Inattendu

Depuis plusieurs jours, j’ai envie d’emballer un pique-nique et d’enfiler mes baskets. Partir en vadrouille, avec un livre et passer du temps à marcher, dehors. Je ne parle pas d’une simple promenade quotidienne mais carrément d’une petite expédition. De ne pas réellement calculer l’itinéraire mais de savoir que je pars en dehors de mes chemins habituels. De prendre le temps de savourer l’air, mes pas et les paysages.

Ce matin, sortir du lit me paraît simple. Je vais m’installer sur mon tapis de yoga, comme bien souvent et je laisse mon corps et mon esprit s’éveiller en mouvement. La magie opère.

Je regarde par la fenêtre et malgré la grisaille, je le sens. C’est aujourd’hui que je pars en vadrouille.

Je prépare un petit repas, quelques biscuits et de l’eau. J’empaquette le tout dans mon sac à dos, avec ma liseuse et mes lunettes de soleil, sait-on jamais. Chaussures aux pieds, veste enfilée et c’est parti.

Je rejoins rapidement la gare car le début de mon périple se situe dans un village, non loin d’ici.

Mon guide, pour aujourd’hui, ce sera ce type de panneau.

Le premier d’une longue lignée!

Le départ se fait proche des habitations et très vite, le chemin s’éloigne. Il m’emmène dans les zig-zag du paysage, entourée de vignobles.

Je passe de petits hameaux en chemins étroits. Une vraie aventure dans ce décor dénué de gens. Les joies de pouvoir profiter d’une douce matinée, en semaine.

Et par moment, alors que mes muscles me demandent déjà ce qu’on fait là, je suis récompensée par une invitation à la pause.

Vous voyez ce bout de verdure, au fond à gauche de l’image? Mon objectif se trouve dans cette direction. Je compte aller au delà des dédales du panorama, déplier les reliefs aussi loin que je le pourrais. Je n’ai pas réellement décidé où se situe le point final, il n’a que peu de valeur à mes yeux. L’important, c’est le chemin et j’attendrais d’avoir été aussi loin que ma motivation me portera. Quand je serais arrivée, je le saurais.

Alors, j’avance.

D’un pas déterminé, j’évolue sur les sentiers déserts. Pendant près d’une heure, je suis seule. Je ne croise que très rarement des passants, allant dans la direction opposée. Le sentiment de liberté est grisant.

En arrivant dans les villages, le bonhomme continue ses précieuses indications. À un moment, il se dédouble et m’offre deux directions. Je m’arrête le temps de prendre la décision. C’est bon, je peux repartir. Je n’ai aucune certitude concernant le choix que je fais instinctivement, pourtant, je suis confiante.

Au dessus de moi, le ciel semble confiant.

Cela fait déjà deux heures que je suis partie et doucement, j’entends des clochettes se rapprocher, derrière moi. Le son se fait de plus en plus proche. Je finis par me retourner pour découvrir ce qui me suit. C’est un petit chien, suivit d’un second et en fin de marche, leur maître.

Voyant que je me retourne, il appelle ces compagnons et je lui rétorque qu’il n’y a pas de mal. J’ajoute qu’ils sont adorables. Et c’est ainsi que nous commençons à discuter. C’est un monsieur qui pourrait presque être mon père. Il paraît solaire et jovial, de ce que je me souviens. Pourtant, à l’heure où j’écris, c’était il y a trois jours. Je m’aperçois que je n’ai pas observé le physique de ce monsieur. Ce qui va suivre est au delà de nos corps et des apparences.

Nous marchons dans la même direction et sitôt qu’il a finit de me présenter ces deux boules de poils, il m’interroge. Il me demande jusqu’où je vais. Je lui réponds que pour le moment, je n’ai pas établi la destination finale. Je lui explique mon point de départ et il en fait de même. Très rapidement, nous passons un accord tacite d’avancer ensemble, en discutant. Nous parlons des paysages, des chiens et soudainement ça devient très profond. Je lui confie cette parenthèse de vie, que je traverse actuellement. Ça me fait étrange de me retrouver à lui dire qu’il y a un an, je ne pouvais plus marcher, alors que nous sommes dans une belle montée. Il est aussi surprit que je ne le suis. Je réalise au moment où je parle tout ce chemin parcouru. La claque.

