques précieuses glandes salivaires. Pour terminer en beauté, deux points de suture et hop j’étais dehors. J’avais prévu d’aller travailler juste après, comme mon immunologue m’avait dit que c’était une intervention bénigne, je n’avais pas imaginé la suite ainsi.

J’étais dehors du cabinet et je sentais mon corps défaillir. J’étais blanche et ma tension était basse durant la première heure, sûrement à cause du sang perdu. J’ai tenté de boire un soda mais avec une lèvre complètement endormie et gonflée, c’était compliqué. Je suis arrivée au travail avec cette nouvelle bouche botoxée et l’impossibilité de formuler plus d’un mot à la minute. Heureusement, je portais un masque et personne ne pouvait voir ma tête en dessous! Lorsque l’anesthésie s’est estompée, le véritable calvaire à commencer. J’ai dû abandonner mon poste, encore une fois.

Cela m’a coûté une semaine de difficultés à parler, à sourire et à manger. C’était une difficulté courte mais dont je me serais passée, je vous assure! Et surtout vu mon état d’esprit paradoxal. D’un côté, j’étais convaincue que le résultat serait nul et de l’autre, j’étais remontée de devoir passer par des épreuves comme celle-ci et je me disais qu’il y avait intérêt que ça donne quelque chose cette fois!

J’attendais à la fois tout et rien de cet épisode là, c’était aberrant. 

La délivrance du résultat était attendue au prochains rendez-vous avec la spécialiste qui avait supervisé l’intervention. Je devais compter quatorze jours. Je l’ai fait les trois premiers jours puis j’ai oublié.

Une semaine après l’intervention, je devais me rendre au cabinet pour enlever les fils des points de suture, avec l’autre médecin.

C’est à ce moment-là, qu’il décida de lancer dans les airs qu’il avait vu des résultats positifs passer. Je me suis empressée de lui demander de préciser mais il m’expliqua qu’il n’était pas l’instigateur de cet analyse et que je devrais attendre de voir ma spécialiste. 

J’ai pris cette nouvelle comme une claque inattendue. Je dois admettre qu’on s’attend rarement à en recevoir une. Bon bref, je ne m’y attendais pas. Je m’attendais juste à enlever ces foutus points dans ma bouche.

Je suis sortie de ce rendez-vous assommée. Positif? Positif de quoi? Comment? J’avais énormément de questions en tête et la sensation de toucher un truc que j’avais tellement espérer que j’avais fini par abandonner.

Et c’était là, à portée de main, sans que je puisse le toucher.

J’ai dû prendre mon mal en patience durant une semaine. Sept journées. Cent soixante-huit heures. Je vous l’accorde, c’est très court en comparaison aux longs mois de souffrance que je venais de passer. À cet instant, ça m’a pourtant parut être sans fin. 

J’étais entre l’euphorie d’arriver au bout de mes recherches et la peur de cette découverte. J’avais envie de voir en gardant les yeux fermés.

Le jour « J » est arrivée. Et cette fois, j’étais pressée. Je savais que j’allais avoir des réponses. C’est du moins ce que je croyais.

Je peux ajouter à mon palmarès médical, le syndrome de Sjögren. Je vous laisse galérer pour le prononcer, il n’y a pas de raisons que j’endure ça toute seule. 

Je vais essayer de vous expliquer le plus simplement possible. C’est une maladie auto-immune c’est-à-dire que mes cellules se détraquent et s’attaquent à elles-même. Comme dans beaucoup de pathologie, elle varie d’une personne à une autre et peut créer des atteintes internes. Chez moi, les principaux symptômes observés sont la fatigue, la sécheresse buccale et oculaire ainsi que les douleurs musculaires et articulaires. Elle évolue par poussée lente et pourrait se transformer en une autre maladie dans plusieurs années. Ce syndrome apparaît généralement autour des cinquante ans. J’admets que ce point ne me rassure pas. En effet, en allant chercher sur internet des témoignages, je ne trouve personne à qui je peux m’identifier de par mon âge et les problématiques que je rencontre actuellement. J’ai oublié de mentionné que c’est une maladie rare, incurable. Et normalement, personne n’en meurt. 

La spécialiste m’a immédiatement prescrit un traitement de fond. Le but de celui-ci est de modifié les réactions de mon système immunitaire et peut-être à terme avoir moins de difficultés quotidiennes. C’est dans un monde idéal, ça. Dans la vraie vie, je dois me préparé à ne ressentir aucun changements pendant plusieurs mois. Les miracles n’existent que dans les films. De plus, en acceptant, je prenais le risque d’une potentielle atteinte à ma vue si le traitement était mal suivi ainsi que des problèmes cardiaques. 

Bon, j’avais la réponse à la question que j’avais le plus demandé. J’ai le syndrome de Sjögren. J’ai réellement une maladie et je n’ai pas inventé toute ces choses désagréables. 

Désormais, le problème que je rencontre c’est qu’une réponse a soulevé milles autres questions.


Tu es toujours là, à me lire? Je n’y crois pas! Merci, merci ! Et surtout, prends bien soin de toi.

Lili

Récit de vie – 16. Inattendu

Avant de lire ce qui suit, je te propose, si tu ne l’as pas déjà lu, d’aller jeter un oeil aux chapitres précédents.

Chapitre 1 – Ma vie d’avant

Chapitre 2 – La première fois

Chapitre 3 – Le déni

Chapitre 4 – Carnet de santé

Chapitre 5 – La descente

Chapitre 6 – Le monde bienveillant de la médecine

Chapitre 7 – Ma nouvelle étiquette

Chapitre 8 – Dans ma peau

Chapitre 9 – Il a dit stop

Chapitre 10 – Ma thérapie

Chapitre 11 – La vie continue

Chapitre 12 – Coupable

Chapitre 13 – L’impatience

Chapitre 14 – Validation

Chapitre 15 – Bonne nouvelle?

Bonne lecture!


Photo de Ann H sur Pexels.com

Je vous propose un saut dans le temps. Au chapitre précèdent, nous n’étions même pas au début du printemps. Aujourd’hui, je vous emmène directement une saison et demie plus tard. Confortablement installée dans mon canapé, je vous écris pendant que le soleil d’août chauffe le bitume à l’extérieur. Avez-vous fait bon voyage? Êtes-vous confortablement installé? C’est important pour moi, de savoir que vous allez bien car j’ai besoin de vous confier tout ce qu’il m’est arrivé durant ces derniers mois.  

Je n’ai pas écrit durant presque cinq mois. Et pourtant, il y en a des choses à dire.

En tout premier est venue la phase de la lassitude. Cet engrenage d’attente sur des blouses blanches alors que ma vie n’était apparemment pas en danger, mais juste extrêmement difficile à vivre, c’est devenu lassant. C’est long de devoir toujours dépendre d’autrui, de miracle et de résultats d’analyses. Mon adynamie est devenue mentale. Je me suis épuisée à espérer un nouvel aboutissement qui me ferait avancer, qui m’aiderait à aller mieux. Je m’accrochais à toutes les bouées mais je me suis quand même noyée. Je me battais tellement dur pour obtenir une avancée dans mes recherches qu’à un certain moments, j’ai lâché prise. J’aimerais être sûre que vous me compreniez, je n’ai pas abandonné l’idée d’avoir des réponses. J’ai simplement arrêté d’attendre celle-ci pour accepter que simplement, je suis malade. Et tous les noms de maladie de la terre entière n’enlèveront pas mes difficultés quotidiennes. Et surtout, il ne servait à rien d’utiliser ma mince énergie dans le vide.

Alors j’ai lâché prise et j’ai respiré longuement. Ça m’a fait du bien, je vous conseille d’ailleurs de respirer un bon coup. Juste maintenant.

D’où que vous me lisiez, vous n’avez pas pu échapper à la récente pandémie. Et comme beaucoup, j’ai vécu un premier confinement, d’environ deux mois, pour ma part. Plusieurs choses m’ont traversé l’esprit. Premièrement, je n’ai plus eu besoin d’aller au travail et pour une fois, je n’étais pas responsable. Cela m’a procuré beaucoup de réconfort de savoir que je pouvais me reposer, prendre du temps pour vivre au plus près de mes besoins changeants sans avoir à me soucier d’un travail et de responsabilités. La culpabilité d’être sans cesse inapte au travail s’est envolée. Je suis restée à vivre légèrement. Complètement soulagée d’un poids. Je flottais dans le temps, au gré de mes atteintes.

Ma priorité durant cette période a été de chercher les bonheurs facilement atteignable chaque jour. Je n’avais ni pression, ni compte à rendre à qui que ce soit. J’ai privilégié de rattraper toutes les séries du monde, de lire tout ce que je pouvais, de regarder le soleil. J’ai pu prendre du plaisir à m’étirer, faire une caresse de yoga et m’étendre sur ma chaise longue. J’ai passé énormément de temps à me reposer, à dormir. Et encore une sieste. Mes sensations, mes envies, mon corps. Ils étaient maîtres de mes choix et cela m’a ressourcé de me centrer autant sur moi-même. 