Et encore plus surprenant, il traverse des événements similaires. Nous sommes deux inconnus, endommagés du monde, marchant pour se reconstruire, pour conquérir du sens et pour mieux repartir à la quête de l’avenir. Nous échangeons nos secrets, nos bobos et nos joies. C’est un moment hors du temps et je n’en prends conscience que lorsqu’il s’arrête à la hauteur d’une bifurcation. Il doit aller prendre le train, rentrer pour nourrir ces chiens. Nous échangeons nos prénoms, nous nous souhaitons une belle suite et au plaisir de peut-être se recroiser.

J’avance, en réalisant ce que je viens de vivre. La richesse de cet échange totalement inattendu et pourtant si merveilleux. J’ai le sourire plus large que jamais et doucement, je me dis qu’il est temps de faire une pause. J’ai besoin d’un moment pour digérer le bonheur de cette rencontre. J’avance encore quelques mètres, jusqu’à trouver l’endroit idéal, celui de mon repos et aussi de mon repas.

Je sors mon Thermos et profite de mon repas. Ma tête passe en boucle tous les mots échangés afin de n’en oublier aucun. Je suis tellement heureuse que nos routes se soient croisées. Toutes ces petites décisions prises d’instinct, me menant vers une rencontre si riche. Je suis comblée par ce cadeau de la vie. Cet encouragement muet à persévérer, à ne rien lâcher.

Le ventre plein, je reprends la route. Arrivée à ce stade, mes jambes sont un peu contrariées mais je sais désormais où la fin de mon périple sera et je dois tenir bon. J’occupe mon esprit en baladant mon regard. Il y a tant à regarder entre ce dédale de vignes à perte de vue…

Et le lac, dont je ne fais que de m’éloigner et de me rapprocher. Il y aussi les montagnes, un peu timides aujourd’hui, dont on devine les sommets blanchis. J’en prends plein la vue et ça me permet de ne pas focaliser sur mes douleurs grandissantes.

Je traverse un dernier village, m’engouffre dans celui-ci et à la clé, en passant sous un pont, je suis au bord de l’eau. Je ne l’avais pas vu venir celle-là. Je suis montée tellement haut que je ne m’attendais pas à mettre mes pieds dans l’eau.

Je m’installe, au soleil afin de profiter de cette superbe récompense. Le temps est meilleur que lorsque je suis partie et je me sens fière d’être arrivée jusque-là. Ce matin, je gardais en tête de pouvoir m’arrêter à tout moment, comme si je n’étais pas sûre d’en être capable. J’apprécie le sentiment de m’être prouvé le contraire. bien avant cet endroit.

Avec ma fière acolyte, j’ai nommé, mon ombre.

Intérieurement, je suis comblée cependant, physiquement, il est temps pour moi de rentrer me reposer. Dans le train, je fais le bilan de cette aventure. Je pèse le poids de l’inattendu et conclu qu’il est inestimable. Je sais pertinemment que j’ai peut-être dépassé mes limites physiques et que j’en paierais les conséquences. Néanmoins, pour une telle avalanche de bonheur, je veux bien subir les retombées pendant des jours s’il le faut, au moins, je n’oublierais pas cette magnifique journée.

Allons en balade

Je vous emmène avec moi, au fil d’une de mes récentes balades, autour d’un petit lac dans le jura vaudois.

Ça commence par une flèche jaune, la première d’une longue suite. Derrière la végétation, je devine l’eau. C’est une journée venteuse, où j’aurais du mettre un bonnet, tellement le vent est coupant.

Je tente de m’approcher mais le bord est protégé naturellement. La nature sait préserver ses merveilles.

Plus loin, de petites embarcations attendent sagement qu’on les emprunte.

Le vent fait son travail et balaie le ciel afin que je puisse réchauffer mes joues. En suivant le chemin, mes pas s’éloignent de la berge pendant encore quelques mètres.

Le paysage est plus beau que dans mes rêves. J’apprécie la couleur des sapins, la nudité des arbres et les petites cabanes cachées dans les bois. Le tout, sous l’oeil bienveillant de ce lac.

À un moment, sur ma droite, une gigantesque paroi rocheuse fait son apparition. Je m’arrête le temps d’observer les détails. Le froid me secoue, pour que j’avance. Autrement, j’aurais pu passer l’après-midi à contempler les rochers.

Le soleil fait se fait manger par les nuages tandis que j’atteinds le village.

Le lac s’éloigne derrière moi et je repars, comme je suis venue, a une nuance près. Je me sens légère, ressourcée et simplement heureuse. C’est fou, la nature.

La nature

Ces derniers jours, alors que ma joie de vivre était en berne, la météo s’est adoucie. Et au fil de mes sorties, la nature s’est mise à me sourire pour me montrer les prémices des merveilles du printemps. Je me suis donc laisser porter, pour vivre différentes expériences.

Dans la forêt, j’ai trouvé un abris où me réfugier et écouter le chant des oiseaux. J’avais besoin de ça, sans le savoir.

Un autre jour, j’ai vu que les bourgeons se sont mis à éclore, un à un. J’ai observé les couleurs vives avec un oeil créatif. Toutes ces teintes m’ont donné envie de peindre. Affaire à suivre.

Au bord du lac, je me suis mise en maillot de bain et malgré les cinq degrés de l’eau, je me suis baignée la moitié du corps. Mes douleurs dans les jambes, plutôt fortes ces derniers jours, se sont apaisées. Figée par la température. Le plus surprenant dans cette tentative de baignade, en plein hiver, c’est qu’une fois en maillot de bain, je n’ai pas senti le froid. Pas une seconde. Pied nu, sur le métal et pourtant, je n’ai pas eu un seul frisson. La prochaine fois, c’est promis je me baignerais jusqu’au cou mais pour cette fois, la taille c’était suffisant.

Lors d’une de mes balades, j’ai beaucoup été attirée par les arbres. Gigantesques, majestueux et sages. Malgré qu’ils soient là depuis toujours, je ne me lasse jamais de les admirer mais qu’en est-il d’eux? Ils nous observent, nous regardent aller et venir. Et ce depuis bien longtemps. J’imagine soudainement être une toute petite fille gambadant sous l’oeil attentif de mes parents, à l’ombre de ces même arbres près desquels je marche couramment. En ont-ils parfois marre de nous voir? Se lassent-t-ils de nous? Un tas de pensées fascinantes, absurdes et nostalgiques m’envahissent.

Le meilleur moment de ma semaine a été lorsque j’ai éprouvé une immense joie en voyant sur mon balcon puis en balade, que timidement, les jonquilles ont fait leur retour annuel. Je ne saurais expliquer pourquoi ce sont mes fleurs préférées et peut-être, il n’y aucune raison à cela. Je savoure leur beauté éphémère avec bonheur.

Alors, cette semaine avait débuté sur une humeur maussade mais je peux affirmer que grâce à la magie de la nature, j’ai retrouvé la joie d’être. Doucement, au rythme de mes pas, des respirations profondes et des mes yeux ébahis devant cette beauté si simple. Le plaisir à portée de mains.

Jour 76 – La vie est douce

Mon réveil se déroule avec une facilité qui me déconcerte. Vu comme s’est terminée la veille, je pensais garder des séquelles mais mon corps me montre que parfois, il sait y faire. Forte de ce constat, je vais vers mon tapis de yoga et pratique. Déterminée, sûre de moi.

Je m’habille et ce matin mon esprit est déjà perdu dans l’horizon. Par la fenêtre, le temps est clair et le soleil est levé. Il m’inspire monts et merveilles. Cette luminosité me remplit d’envie, de motivation, de paix, de joie, et je pourrais continuer la liste bien longtemps. En bref, il faut que j’aille goûter la douceur du temps, par tous mes sens.

Et vous commencez à comprendre le schéma… Je vais au bord du lac.

Je rejoins assez vite le port. Le vent est doux, presque imperceptible. La température est froide mais agréable. Juste ce qu’il faut. Les innombrables mats des bateaux attirent mon oeil. Dressé vers le ciel, ils attendent patiemment les beaux jours. Les canards barbotent paisiblement.

Je continue à vadrouiller, pendant qu’au dessus de moi, les nuages s’amassent. L’eau est limpide et l’horizon dégagé permet d’apercevoir les sommets enneigés. Durant cette balade, je charge mes poumons d’air pur ainsi que ma tête d’image plus belles les unes que les autres et mon esprit s’apaise.

Je rentre juste avant midi et me repose un peu. J’insuffle à mon corps tout l’amour que je peux, comme si j’essayais de le soudoyer. De lui demander tacitement de me porter un peu plus aujourd’hui.

Puis, lorsque mon ventre se met à gargouiller, je file en cuisine. Je prépare un bon repas ainsi que des muffins aux framboises.