Les avancées concernant mon dossier médical ont été à l’effigie de ma vie à ce moment précis: douce et lente. 

Comme nous l’entendons très souvent, toutes les bonnes choses ont une fin. 

Le travail a reprit malgré la pandémie.

J’ai été heureuse de retourner voir mes collègues, les enfants mais la réalité m’a rattrapé. Chaque journée de travail avait un goût différent. Au delà de mes difficultés et de mes habituelles douleurs, une idée se concrétisait secrètement. Ce métier n’était simplement plus fait pour moi. Ou plutôt je ne suis plus faite pour ce métier. La finalité est la même, j’en suis convaincue à présent. Je ne vais pas pouvoir continuer ainsi longtemps. C’est une question d’avenir et de santé mentale. C’est assez déprimant de voir quelque chose qu’on a aimé se transformer chaque jour en un monstre de plus en plus effrayant à affronter.

En effet, je ne veux pas que mon défi se résume à endurer mon travail au quotidien mais plutôt que je puisse investir cette énergie à être fière de réussir à faire mon travail sans peine.

Et pendant que j’étais occupée à imaginer mes nouvelles possibilités professionnelles comme une enfant rêve à devenir capitaine de bateau, il est arrivé. 

OUI LUI.

OUI LE FAMEUX.

OUI JE NE L’ATTENDAIS FINALEMENT PLUS AU PIED DE LA CHEMINÉE AVEC DES COOKIES ET UN VERRE DE LAIT.

Et oui, je m’emballe mais c’est pour vous dire comme c’était intense.

Et vous avez sûrement déjà entendu dire que c’est quand nous cherchons le moins que nous trouvons. Effectivement, je confirme. 

 (de mars à juin 2020)


Promis, la suite arrive bientôt! Merci encore de me lire. Prends soin de toi!

Lili

Récit de vie – 15. Bonne nouvelle?

Avant de lire ce qui suit, je te propose, si tu ne l’as pas déjà lu, d’aller jeter un oeil aux chapitres précédents.

Chapitre 1 – Ma vie d’avant

Chapitre 2 – La première fois

Chapitre 3 – Le déni

Chapitre 4 – Carnet de santé

Chapitre 5 – La descente

Chapitre 6 – Le monde bienveillant de la médecine

Chapitre 7 – Ma nouvelle étiquette

Chapitre 8 – Dans ma peau

Chapitre 9 – Il a dit stop

Chapitre 10 – Ma thérapie

Chapitre 11 – La vie continue

Chapitre 12 – Coupable

Chapitre 13 – L’impatience

Chapitre 14 – Validation

Bonne lecture!


Photo de Prashant Gautam sur Pexels.com

Pendant ce temps, durant le mois de février 2020.

À peine entamé et déjà plein de rebondissements. 

Le premier événement fut l’entretien avec ma supérieure. 

Avant de me rendre au travail, j’ai soigneusement répété en boucle tout ce que je voulais absolument aborder avec elle. Je souhaitais ne rien omettre. Je voulais rétablir une stabilité égarée. J’étais prête à défendre ma place au sein de l’établissement. 

Je suis sortie du bureau avec soulagement. Certes, je n’avais pas obtenu la garantie complète de garder mon emploi contre vents et marées mais j’avais su me faire entendre. J’avais pu mettre des mots sur mon état, sur ma motivation concernant cet emploi et surtout, j’obtenais du temps. Dans le parcours classique d’un diagnostique, le temps est la clé. Elle ne peut pas m’assurer mon poste indéfiniment et je le conçois totalement. Pourtant à l’issue de ce rendez-vous, je suis sereine car j’ai confiance en elle. Nous avons convenu que des décisions importantes seraient prises communément, si nécessaire. Je croise les doigts que cela n’arrive pas. 

Malgré que mon travail est une source d’inconfort de par mes difficultés quotidiennes, je m’y rends le cœur léger. J’ai le sentiment d’être soutenue par mon entourage professionnel et je souhaite à tout le monde de pouvoir bosser dans ces conditions! Je peux continuer à me battre pour ma santé. Je n’ai pas besoin d’être sur deux fronts à la fois.

Quelques jours plus tard, ma patience fut récompensée à son tour.

C’est lors d’un énième bilan sanguin que certaines données sont apparues anormales. Jusqu’ici, aucun test n’a été suffisamment concluant. Et pour une fois, noir sur blanc, apparaît potentiellement le témoignage de mes douleurs. 

Apprendre qu’un élément dans mon sang atteste une possible pathologie me procure un sentiment contradictoire. Ce n’est pas une bonne nouvelle, de prime abord. Pourtant, c’est aussi une bonne nouvelle. Pouvoir enfin mettre en évidence qu’il y a une très probable maladie, c’est un soulagement. Cela valide ce que je tente de prouver depuis des mois. De l’autre côté de la balance, cela valide aussi que je suis malade et que c’est aussi un fait établi qui ne peut donc peut-être plus changer. C’est la première fois dans ma vie où lorsqu’une analyse sanguine n’est pas bonne, je suis heureuse. Quelle histoire saugrenue.

Malheureusement, mon médecin traitant n’étant pas suffisamment qualifié pour interpréter ces résultats, il me remet entre les mains d’une confrère. 

Je vais devoir encore faire preuve de patience mais je suis motivée à tenir le coup. Je touche peut-être du bout des doigts ce que j’attends depuis plusieurs mois.


Encore merci de continuer à lire mes péripéties. Prends grand soin de toi!

Lili

Récit de vie – 11. La vie continue

Avant de lire ce qui suit, je te propose, si tu ne l’as pas déjà lu, d’aller jeter un oeil aux chapitres précédents.

Chapitre 1 – Ma vie d’avant

Chapitre 2 – La première fois

Chapitre 3 – Le déni

Chapitre 4 – Carnet de santé

Chapitre 5 – La descente

Chapitre 6 – Le monde bienveillant de la médecine

Chapitre 7 – Ma nouvelle étiquette

Chapitre 8 – Dans ma peau

Chapitre 9 – Il a dit stop

Chapitre 10 – Ma thérapie

Bonne lecture!


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Pendant ce temps, en décembre 2019.

Souvent le repos est bénéfique. Dans mon cas, je pouvais conclure qu’il m’étais nécessaire certains jours mais ne garantissait en rien un rétablissement complet. Cela calmait simplement le jeu. D’ailleurs, c’est toujours le cas, le repos n’aboutis jamais vraiment à rien d’exceptionnel.

Partant de ce constat et ayant marre de tourner en rond dans mon appartement, nous tombions d’accord avec mon médecin. Il fallait essayer de reprendre doucement mon travail. J’étais contente de pouvoir y retourner et à la fois, anxieuse. 

En effet, j’avais hâte de voir comme les enfants avaient grandis en un mois. Vous rigolez peut être, mais un bébé, en une journée il change énormément. En un mois, je ne vous raconte pas l’évolution. J’étais partie sans y être préparée, ces petites bouilles qui remplissaient mon quotidien me manquaient. Et la belle entente construite avec mon équipe. Je ne rêvais que de pouvoir reprendre où je m’étais arrêtée. Comme un puzzle qu’on aurait commencé puis remis au lendemain. Malheureusement, il y a toujours un aspect plus sombre. Ici, c’était les enjeux. Je reprenais mon quotidien en main sans savoir comment mon corps allait réagir, sans savoir si j’allais supporter. Et si je n’étais déjà plus faites pour ça? Et si je n’y arrivais plus? 

J’avais convenu avec mon employeur de revenir progressivement. C’est-à-dire qu’à la place d’enchaîner une journée entière, je venais le matin et endurait au maximum quatre heure. Et le verbe endurer est volontairement choisi ainsi. En pourtant, en y pensant, quatre heures c’est presque risible.

Quelque chose a changé dans mon rapport au travail, dès cet instant.

J’avais choisi ce métier pour le plaisir et non pour l’argent et encore moins pour la facilité. Je savais que ce serait un métier physique, prenant et que je ne serais pas riche. L’important pour moi, c’était de pouvoir y mettre du coeur. D’avoir l’envie de me lever chaque jour. D’afficher un sourire sincère. 

Et là, en reprenant le travail, je découvrais que je pouvais regarder l’horloge plus de fois qu’il n’y a de secondes dans une heure. C’était effarant. Je me sentais si incapable, douloureuse et simplement plus comme avant que mon travail devenait une corvée. Tout m’était désagréable. J’avais plaisir à revenir mais ce n’était plus comme avant. Je sentais les changements dans mon énergie. Je remarquais une démotivation. Le problème c’était ni mes collègues contents de me revoir, me ménageant le plus possible. Le soucis ce n’était pas les enfants et leur doux sourires. Le problème, c’est que je n’avais pas guéris. Je n’étais pas entrain de guérir. Je dirais même que je continuais à être simplement de pire en pire.

Certaines journées me rappelaient pourquoi j’aimais mon travail auparavant. D’autres, à part compter les heures, une certitude me gagnait. Celle que je voulais être partout, sauf à cet endroit. Je le répète, le soucis ne venait ni de ma charge de travail ni des autres. C’est égocentrique mais le problème, c’était moi.