L’après midi, je reçois une ancienne collègue, devenue mon amie. Garder des liens avec ce que je pourrais appeler Ma vie d’avant est important. Cela m’apporte un bien fou et cet après-midi, je vais profiter de cette présence. De nos jours, les contacts humains se font rares.

En fin d’après-midi, j’écris. je suis profondément inspirée. Les mots défilent aisément. Je continue à travailler sur d’autres projets d’écriture et ce jusqu’à la nuit pleinement tombée.

Ce soir, je m’endors avec la gratitude sur les lèvres. Elle dessine un sourire sincère sur ma bouche. Je sais à quel point j’ai de la chance d’expérimenter cette vie, avec ses hauts et ses bas et je ne peux m’empêcher de le répéter.

Jour 49

Je ne peux m’en passer, jour après jour.

Lorsque j’ouvre les paupières, le soleil brille déjà. Il fait un pied de nez à l’hiver et impose sa douceur. Je m’installe sur le tapis de yoga, encore en pyjama.

Ce matin, je ressens les sessions des jours précédents, dans la fatigue de mes muscles. Mais ce n’est rien comparé à la confiance grandissante qui s’installe. Je n’ai plus l’appréhension du début. J’affronte mes difficultés avec indulgence et calme. Je les accueille sereinement. Je me transforme et je ne parle pas de mon physique. Ça vient de l’intérieur, les fondations sont solidement posées. La séance est revigorante et la voix d’Adriene est toujours aussi rassurante. Par moment, je me permets d’improviser et de trouver ce qui me fait du bien. C’est son Mojo. J’inspire et m’en inspire.

Puis, je file à la douche. Je décide de me laisser une heure de soins, dignes du spa. Je me concocte un masque pour les cheveux, un autre pour le visage. Par moment, je fredonne, je sourie. Je masse mes mains, mes pieds. Je soigne chaque centimètre de mon corps. Du sommet de mon crâne à mes orteils. En sortant de la salle de bain, je suis nouvelle. Ça fait un bien fou.

Puis, je me mets à écrire et je me sens prolifique. Je rattrape mes pensées passées et les retranscris. J’apprécie toujours ce moment introspectif où je passe en revue ce que je viens de vivre. J’ai l’opportunité de mesurer une seconde fois la chance que j’ai. C’est simplement enrichissant. J’encre de la pensée que le bonheur est à portée de main, à chaque instant.

L’après-midi, quelques rendez-vous et je passe beaucoup de temps debout. Mes jambes s’usent, doucement.

Le hasard fait que je suis au même endroit qu’hier, au bord du lac. Cette fois, je ne peux rester longtemps. Je profite des caresses ensoleillées et du ciel bleu. Il est encore plus dégagé. Les mouettes virevoltent au-dessus de ma tête, insouciantes. La couleur de l’eau est différente mais toujours froide et envoûtante. Les vagues se sont apaisées. Je vole ces quelques minutes et remplis un peu plus mon réservoir d’énergie.

Le soir, c’est le revirement de situation. Inévitable. La légèreté et l’insouciance laissent place aux douleurs. Lourdes de conséquences. Aucune position n’est confortable. La nuit s’annonce longue et tumultueuse. J’entoure mon corps de coussins, j’offre le plus de confort que je peux. Je regarde un film. Je ne ressens pas le sommeil tellement l’inconfort est grand. J’attends Morphée, patiemment. J’entame un second film. Puis j’entends au loin, des pas. Je vais m’installer dans mon lit et aussitôt que la couverture me recouvre, Morphée vient m’entourer de ses bras. Tout ne se passe jamais comme prévu et cette nuit est tumultueuse, car je me réveille à de multiples reprises. Pour passer le temps, je visualise de bons souvenirs. Je sais pertinemment qu’il faut simplement temporiser. Le soleil finit toujours par se lever.

Dans la nuit, les souvenirs sont ma lueur d’espoir. Ils m’empêche d’oublier que la vie est belle.

Jour 48

Ce matin, réveil douloureux. J’entends les douleurs mais je ne veux pas les croire. Je ne veux pas entendre ce qu’elles disent. Elle murmurent que la journée commence mal. Elle insuffle une difficulté supplémentaire. Je dois réunir toute la motivation du monde pour me tirer du lit. Me voilà debout.