Je n’ai jamais autant attendu les vacances de Noël que cet hiver-là. J’ai serré les dents jusqu’aux vacances comme si je n’avais pas eu de répit depuis des lustres. En réalité, je souhaitais secrètement que ma maladie parte en vacances. Je n’osais évidemment pas le dire car je me sentais coupable. J’avais déjà passé énormément de temps au repos. J’avais l’impression que tout le monde méritaient des vacances, sauf moi.


Je ne peux m’empêcher de te remercier, toi qui lis ça. Merci, merci et merci ! La suite arrive dès que possible, en attendant, prends bien soin de toi.

Lili

Récit de vie – 10. Ma thérapie

Avant de lire ce qui suit, je te propose, si tu ne l’as pas déjà lu, d’aller jeter un oeil aux chapitres précédents.

Chapitre 1 – Ma vie d’avant

Chapitre 2 – La première fois

Chapitre 3 – Le déni

Chapitre 4 – Carnet de santé

Chapitre 5 – La descente

Chapitre 6 – Le monde bienveillant de la médecine

Chapitre 7 – Ma nouvelle étiquette

Chapitre 8 – Dans ma peau

Chapitre 9 – Il a dit stop

Bonne lecture!


Photo de Eva Elijas sur Pexels.com

J’aimerais faire une parenthèse dans mon récit pour vous parler de ce qui m’a aidé à traverser cette phase avec plus de sérénité.

Au début de mes soucis, je gardais le sourire. Pour sauver les apparences mais aussi parce que c’est dans ma nature. Je souris comme je respire et je suis une éternelle optimiste. Demandez à mon entourage, ils peuvent en attester. Pour moi, il y a toujours de bons aspects, même dans une situation terrible. Chaque problème a une solution. Je ne sais pas fonctionner autrement.

Malheureusement, la maladie avait commencé à gratter mon moral, au bout de quelques mois. Et je dois admettre que ce sont ces moments là qui ont été les plus terrible pour moi. C’est lorsque les douleurs se faisaient plus accablantes, ne me laissant aucun répit, doucement je perdais espoir. Je paniquais. Je ne savais pas encore ce que j’avais, alors je me demandais si j’allais rester ainsi à tout jamais. Je me demandais si ma situation pouvait empirer et comment. Je me demandais qu’est-ce qui pouvait bien clocher chez moi. Pourquoi n’arrivais-je pas à fonctionner normalement, comme avant. Clairement je broyais du noir. Ce n’était pas constant mais souvent, cela arrivait le soir, après une dure journée à endurer. Lorsque j’étais au plus faible, au plus mal et que je n’arrivais plus à supporter ce fardeau. C’est arrivé une fois, puis une seconde. Puis plusieurs se sont enchaînés.

Et c’est là que je me suis dit que quelque chose de plus n’allait pas. Je tenais debout parce que j’avais la force mentale. Néanmoins, si elle est attaquée, qu’allait-il me rester?

J’ai décidé de prendre les devant. C’était pendant ce fameux premier arrêt d’un mois.

J’avais besoin de comprendre la rage que je vivais, de comprendre mes peurs. J’avais besoin de rassurer l’enfant effrayé, à l’intérieur de mon être.

Je ne voulais pas devenir désagréable pour mes proches, pas plus. Ah oui, je peux vous l’assurer que parfois, j’étais tellement à bout que j’en perdais mes bonnes manières. Et ça me faisait tout autant mal. Je n’avais plus le contrôle.

Je n’avais tellement pas l’habitude de broyer du noir que lorsqu’un brouillard opaque a envahit mon esprit, j’ai décidé d’agir. Un élan de survie.

J’ai pris de quoi écrire, et j’ai tout sorti.

Toutes mes craintes, toutes mes douleurs. J’ai tout décortiqué. Je voulais tout voir à la lumière, au microscope. Je voulais comprendre ma situation. J’ai sorti toutes mes affreuses interrogations. J’avais tellement peur de l’avenir avec ce corps qui me faisait souffrir de long en large. Je me demandais souvent si je n’étais pas simplement entrain de mourir lentement. À qui dire ces choses-là, alors que tout le monde autour de moi étaient aussi terrifié que moi.

Auparavant et ce depuis l’enfance, j’avais toujours aimé écrire, rédiger des textes et des histoires. J’avais délaissé la plume, jusqu’à ce fameux jour. Et la première fois que j’ai écrit, dans cette situation, j’avais tellement d’émotions à faire sortir que mes doigts ne suivaient pas. Mes idées allaient plus vite que le reste à tel point que j’en avais des crampes. J’avais peu d’énergie pourtant, c’est comme si mon corps savait. Il comprenait qu’en m’octroyant la possibilité d’écrire, j’allégeais mon malêtre. À la fin de ma première séance d’écriture, j’étais légère.

Et c’est ainsi qu’à commencé mon auto-thérapie, bien avant le blog.

J’ai écrit tous les jours. Tous mes maux. Toutes mes joies.

J’ai refusé l’idée que mon moral se fasse piétiner par la maladie. Je sais qu’on ne choisit pas toujours mais j’ai vu l’occasion de me battre et je l’ai saisie.

Alors dans les moments les plus difficiles, ma frustration augmentait mais je n’avais plus peur de ne savoir la gérer. J’avais trouver un exutoire. Je n’avais plus à m’observer aller mal. Je pouvais m’apaiser en crachant les mots.

C’est comme si écrire m’avait permis de retrouver mon optimisme. Pouvoir confier tout ce que je pensais quelque part, m’a permis d’accepter le pire. J’ai relativisé. J’ai fait le compte de ce qui me restait. D’ailleurs, avant de me remettre à écrire, je reportais souvent les activités qui me plaisaient à lorsque j’irais mieux. En écrivant, j’ai appris à accepter que peut-être, ça n’irait jamais mieux. Je suis très vite devenue sereine, vis-à-vis de ça. Je préfèrais prendre les devants sur la situation. Autant apprendre à vivre avec ce nouveau moi et ces difficultés plutôt que de lutter. Nager dans le sens du courant, c’est plus simple. Et puis, si un jour tout devait s’en aller comme c’est venu et bien tant mieux. Au moins, je n’aurais pas cesser de vivre en attendant.

Et donc c’est aussi ainsi qu’à commencé l’écriture de ce récit. J’avais un dossier pour me défouler et un pour garder une trace.

Je me suis sentie soulagée d’avoir trouvé un soutien et fière d’avoir réussi à transformer une énergie négative en carburant. J’avais désormais un punching-ball à portée de mains. D’ailleurs, à l’heure où j’ai écris ce que vous lisez, je ne savais pas encore si j’allais en faire quelque chose. Je pensais surtout que cela resterait intime. Néanmoins, aujourd’hui, je publie en espérant que quelqu’un qui se retrouve dans une situation similaire, pourra se sentir moins seul. C’est mon souhait.

D’ailleurs, chère maladie, si toi aussi, tu me lis, sache que je t’accepte et je compose avec toi. Mais attention, cela ne veut pas dire que j’ai baissé les bras.


PS: Je te remercie d’avoir pris le temps de me lire et m’excuses pour l’irrégularité de mes articles. Prends bien soin de toi et promis, la suite arrive bientôt!

Récit de vie – 9. Il a dit stop

Avant de lire ce qui suit, je te propose, si tu ne l’as pas déjà lu, d’aller jeter un oeil aux chapitres précédents.

Chapitre 1 – Ma vie d’avant

Chapitre 2 – La première fois

Chapitre 3 – Le déni

Chapitre 4 – Carnet de santé

Chapitre 5 – La descente

Chapitre 6 – Le monde bienveillant de la médecine

Chapitre 7 – Ma nouvelle étiquette

Chapitre 8 – Dans ma peau

Bonne lecture!


Photo de Alexander Kovalev sur Pexels.com

Pendant ce temps, en novembre…

Mon corps m’a lâché, définitivement.

Je me souviens que c’était un mardi avec une météo morose, je commençais le travail tôt. Le réveil a sonné, m’arrachant au sommeil. Machinalement, je me suis relevée et ai posé les pieds au sol. Premières douleurs. Une raideur s’était installée au sein de mes deux jambes. L’élasticité de mes membres s’en est allée en vacances, sans me consulter. J’étais devenue une figurine de métal. Sans trop m’écouter, me tenant au murs, je me suis habillé, tant bien que mal. Le trajet a été un calvaire, pire que les autres jours. Je marchais plus doucement qu’à l’accoutumée. Dans la foule de gens pressés, je faisais tâche. J’avais la démarche d’un balai avec la vitesse d’un paresseux. Je ressentais chaque micro mouvement comme une agression. Tout était désagréable. C’était désagréable d’être en vie.

Arrivée au travail, mes collègues ont vu mon état. Évidemment, je faisais tant bien que mal mon boulot. Parmi mes nombreuses tentatives esquivées de chute, j’ai vécu une peur professionnelle. Je portais un bébé dans mes bras et soudainement, mes jambes ont lâché, se pliant sans mon accord. Heureusement, il y avait un meuble à proximité sur lequel, j’ai pu nous rattraper, l’enfant et moi. Ce moment est signifiant pour moi. Et je vous rassure, l’enfant n’a rien eu. Plus de peur que de mal, surtout pour moi.