Je rejoins la voix d’Adriene, sur mon tapis de yoga. J’ai pris goût à la séance en pyjama. Je peux garder la sensation d’être encore entrain de dormir. La séance travaille énormément les abdominaux. Les miens sont loins d’être en béton mais comparés aux exercices me demandant d’être debout, j’éprouve moins de difficultés. Ou surtout, beaucoup moins de douleurs dans cette zone. Enfaite, lors des autres séances, il faut que je distingue la difficulté normale et la combinaison douleurs/difficultés. En effet, j’ai à la fois mal et à la fois, moins de facilité qu’avant. En tout cas, de ne pas faire de posture douloureuse me rend confiante. Et toutes ces respirations prises consciemment font définitivement taire la petite voix sournoise que j’avais dans la tête, lors de mon réveil.

Je me rends à un rendez-vous médical. En sortant, le soleil dépose un bisou sur mon front. Il fait beau. Le ciel est bleu, il ne manquerait plus que les oiseaux chantent. La température de l’hiver se bat avec le soleil pour rester négative. Cet environnement m’invite clairement à en profiter. Je me sens fatiguée. Je sens mes membres sans énérgie mais je ne suis pas très loin du lac. Par un soleil pareil, c’est cruel. Je tergiverse quelques minutes. Aller me reposer ou regrouper mon énergie et prendre plus d’air. Seconde option pour moi. J’en ai réellement envie. Je ne veux plus frustrer mon esprit. Malgré le froid, c’est comme si je rattrapais tous les mois où je ne pouvais plus bouger un doigt. Le soleil, l’air, le vent, les odeurs, et tant d’autres, autant d’éléments qui m’ont manqués.

Arrivée au bord du lac, je suis éblouie. C’est merveilleux. La promenade est presque désertique. Quelques enfants jouent, nourrissent les canards. Quelques badauds font comme moi, ils déambulent. Vers les quais, l’eau semble calme, le vent est muet. Il fait glacial, réellement. Mais les rayons jaunes me réchauffe le visage, l’âme. Plus loin, l’ambiance est différente. Je vois la réelle nature de l’eau. Il y a des vagues dignes de la mer. Aucun bateau ne navigue pourtant, c’est l’oeuvre du vent. L’eau gesticule, fait de grands mouvements. Ça crée un rythme apaisant. Les vagues se jettent à corps perdu sur les rochers, donnant le tempo. Et le vent souffle sur moi, à m’en faire perdre les doigts. Je suis émerveillée par tous ces détails. Il y a tellement de belles choses à percevoir, ressentir et observer. C’est une infinie ressource. Je m’installe sur le rebord en pierre. C’est froid sous mes fesses mais mon coeur est chaud. Je suis au centre de ce magistral spectacle. Je n’ai pas de mots. Je ressens des vibrations lorsque les vagues frappent les rochers. Les gouttelettes volent et scintillent dans les airs. Le reflets sont si puissants que j’en plisse les yeux. Par moment, le vent me contraint à clore mes paupière pour éviter aux larmes de tomber. Je reste là. J’écoute cette musique saisissante. Je suis aveuglée. Je ne me lasse jamais du lac. Je ne saurais pas l’expliquer. A toutes les saisons, il sait m’épater et m’apporter ce dont j’ai besoin. Je suis reconnaissante d’avoir ce point énergétique si puissant, prêt à me porter dans les épreuves de la vie. Je ne pense à rien. Je laisse l’eau nettoyer mon esprit.

Pssst! Le son de l’eau est disponible ici.

L’inévitable arrive, je rentre.

Je me prépare un repas et je ne le sais pas encore, mais c’est la dernière activité que je fais aujourd’hui. Lorsque mon ventre est satisfait, je m’aperçois que mes membres sont devenus lourds. Sur mes épaules, un poids envahissant se pose. J’ai de plus en plus de mal à comprendre ce qui m’entoure. Le temps passe ou plutôt, je le laisse passer. Chaque geste devient un véritable effort. Allongée, même me retourner me coûte. Je fonds dans la lourdeur de l’inaction. J’attends. La nuit tombe et avec elle, je perds du terrain. Je navigue en plein brouillard, ne trouvant plus comment associer mes pensées aux mots. Je ne sais plus utiliser la parole. Je bégaye. Je ressens l’épuisement, les douleurs et doucement, la faim. Je n’ai pas la force de cuisiner, je n’ai pas le choix de décider quoi manger. Je ne sais plus. Je prends de longues minutes pour arriver dans la cuisine. Réussir à me baisser pour prendre un repas dans le congélateur. Je remercie mon moi du passé d’avoir congelé des plats, tout prêts, en prévoyance des jours compliqués. Ainsi, je continue mon engagement de bien me nourrir.