Cet événement marque une prise de conscience bien plus large. Il souligne la dangerosité pour ceux dont je m’occupe. Je suis devenue dangereuse pour les autres et ça pique de l’écrire. L’incident n’étant pas dramatique, personne ne m’en a tenu rigueur. Simplement, il signifie pour moi une sérieuse remise en question. Et surtout, cette journée a été ma dernière au travail, avant un mois entier. 

Moralement, ça n’a pas été simple. Auparavant, je m’efforçais de garder ma vie la plus normale possible. Certes, je ménageais mon corps mais je tentais de garder ma routine malgré tout. Ayant toujours eu la bougeotte, devoir me mettre de plus en plus souvent au repos était une belle épreuve. Je faisais des progrès et prenais soin de me reposer le plus possible. Et quand j’y pense, je n’avais pas le choix. Je n’arrivais plus à rien. Alors je me couchais tôt, je mangeais comme je pouvais et mes loisirs s’estompaient.

Mais voilà que ça n’avait pas suffit et que mon médecin jugeait par mon état qu’un repos prolongé était l’unique solution. Et il n’avais pas tort. Je ne tenais plus debout, je ne parvenais plus à marcher. J’avais désormais besoin de béquilles pour pouvoir me déplacer. Et mes déplacements devenaient de plus en plus courts.

Durant ce mois en arrêt, je n’ai pas gardé beaucoup de souvenirs. J’ai beaucoup dormi. Je me rappelle que les journées étaient longues, toutes les mêmes. Et parfois, ma souffrance s’apaisait. Psychologiquement, c’était étrange. Dès que mes douleurs s’estompaient, j’étais partagée entre le bonheur de ne plus souffrir et la culpabilité d’être peut-être en arrêt pour rien. Alors, je me réjouissais et sans trop force, je tentais de rester debout, un peu plus que la veille. Et finalement, je me finissais toujours par me faire happer par les douleurs. Tous mes efforts de repos ruiner, en un minuscule acte. Faire la vaisselle, ça me demandait d’être allongée pendant trois heures, à récupérer. Après une douche, je dormais forcément. Tout était source de mal. Autant dire que j’en ai passé, du temps allongée. C’était la seule activité qui n’empirait rien.

Durant ce mois-ci, j’ai eu mon bilan neurologique, celui dont je vous ai parlé précédemment. Je me souviens avoir eu besoin de trois journées afin de m’en remettre. Le spécialiste ayant touché tous mes points sensibles, je sortais du cabinet vidée de mon énergie avec un sac à crampes remplis. Pourtant, tout le monde m’avait assuré que ce n’était pas douloureux, des tests neurologiques. Mon corps ne voulait rien entendre. Mon corps se bloquait sur tout. Mon corps ne voulait plus rien savoir. Mon corps avait mal et c’était tout.

Je pourrais résumer mon mois de novembre par des montagnes russes. Un jour, oui. Trois jours, non. Un matin, oui et deux jours non. Et vous avez compris le principe. C’était totalement instable. Je ne pouvais plus être sûre de rien. Même plus sûre de pouvoir me lever ou de répondre à mes besoins.

Durant ce mois, mon mental a beaucoup travaillé de son côté. Être arrivée au point où travailler n’est plus du tout possible, c’est toute une carrière qui est en jeu. À peine passé la vingtaine que j’envisage déjà une reconversion professionnelle. Il m’a fallu plusieurs années pour savoir ce que je voulais faire de ma vie professionnelle et maintenant, je remettais en question mes choix. Avais-je mal choisi? Est-ce que la profession m’avait déjà usé? Aurais-je eu les mêmes problèmes physique si j’avais eu un emploi de bureau ? Qu’ai-je fait de faux, pour vivre tout ça?

Les interrogations défilaient sans trouver de réponses. Tout juste bonnes à me torturer un peu plus.

Et puis, quand bien même je me faisais à l’idée de devoir changer de carrière, je me plongeais dans d’autres questionnements. C’est bien joli de vouloir changer de métier mais cela implique des études. Pour étudier, il faut pouvoir s’arrêter de travailler et assumer financièrement. Hors, je n’ai pas les fonds nécessaires pour m’asseoir dessus et étudier paisiblement. Et je ne serais pas physiquement capable d’assumer un job d’étudiant à côté, en plus des études, vu que je ne suis même pas en état de travailler. Je me sentais piégée. Et c’était effrayant. Mais le pire, c’était de savoir, qu’est-ce que je pourrais bien faire d’autre de ma vie?

Je voulais accompagner les gens, je voulais prendre soin des autres. Comment le faire quand ma propre enveloppe corporelle criait à l’aide?

Même si j’avais eu les solutions à tout ça, comment prendre une décision si radicale alors que ma sentence médicale n’était pas encore posée.

Ma tête tentait parfois de me rendre folle. C’était apocalyptique. Heureusement, je pouvais compter sur ma positivité et sur ma facilité à me satisfaire des petites joies. C’est incroyable comme la capacité d’adaptation est élastique dans ce genre de moment. J’y reviendrais.


PS: Je te remercie d’avoir pris le temps de me lire et m’excuses pour l’irrégularité de mes articles. Prends bien soin de toi et promis, la suite arrive bientôt!

Récit de vie – 8. Dans ma peau

Avant de lire ce qui suit, je te propose, si tu ne l’as pas déjà lu, d’aller jeter un oeil aux chapitres précédents.

Chapitre 1 – Ma vie d’avant

Chapitre 2 – La première fois

Chapitre 3 – Le déni

Chapitre 4 – Carnet de santé

Chapitre 5 – La descente

Chapitre 6 – Le monde bienveillant de la médecine

Chapitre 7 – Ma nouvelle étiquette

Bonne lecture!


Photo de NEOSiAM 2021 sur Pexels.com

J’ai beaucoup évoqué certains symptômes mais aujourd’hui, j’aimerais vous proposer de les expérimenter. Je vous propose un voyage à l’intérieur de mon corps. Comme si nous échangions pour quelques minutes. Je vous promets, cet échange n’endommagera pas votre état. J’espère simplement vous offrir la compréhension, de l’intérieur. Allez, mettez mes lunettes, pour voir ce que j’y vois! Sautez dans mes baskets pour sentir pourquoi je ne saute plus! Pour plus de réalisme, je vous propose de réellement imaginer les sensations dans vos membres. 

Commençons par le début, le matin. Vous êtes sous votre couette, au chaud. Votre réveil n’a pas encore sonné mais vous êtes déjà entrain d’émerger. Pourtant, il n’y a pas de regain d’énergie dû à la nuit. Il y a l’envie de dormir, la tête lourde. Vous persévérez pour retrouver les bras de Morphée mais vos jambes ne sont pas du même avis. Un flux d’énergie désagréable parcourt vos jambes. Il part de la pointe des pieds pour passer par vos genoux et finir au milieu de vos cuisses. Dans les deux jambes, ce courant électrique est incessant. Il vous tire de votre sommeil, contre votre gré. Il a une demande particulière. Il faut bouger. Bouger les orteils. Plier et déplier les genoux. Vos jambes prennent un rythme effréné alors que votre unique souhait, au fond, c’est dormir à nouveau. Mission impossible. Il faut abandonner. 

Vous avez encore perdu cette lutte. C’est la même chaque jour. Parfois vous abdiquer plus vite tellement l’adversaire est redoutable. Parfois, il est si faible que vous repartez dans le sommeil pour quelques instants. 

Vous vous levez et c’est là que ça se complique. Vous mettez le poids de manière équitable entre vos deux jambes mais très rapidement, la droite vous crie de l’alléger. Vous obéissez. La gauche endosse une plus lourde responsabilité. 

Se rendre dans la salle de bain devient un parcours du combattant. Il faut gérer l’équilibre sur une jambe et demie, éviter les murs, les portes et les meubles. En effet, aujourd’hui, sans vous en rendre compte, quand vous penserez que votre cerveau a bien calculé les distances, votre bras s’accrochera dans la poignée de porte. Vous avez eu tort et vous gagnez un nouvel hématome. Vous verrez que plus la journée avance, moins vous vous souviendrez quand vous vous êtes donc fait ce bleu sur la cuisse ou encore celui sur le coude. C’est un peu comme si vous aviez bu, sans les dangers pour le foie. Vous êtes complètement saoul dès le réveil. Une merveille! Et si je peux faire une analogie avec mon travail, j’ai l’impression de me retrouver dans les enfants qui apprennent à marcher. Ils font preuve d’une maladresse sans limite. Vous aussi, pour votre journée spéciale dans un corps défaillant.

Lorsque vous allez vous préparer, se baisser pour prendre une paire de chaussettes dans le tiroir va vous donner la saveur d’avoir gagné 40 ans de plus. La souplesse s’en est allée. La raideur a reprit le poste. Vous vous pliez en deux, tant bien que mal et une fois relevé, votre cœur bats comme jamais. Un tambour a pris un rythme cadencé dans votre poitrine. Et parallèlement, la tête tourne. Vous êtes encore bourré, vous manquez de tomber. Heureusement, il y un mur contre lequel se rattraper. On repassera pour la douceur. 

Autrefois, vous pouviez enfiler vos chaussettes en vous baissant, sur un pied. Aujourd’hui, il est impératif de vous asseoir sur le lit.

Idem pour mettre votre pantalon. 

Vous vous étiez jamais posé autant de questions pour les actions les plus banales de votre quotidien et ce n’est que le début!

Une fois habillé, vous vous rendez prendre le petit déjeuner. Votre premier repas se constitue d’une ribambelle de gélules et comprimés. Pendant que vous avalez votre verre d’eau bien accompagné, vous ressentez votre jambe droite. Elle vous rappelle à l’ordre à nouveau. Elle est sévère et ne vous loupe jamais. Vous basculez sur le pied gauche, laissant la droite flotter au dessus du sol. 

Ce matin, vous avez faim et le temps. Vous vous lancez dans l’idée de faire une omelette. Vous sortez un bol, cassez deux œufs dans celui-ci. À l’aide de votre fourchette la plus matinale, vous battez votre bouillie. Quelques secondes plus tard, une lancée part de votre coude et vous paralyse le bras. Pause dans la recette. Vous reprenez, tout se passe bien malgré que vous sentez votre cœur jouer de la batterie, à nouveau. Lorsque votre mission est achevée, vous sortez une lourde poêle. Elle est lourde parce que c’est une journée dans mon corps, car en réalité, vous venez de saisir la plus légère de son régiment. 

Bon appétit. 

Après votre repas, vous n’avez pas la force de faire la vaisselle, cela inclue d’utiliser vos bras mais vous ne les sentez plus depuis l’épisode culinaire. Et vos jambes sont du même avis. 

Vous êtes déjà lessivé. Une fatigue forte appuie sur vos épaules. Le sol essaye de vous engloutir.

Vous partez travailler, parce que la vie continue malgré tout.

J’habite dans une pente et vous devez descendre en direction des transports publiques. La descente, c’est l’une de vos nouvelles bêtes noires. Allonger la pointe du pied en contrebas, y mettre son poids pour finalement recommencer le même scénario sur l’autre patte. Vos pas se raccourcissent à droite. La gauche est malmenée mais elle le fait pour sa jumelle bien aimée. Mentalement c’est une lutte. Il ne faut pas se focaliser sur cette douleur qui part depuis le centre du mollet. Il se crispe perpétuellement mais vous parvenez à songer à d’autres choses. Votre genou a remarqué que vous ne l’écoutiez plus, il se met à craquer. En signe de représailles, toute votre jambe droite commence une étrange danse de sensations les plus inconfortables et désagréables les unes que les autres. Vous avez clairement mal mais vous voilà arrivé au métro. 

C’est l’heure de pointe, vous allez rester debout. Il faut vous tenir solidement. N’oubliez pas que vous êtes presque unijambiste à ce stade. Votre jambe droite est une figurante et lorsque vous oserez compter dessus, elle cédera sous votre poids. Vous ne voulez pas tomber en public, déranger les gens. Vous vous agrippez de toute vos minces forces. Tous vos muscles se crispent, pour tenir. Vous êtes faible et vous oscillez en cadence. 

Vous êtes enfin au travail, après tous ces efforts, c’est déjà une victoire considérable. Vous avez déjà la nette impression d’avoir vécue une journée complète, tellement vous vous sentez à bout de forces. Malheureusement, ce n’est que le début d’une journée.

Si ce matin vous avez eu du mal à tenir debout et éviter les obstacles, je vous présente le niveau au dessus. Mon travail se déroule dans une salle où des enfants passe leurs journées. Le travail des enfants, c’est de jouer. Le sol devient un champ fertile de jouets. Il faut désormais composer avec une donnée en plus. Vos chances de tomber augmentent considérablement.

Vous n’aviez pas encore remarqué comme votre pied droite accrochait au sol. C’est seulement lorsque vous essayez d’aller vite parce que le travail l’oblige, que vous le constatez. Et vous manquez de trébucher. L’obstacle cette fois, ce n’était pas un jouet ou un meuble mais juste votre pied. Comme si vous ne saviez plus trop comment on met un pied devant l’autre. Pourtant, c’est comme le vélo normalement, ça ne s’oublie jamais, non?

Votre propre poids vous paraît déjà être de trop? Allez, portez un bébé pour voir quel exploit je relevais avec cette enveloppe corporelle capricieuse. Vous avez maintenant un bébé de dix mois dans les bras, ainsi que la responsabilité qu’il ne lui arrive rien. Il est d’ailleurs sûrement plus costaud que vous à l’instant. 

Une collègue, vous regarde et vous parle. Vous voyez ses lèvres bouger, vous entendez des sons et malgré tout ça, vous ne parvenez pas à comprendre ce qu’elle vous dit. Ça grésille dans votre tête. Une épaisse fumée vous empêche de décoder les sons. Tout se ressemble et rien de s’assemble. Vous demandez de répéter, gentiment et redoublez d’attention. Cette fois, vous avez compris. Youpi. Néanmoins, parfois, vous allez acquiescer pour ne pas paraître à l’ouest, même si vous n’avez rien compris.

Dans votre tête, malheureusement, les alarmes sonnent, de plus en plus fort et il devient difficile de réfléchir. Il n’y a pas de calme intérieur. À l’intérieur, c’est la guerre.

Et n’oubliez pas que vous aurez le cœur qui bat à chaque petit effort, que vos douleurs iront en grandissant, jusqu’à ne plus pouvoir se faire oublier. Votre fatigue du matin se transformera à la fin de la journée, en épuisement. 

Bon, j’ai de la peine de vous voir à ma place. Je vais abréger vos souffrances. Pourtant, je ne vous ai pas raconter comment trouver le sommeil m’est difficile certains jours où mon unique désir est de dormir. Je ne vous ai pas dit comme j’ai soif en continu et que malgré les litres avalés, ma langue reste sèche. Je vous épargne ma mémoire qui est saturée. Mes membres qui à mon sens pèsent soudainement le double. Je vous évite de devoir choisir entre cuisiner ou manger, car le soir venu, tout n’est plus que choix. Je vous enlève tous les commentaires maladroits et désagréables auxquels j’ai eu droit. Je ne vous parlerais pas non plus de mes yeux qui se brouillent, me brûlent et parfois, m’ôtent l’envie de les ouvrir. Certains jours, le fil de fer remplace ma musculature. Chaque jour est semblable à un funambule, toujours prêt à tomber, luttant contre le déséquilibre perpétuel. Luttant contre le vide, la chute.

Je vous rends votre bien-être et je vous remercie d’avoir osé, ce n’était pas de tout repos, je le sais bien.


PS: Si tu observes de grosses fautes d’orthographes, très vilaines, n’hésite pas à me le dire! Je te remercie de tout coeur de me lire et promis, la suite arrive bientôt!

Récit de vie – 6. Le monde bienveillant de la médecine

Avant de lire ce qui suit, je te propose, si tu ne l’as pas déjà lu, d’aller jeter un oeil aux chapitres précédents.

Chapitre 1 – Ma vie d’avant

Chapitre 2 – La première fois

Chapitre 3 – Le déni

Chapitre 4 – Carnet de santé

Chapitre 5 – La descente

Bonne lecture!


Photo de Pixabay sur Pexels.com

Je vous propose une parenthèse dans mon récit, afin d’aborder le monde merveilleux des cabinets médicaux. Je souhaite tout d’abord témoigner ma gratitude envers ces personnes qui ont étudiés de longues années dans le but de soigner autrui. J’aime l’humain, j’aime en prendre soin mais je n’aurais jamais eu la capacité de me plonger dans une voie aussi exigeante. Alors, je vous remercie d’exister. 

De plus, je tiens à vous prévenir, je vais vous parler de divers praticiens auxquels j’ai eu recours et parfois, mon discours ne sera pas des plus tendre. Je m’en excuse. Vous saurez tout, mes émotions, mon ressenti et ma version des faits. Je ne doutes en rien des capacités de ces personnes. Néanmoins, je pense qu’il y a de mauvais professionnels dans tous les corps de métiers et même s’il sont sûrement peu, j’en ai croisé, pour ma plus grande joie. 

Mais alors, qu’est-ce qui caractérise un bon docteur?

De mon point de vue, en dehors des connaissances liées à la médecine, j’attends d’un médecin qu’il soit respectueux, consciencieux, sans jugement, empathique, à l’écoute et bienveillant. Ce sont les qualités qui m’ont toujours parût importantes. Je ne sais pas si j’en demande beaucoup mais cela me paraît être le minimum pour un médecin ou un quelconque professionnel soignant.

Commençons donc par le premier à qui j’ai eu à faire. Mon médecin généraliste, me suivant depuis le début de mon adolescence. Depuis un peu trop longtemps à mon goût. J’ai constaté que son travail s’est grandement appauvri dès le moment où je suis devenue adulte. Je m’en suis aperçue lorsque mes manifestations digestives ont commencé à prendre une ampleur incontrôlables. Je suis venue le voir à plusieurs reprises. Selon lui, il était normal d’avoir une « gastro-entérite » toutes les semaines. Puis tous les deux jours. «Vous savez, vous travaillez avec des enfants, il y a constamment des virus». Résumons, j’étais malade de manière quotidienne et je venais le voir de façon récurrente pour m’amuser? En plus, c’est moi qui paie la consultation, et je ne suis pas riche. C’était comme si, être une jeune adulte ne m’offrait pas la possibilité d’être malade d’autre chose que d’un virus car trop jeune pour être crédible? Je ne comprends toujours pas comment il pouvait traduire: «Je fais caca toutes les heures de toutes les couleurs » en «Vous avez juste une gastro, pour la millième fois». Désolé pour l’image. J’aurais plein de termes à vous dire à ce propos quand j’y repense mais ça tournerait à l’acharnement. Il m’a fallut plusieurs mois pour le convaincre de m’envoyer voir un spécialiste et pouvoir mettre une étiquette sur ce que je vivais.

Auparavant, je n’avais jamais constaté cette manière si étrange de me soigner. Comme si, lorsque la situation était un peu plus complexe qu’un rhume, il préfèrait prétendre à un rhume. C’est plus facile de me soigner d’un rhume, c’est dans ses cordes, c’est rapide. Dommage. Je m’étais promise de changer de médecin par la suite. Et figurez-vous que je ne l’ai pas fait, par fainéantise. Et surtout, je me croyais débarrassée pour un moment des rendez-vous médicaux. Grossière erreur! Alors, si jamais vous n’êtes pas satisfait de la personne qui vous suit sur le plan médical, changez. N’attendez pas.

Lorsque tout a commencé, malgré mes nombreuses alertes, le scénario catastrophe se répètait. Il m’a fallut des mois de souffrances pour enfin prétendre à une réelle aide.

La question que j’anticipe est la suivante: Pourquoi ne pas changer de médecin en cours de diagnostique? J’ai plusieurs pistes à partager. Il est important de rappeler qu’au commencement de cette histoire, je n’avais pas prévu les proportions qu’elle prendrait. Je ne suis pas madame Irma. Il m’était impossible d’imaginer qu’il me fallait un allier solide dès le début. Ce généraliste avait toujours plus ou moins, “fait l’affaire” pour le reste.

A l’instant où j’ai conclu, amèrement, qu’un autre soignant serait une bonne idée, entraient en jeux d’autres aspects. 

Premièrement, l’urgence de mon état se dégradant et ne me permettant pas de me passer de médecin. Obligée de continuer de le côtoyer par besoin.

L’un des autres facteurs est qu’il n’est pas simple de trouver un bon médecin. Il ne suffit pas de le vouloir de toutes ses forces pour devenir son patient. Les procédures sont longues et sans garanties de trouver mieux du premier coup. C’est un peu comme trouver la perle rare. Et, il faut juger le praticien très rapidement, sur un rendez-vous pour savoir s’il va nous correspondre et être ce coéquipier dont on a tant besoin. Ce n’est donc pas une mince affaire.

De plus, il faut prendre en compte l’égo du monde médical. Avouer à mon généraliste qu’il ne me convenait plus, c’était délicat. Dans un monde idéal, je n’aurais pas dû avoir peur de le dire mais j’avais une part d’appréhension. Fondée ou pas, j’avais peur que lui dire, signerait potentiellement l’arrêt des soins qu’ils pourraient me prodiguer. Certes, un médecin se doit d’être impartial mais ça reste un humain. La confiance serait en quelques sortes brisées et s’il avait déjà du mal à me prendre au sérieux, ça n’aurait pas été en s’arrangeant. Il pourrait se sentir attaqué. Comme si je remettais en cause ses compétences. Je suis convaincue qu’il travaille bien mais l’humain n’est pas parfait. Et au final, je pensais sincèrement qu’il ne me correspondait pas.

Une fois, mon état en constante baisse, j’ai rassemblé de l’énergie et ai pris en secret, un rendez-vous avec un autre docteur. Un peu au hasard. Les bons médecins, soit, ils ne prennent plus de nouveaux patients, soit, il y a des mois d’attentes. Je l’ai choisi en fonction de la disponibilité qu’offrait ce nouveau cabinet dans ma ville. 

Je suis sortie du rendez-vous complétement dubitative. Plus perdue que jamais. Il m’a été difficile de juger en si peu de temps s’il allait être la perle que je recherchais. À la fois, il avait été professionnel, factuel et avait posé des interrogations pertinentes. À la fois, il n’avait pas été très chaleureux. Je dirais même, presque trop froid et méthodique. Je n’ai pas eu l’impression d’être en confiance avec lui. Le feeling n’y était pas.

Quelques jours plus tard, je suis venue à la conclusion qu’il vallait mieux ne pas m’engager avec lui. S’il aurait dû devenir mon allié, je l’aurais su dès le premier instant, un peu comme le coup de foudre. 

Au moins, je savais à quoi m’attendre avec mon doc actuel. J’ai conscience que j’ai le droit de prétendre à des soins de qualités. Néanmoins, vu les circonstances, il restait mon meilleur choix. Enfin surtout le moins pire.

Et figurez-vous que plus mes problèmes grandissent plus la relation change. En bien. C’est malheureux qu’il ait eu besoin de temps et de mon acharnement pour comprendre que mes nombreuses plaintes n’étaient pas des caprices pour recevoir de l’attention. J’ai l’impression d’avoir attendu de toucher le fond pour être entendue. 

Désormais, il me donne de plus en plus, le sentiment d’être écouté et cesse d’être surpris par les symptômes. Il note et tente de faire de son mieux. Il propose des solutions, des pistes d’actions. Je constate bien que ma situation le dépasse mais il s’investit, avec empathie.

Je tente d’expliciter le mieux possible mes symptômes, de ne pas le remettre en questions et de lui montrer mon unique but. Le même qu’à la première consultation. Je souhaite pouvoir interpréter les signaux douloureux que mon corps m’envoie et apprendre à vivre avec. Je souhaite comprendre ce qu’il m’arrive au mieux et qu’il puisse me donner des outils.

Dans un monde parfait, il n’aurait pas attendu que ma fourchette soit aussi lourde qu’un altère pour intervenir. L’important, c’est que nous avons tous la possibilité de faire mieux et de changer. Il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis. Que ce soit par égo ou non, il me prouve qu’il n’est pas si bête. Nous pouvons enfin avancer comme des partenaires vers le chemin d’une nouvelle homéostasie pour moi.

Afin d’amener un peu de positif, je souhaite vous parler de ma gastro-entérologue. Là, je peux affirmer, c’est une bonne professionnelle. Je suis arrivée, j’ai expliqué ce que je vivais et je n’ai pas eu besoin de la convaincre. Le simple fait de s’asseoir en face d’un docteur devrait suffire à attester que les choses ne sont pas dans la normes et qu’elles méritent une action. Avec elle, cela avait naturellement suffit. Elle a pris le temps de s’intéresser à mon dossier médical mais aussi à l’humain que j’étais. Elle s’est préoccupée de mes passions, de ma vie, de ce qui me constituait. En dehors de la sympathie dont elle a fait preuve, elle était débordante d’une empathie professionnelle. Ensemble, nous avons fait les analyses nécessaires, elle m’a expliqué mon diagnostique. Elle m’a armé d’outils afin d’apprendre à vivre avec. Elle a rempli sa mission. Elle peut rentrer chez elle, avec la certitude d’avoir agis adéquatement, selon moi. Et lorsque la situation devient à nouveau ingérable, sur le plan digestif, je sais que je peux aller la voir. Elle reste un appui sur qui compter en cas de besoin.

Je trouve malheureux de distinguer les bons des mauvais médecins pourtant, s’il y a bien un truc que ma santé m’a fait apprendre, entre autres, c’est qu’un médecin c’est pas toujours une garantie d’avoir des soins. Sauf bien sûr, si l’on est en danger imminent de mort.

Vous vous demandez, à juste titre, sur qui je vais venir casser du sucre maintenant? J’aimerais vous expliquer ma démarche. Par delà le besoin d’un endroit où transcrire mon mécontentement envers ces personnes, je souhaite vous inviter à vous poser une question. Si un médecin n’est pas correct avec vous, oseriez-vous lui dire? Ne répondez pas trop vite. Pour ma part, j’éprouve un respect pour tous les être humains et je partais du principe que ces personnes étant là pour mon bien et pour m’aider (même si ce n’est qu’une illusion), je n’ai pas ce luxe. Je ne trouve pas qu’il est commun de remettre en question le monde médical. Comme si ces personnes étaient une sorte d’humain à part entière. Et surtout, comment, moi, jeune adulte qui n’y connais pas grand chose, puis-je douter de la pratique d’un MÉDECIN!? Je n’ai pas assez de prétention et d’audace pour le faire en face et de toute manière, cela ne changerait rien de bien. C’est fou comme la société a réussi à mettre implicitement la médecine au dessus des patients. Heureusement, aujourd’hui, j’ai déconstruit cet croyance.

J’ai pu constater mon incrédibilité auprès de plusieurs docteurs, malheureusement. Ayant forcé mon généraliste à m’envoyer consulter d’autres personnes afin de pouvoir trouver ce qui n’allait pas dans mes jambes, j’ai pu rencontrer un spécialiste en angiologie. L’angiologue est celui pour qui la circulation sanguine, les veines et toutes ces choses n’ont pas de secret. 

Très honnêtement, ce médecin a été correct avec moi. Je ne peux pas le nier. J’ai simplement garder une phrase qu’il m’a dite: « Mademoiselle, vous avez 24 ans, vous êtes jeune et en bonne santé, tout va bien. ». Avec le recul, je n’arrive toujours pas à comprendre la pertinence de ses dires. Il m’ôtait la légitimité d’aller mal. J’ai à nouveau une question: Pouvons nous remettre en question la douleur d’un autre? Je répondrais rapidement en disant que non. La douleur, la souffrance, le mal-être sont propre à chacun. Cela se déroule à l’intérieur, comme une guerre interne, invisible et imperceptible.

Certes, certaines techniques médicales peuvent attester que certaines choses ne tournent par rond et de là, imaginer des douleurs. Pour admettre que l’existence des ses afflictions existent, il y a toujours un patient qui témoigne et un soignant qui écoute et prend note. C’est l’ensemble des deux qui amène un résultat. Sans patient, le médecin ne soigne pas. Je me souviens très clairement, il m’avait demandé de marcher devant lui, afin de pouvoir noter une anomalie. Sa conclusion était amère dans ma bouche: «Vous marchez très bien. ». Il avait une part de vérité, je marchais normalement. Mais il pouvait se la garder, sa phrase! Le manque de tact et d’empathie sont très durs à vivre dans ce genre d’errance médicale. Ils amènent à se torturer l’esprit et se demander vivement ce qui ne tourne par rond à l’intérieur, vu que visiblement, tout va bien. Je me suis demandée plus d’une fois si je n’étais pas folle, si je n’exagérais pas, finalement.

En effet, mes douleurs sont très sournoises, certains jours, poser la plante de mon pied au sol suffit à ce que toute ma jambe se crispe. Ces jours là, afin de m’éviter ces maux, je boitais. J’ai vite compris que ce n’était pas la solution car cela me déséquilibrait la colonne vertébrale et finissait par me créer d’autres soucis. Si je peux éviter de jouer à Dr House, je le fais. Certains jours, je ne peux pas m’en empêcher. Et parfois, je serais capable de me mettre à courir. Vous avez bien lu.

Ce qui est compliqué, c’est l’après. Après, c’est la guerre dans mes membres et la cavalerie de la fatigue revient plus lourdement encore. Alors, oui Monsieur, je sais bien marcher, je ne sais juste pas comment faire pour ne plus entendre les hurlements de mes jambes. Finalement, je ne suis plus très sûre de pouvoir penser qu’il ait été correct envers moi. Il a manqué de tact et d’empathie. Je repars avec un coup au moral, mon physique défaillant et une interrogation: aurais-je dû mentir, exagérer ma démarche pour que la douleur se voit? Pourquoi ma simple parole et la vérité ne suffisent pas à être crédible?

Je vous passe les détails mais sachez qu’à chaque nouveau professionnel rencontré, j’explique méticuleusement que rien n’est visible. Il n’y a aucune déformation constatable, aucune couleur suspecte. Il suffit d’écouter mes propos et de cesser de simplement les entendre. J’entends le bruit ambiant dans la rue, j’écoute la personne me parlant. Nuance importante. C’est frustrant et oui, ça m’a beaucoup agacé.

J’ai eu le même genre d’expérience en rencontrant un neurologue, quelques mois plus tard. En effet, lors de l’entretien avec celui-ci, il posait des questions ciblées mais ne me laissait pas le temps de terminer mes réponses. Cela ne partait pas de la bonne manière. Je me suis dit qu’il devait être pressé. Pourquoi j’essayais de lui trouver des excuses. Bonne question. J’ai eu le droit au fameux moment où je dois montrer que je sais marcher. Il m’a dit sensiblement la même chose que le précédent. Sans aucun ménagement, sans laisser entendre que quelque chose existait tout de même. Ça ne se voit pas, ça n’est donc pas réel. Ça fait plaisir! Ils pensent que mon but ultime est de rencontrer tous les professionnels de la santé possibles pour des autographes? Je me passerais de dilapider mon salaire ainsi que mon temps et mon énergie. Je préférerais être entrain de courir, voyager et rire comme avant.

Le plus terrible dans cette histoire, c’est que ce neurologue a non seulement manqué de tact dans ces paroles mais aussi dans ces gestes. À tel point qu’il m’a fait subir un examen tout en me laissant une jolie cicatrice. En effet, il devait procéder à un examen appelé éléctromyogramme. Pour faire simple, cet examen permet de détecter des pathologies neurologiques par le biais d’aiguille dans lesquelles du courant électrique passe. Je vous rassure, ça peut paraître barbare mais ça ne l’état pas tant que ça. En revanche, il a été barbare. J’avais le sentiment de lui faire perdre un temps précieux et il me le faisait sentir par sa nonchalance et son manque d’attention sur ce qu’il faisait. Je vais vous passer les détails mais avant de piquer une zone, il anésthésiait avec du froid. Il était tellement dans la lune qu’au lieu d’anesthésier, il m’a brûlé. Je ne l’ai pas senti directement, pourtant, à un moment, il est resté bien plus longtemps que sur les autres endroits. Sortie de la consultation, très vite, j’ai constaté une brûlure à vif de dix centimètres de diamètres. Un barbare, je vous avais prévenu. Donc il m’avait mal parlé, maltraitée et j’avoue, je ne savais pas comment agir. Et je n’ai rien dit. Encore aujourd’hui, j’ai une cicatrice ronde sur le mollet. Néanmoins, je me suis promise que la prochaine fois qu’une situation comme celle-ci se présente, je ne me tairais pas. Pas une seconde.

Après ce fameux rendez-vous en neurologie, je fus dirigée vers le centre universitaire hospitalier de ma ville afin d’effectuer une biopsie musculaire. C’est le genre de terme que j’entendais dans les séries. Grossièrement, ils pratiquent une petite intervention pour couper un bout de viande du muscle et l’analyser. Le neurologue m’avait assuré que c’était une bonne idée. J’ai passé 3 semaines à être envoyé d’un service à l’autre. Le système administratif me bloquant la route. J’étais jamais au bon service pour prendre mon rendez-vous, puis lorsque c’était le bon, il m’indiquait qu’avant cet examen, il fallait faire un bilan neurologique. Petit rappel, j’ai été envoyé vers ce centre à la suite d’un bilan neurologique. L’ironie, vous connaissez? J’avais envie d’insulter la personne que j’avais au bout du fil. Je savais qu’elle n’y pouvait rien. Mes chances de découvrir ce qu’il m’arrivait étaient en jeu. Je passais des après-midis à appeler toute les quinze minutes afin de tomber sur leur répondeur. La musique n’était pas agréable et au bout de quatre minutes, cela raccrochait. J’ai compté, pendant une semaine, j’ai appelé soixante-deux fois. Vendredi matin, à la soixante-troisième fois, j’ai eu une voix humaine. JE N’Y CROYAIS PLUS. Finalement après de dures négociations entre plusieurs interlocutrices, j’agendais un rendez-vous. Pas pour une biopsie. Je vous passe les détails, un blabla entre l’administratif, la cheffe de clinique et l’incompréhension. J’avais donc enfin un rendez-vous en poche, dans trois mois. 

Parlons-en des délais. Je sais que je ne suis pas à l’article de la mort. Je sais qu’il y a des cas bien plus grave que le mien. Je ne comprends tout de même pas comment mon médecin généraliste, connaissant les attentes à rallonges des spécialistes, n’a pas jugé bon de planifier plusieurs recherches au même temps. Toujours la même rengaine. Je force pour faire des recherches. Il finit par céder. Puis m’explique que nous allons attendre d’avoir les résultats pour en faire d’autres. Qu’est-ce que ça lui coûtait de m’envoyer faire plusieurs batteries de tests à la fois? J’aurais pu protester et faire un scandale. Ce qu’il se passe dans ce genre de moment c’est qu’il tourne les phrases d’une manière où accepter est obligatoire. Ces dires paraissent être les uniques clés. Je pourrais qualifier ces pratiques de manipulatoires. Sur l’instant même, je ne comprends pas que je suis entrain de me faire entuber. Il est fort, il utilise un sourire faussement bienveillant. Le cerveau se fait avoir. Je sors du cabinet, contente des solutions qu’il donne. Quelques instants après, je réalise que ces solutions sont: Premièrement, prendre mon mal en patience, souffrir (il ne le dit pas bien évidemment). Deuxièmement, continuer à prendre mes petits suppléments et pour finir, il n’y a pas de solutions. C’est vicieux. Ne vous inquiétez pas, j’ai fait le nécessaire pour ne plus jamais tomber dans le panneau.

C’est fou de devoir apprendre à se surprotéger d’une personne qui est censée être la pour notre bien.

Vous l’avez compris, j’ai donc souvent été déçue par les soins. Ces personnes ont sûrement leurs raisons. Au fond de moi, il devait y avoir plusieurs croyances faussées. Je pensais pouvoir accorder une confiance aveugle aux docteurs. J’avais toujours appris que les toubib, ça soigne les bobos, c’est là pour le bien. J’étais en torts. Autrefois, je considérais qu’être soignée était facile. Je savais que guérir n’était pas simple et est souvent associé à un combat permanent. De ces expériences, j’apprends à mes dépends que pour être soignée, il va falloir que je me batte autant que pour guérir. En plus de devoir trouver ce qui n’allait pas, je devais me battre pour ça.

Jamais je n’aurais imaginer devoir me battre pour survivre, pour tenir debout et surtout, me battre pour trouver ce qui me flinguait.


PS: Si tu observes de grosses fautes d’orthographes, très vilaines, n’hésite pas à me le dire! Je te remercie de tout mon coeur de me lire et promis, la suite arrive bientôt!

Récit de vie – 5. La descente

Avant de lire ce qui suit, je te propose, si tu ne l’as pas déjà lu, d’aller jeter un oeil aux chapitres précédents.

Chapitre 1 – Ma vie d’avant

Chapitre 2 – La première fois

Chapitre 3 – Le déni

Chapitre 4 – Carnet de santé

Bonne lecture!


Photo de Filipe Delgado sur Pexels.com

Septembre. 

J’ai commencé à mener un double jeu. Dangereux, mais ça je ne le savais pas encore. Le matin, je me parais d’un masque. Mon état était en baisse et malgré ça, je gardais un grand sourire durant mes journées. Je ne me plaignais que rarement, à mes proches. Et toujours en restant très positive: «Je suis juste un peu fatiguée, ça va aller». Au final, je ne sais pas qui j’espérais le plus convaincre.

Plus les jours avançaient, plus je devais me battre pour avoir un quotidien normal. Je rentrais de plus en plus souvent en lambeaux. Parfois j’imaginais ne pas réussir à atteindre mon appartement tellement les douleurs étaient fortes. Je tenais tellement à faire comme si de rien était durant la journée, qu’arrivée au moment de rentrer, tout s’écroulait. Soulever une jambe après l’autre était devenu un défi.

Le changement était radical. Je tenais tellement fort à garder la tête haute, à faire comme si de rien était qu’une fois qu’il était l’heure de rentrer, l’enfer prenait place. Comme si durant toute la journée, j’arrivais à me focaliser sur tout le reste et au moment d’être livrée à moi-même, sans plus aucune responsabilité professionnelle, les douleurs devenaient plus insistantes. Ingérables. Insupportable. Infernales.

Je ne vous ai pas encore parlé de ma maladresse caractéristique mais je dois vous dire que cela a empiré. Je manquais de chuter constamment. Mes pieds s’engluait au sol, sans raison. Mon cerveau avait de plus en plus de difficultés à évaluer l’espace autour de moi. Les objets tombaient de mes mains, mon poids tombait de mes jambes. Je saluais les murs à cou de bras, de front. Et le tout, le plus discrètement possible.

Mes souvenirs ne sont pas très clairs. Tout a été, à la fois, si vite et si lentement.

Je partais d’une simple douleur au mollet droite qui finalement se révélait aussi forte qu’un boxeur en plein combat. À cela s’ajoutait doucement d’autres ingrédients. Une fatigue toujours plus pesante s’installait. À peine mon réveil avait-il sonné, après une longue nuit, que je ressentais la même faiblesse que si j’avais participé à un marathon. J’aurais aimé y participer et ressentir ces sensations pour ces raisons-là. 

J’avais l’impression que tout m’échappait, ma force, ma mémoire, ma vue, mes jambes, mon humeur. Ma fourchette a commencé à être trop lourde à amener jusqu’à ma bouche. C’est devenu fatiguant de tenir une conversation. Je m’endormais n’importe où, n’importe quand. Ma vision était troublée en permanence.

Moi qui était si positive, en toutes circonstances, divers sentiments négatifs commençaient à prendre le dessus. Et attention, je ne dis pas que je tombais en dépression. Je n’ai rien contre la dépression, simplement, cela partait du physique.  Certains soirs, je n’en pouvais plus moralement d’avoir mal, la douleur était si forte. Comme si quelqu’un me hurlait dans les oreilles en continu. Comme si une alarme incendie était activée en permanence. Il y a de quoi en perdre son latin. 

Tout un tas de questions me venaient en tête lorsque, le soir, je me retrouvais incapable de cuisiner. Mon estomac me suppliant de le nourrir, ma souffrance hurlante et moi, assise sur le sol de ma cuisine… J’étais frustrée de ne pas être guérie comme convenu. J’étais frustrée de ne pas réussir les choses simples de la vie. Pourquoi n’arrivais-je plus à tenir debout, à couper mes légumes? J’étais usée de jouer un double jeu et d’essayer de faire bonne figure. Je rêvais de pouvoir crier que ça n’allait pas, tout en gardant une peur de ce qu’il m’arrivait. Et si c’était pour toujours ainsi? Dans l’incompréhension de cette situation, j’ai souvent pleuré sur le sol de ma cuisine alors que quelques heures auparavant, je bougeais dans tous les sens et assurais à tous, d’un sourire confiant que j’allais bien.

La douleur s’était installée au fur-et-à-mesure de mes pas. Et vous n’imaginez pas les kilomètres parcourus.

Il fut un jour, je ne saurais pas vraiment vous dire le déclencheur où j’ai simplement trouvé qu’il n’était plus normal de vivre toute cette incompréhensible mascarade. L’avenir était effrayant. J’avais peur de perdre mon emploi. J’avais peur de ne jamais guérir. J’étais en colère que tous mes efforts n’aient pas suffit à mon corps. J’étais en désaccord. Il fallait agir et cesser cette chute sans fin.

J’ai pris rendez-vous chez mon médecin. Une fois. Deux fois. Trois fois. Personne ne savait réellement dire ce qu’il m’arrivait et je me voyais prescrire divers anti-douleurs, sans effets concluants.

A ce moment-là, mon ressenti est de ne pas avoir été prise au sérieux. Je me souviens que le médecin m’a expliqué que cela pouvait être psychosomatique. Vous a-t-on déjà dit ça? Je vous fais un dessin mental. La cause psychosomatique, c’est comme un placard fourre-tout. Quand nous ne savons pas où mettre ce vase hideux que notre mamie nous a offert, nous le mettons dans ce placard. C’est simple, pratique et rapide. Cela ne nécessite pas de devoir remettre en question l’organisation générale de la maison. Merci le placard fourre-tout. 

Certes, le psychosomatique existe. Avant d’avoir ce diagnostique miraculeux, j’avais moi-même songé à cela. J’avais donc fait tout un travail sur ma vie, pour dénicher la petite bête. Le problème est qu’il n’y avait pas de problème, pas de petite bête à accuser. C’est la raison pour laquelle je n’étais vraiment pas convaincue par cette hypothèse. J’avais fait le tour de la question et à moins d’être folle, je n’y comprenais plus rien. Et encore plus inexplicable que cela puisse paraître, j’avais l’intime conviction que quelques chose dans mon corps défaillait. Je ne savais pas expliquer d’où, ni comment mais je sentais que le problème venait de l’intérieur de ma chair. Je ressentais mon corps lutter contre quelque chose de plus fort que lui. Allez dire ça à un médecin avec vos résultats sanguins dans la norme.

D’ailleurs, en y repensant, mon médecin lançait cette hypothèse mais ne proposait aucune solution. J’avais vraiment le sentiment que peut importe ce que je pouvais lui décrire, il ne voyait pas qu’au fond, j’étais en pleine détresse vis-à-vis de ce corps qui me lâchait. Il ne voyait pas l’incendie. Il a attendu que la maison ait brûlé pour faire quelque chose mais ça, nous y reviendront plus tard. Je sais que je dis ça, comme si c’était simple de trouver le bon diagnostic et je suis consciente que malheureusement ce n’est pas le cas. Néanmoins, j’ai réellement eu la sensation d’être au milieu d’une catastrophe naturelle et que malgré mes appels aux secours, je me suis faites emportée par le courant.

Par acquis de conscience, à force d’insister, mon médecin a fait quelques tests médicaux de routine. Et ceux-ci se sont révélés dans la norme, quelques carences par-ci, par-là. Le psychosomatique était sa meilleure piste. Elle n’engageait pas d’investigations plus profonde. 

La chose que je retiens de ces consultations sans résultats est qu’être une jeune adulte face à un médecin, c’est parfois compliqué. Et là aussi, ce n’était que le début.


PS: Je te remercie de me lire et promis, la suite arrive bientôt!

Lili