Mon état d’esprit est paisible, je patiente que l’orage passe. J’accepte le sort et attend mon tour, pour revivre. Je regarde dans mon téléphone, les images prises plus tôt. Beaucoup de reconnaissance d’avoir vécu ces moments riches. Puis je tente d’écrire. Vu mon état, c’est comique. Je décide de noter quelques mots clés et me promets de faire le reste demain, de rendre honneur à cette belle journée qui s’achève.

Jour 33

J’émerge rapidement. L’ébullition des préparatifs pour les fêtes m’a sorti de mon sommeil. Je sais que pour les prochains jours, je serais avec ma famille et je tiens à finir de préparer les derniers détails. Je passe une matinée sans trop réfléchir, mes actions sont automatiques. Je ne comprends même pas comment le temps défile si rapidement.

Une fois que tout est terminé, je regarde l’heure et remarque avec surprise que je peux m’accorder quelques minutes pour écrire. Je m’installe dans le salon et avec le stress de ce matin, je ne sais pas vraiment pas où commencer. Forcément, la tension n’est pas bonne pour la créativité. Je mets un peu de piano, voir si ça peut attiser l’imagination. Je passe beaucoup de temps à regarder par la fenêtre, au loin. Il fait plutôt gris, sans pluie, sans neige. Le paysage est figé autant que mes pensées. De fil en aiguille, les mots s’amoncellent. Je relis rapidement et part en cuisine.

J’ai un repas à terminer de préparer pour les miens. J’admets aimer autant que j’appréhendes les fêtes. J’apprécie tellement de prendre le temps de vivre à mon rythme et ça va peut-être paraître égoïste mais je redoute de ne plus avoir ce temps pour moi. Je sais que je vais être entourée des personnes les plus importantes dans ma vie, celles qui m’ont accompagnées durant toutes mes épreuves. Pourtant, j’ai peur de perdre, l’espace de quelques jours, la liberté de prendre soin de moi. Pour me rassurer, je me promets de garder l’écriture et le yoga pour traverser ce passage. Ils seront mon havre de paix.

Photo prise aujourd’hui, depuis la voiture. Je pourrais regarder ce paysage en continu.

Après cette journée bien remplie, je me sens mentalement fatiguée. Interagir et devoir se concentrer sur les discussions m’a coûté en énergie. Ça valait le coup mais c’est le moment pour moi de me reposer. Avant de passer à ma séance de yoga, je m’asseye. J’ai besoin de faire revenir le calme. J’observe mon corps de l’intérieur. Je crois que mon estomac est encore entrain de digérer le repas du midi. J’apprécie le silence qui m’entoure.

Puis je me lève et décide de simplement m’étirer. Je fais les gestes debout. J’ai le regard qui s’évade dans la nuit, par la fenêtre. L’air est frisquet ou c’est ma peau qui est froide, je ne sais pas. Les mouvements sont lents et rythmés par mon souffle. Je cherche les sensations me permettant d’apaiser mon être endolori. Elles arrivent doucement. Je prends la plus grande inspiration de la journée. En expirant, je lâche prise sur le négatif et m’accapare le bien-être et la gratitude d’exister.

Je me dirige vers la cuisine, saisis un repas et vais m’installer dans le canapé, au chaud. Après celui-ci, des décharges électriques démarrent dans mes mains. Elles partent des poignets pour s’instiller jusqu’à la pulpe de mes doigts. Dès que je cesse de bouger, elles se calment. Malgré tout, je tente des stratégies pour les apaiser. J’étire mes doigts, je ferme les poings. Je les colle même contre la chaleur du radiateur, en vain. Les douleurs sont plus fortes. Je prends un livre que je cale sur mes genoux et tourne les pages avec la plus grande immobilité possible. Je me plonge dans le roman afin d’en oublier le reste. Et doucement, mon corps s’apaise dans les profondeurs du sommeil.

Jour 32

Photo de eberhard grossgasteiger sur Pexels.com

J’ouvre mes yeux avec appréhension. Après mes précédentes péripéties, je me demande dans quelle forme je vais me trouver aujourd’hui. Je fais mes premiers pas, encore endormie et constate une légère fatigue. Ça m’est bien égal, je me sens tellement nourrie par mon exploit que les douleurs peuvent aller se brosser. Elle ne m’atteindront pas. Je boucherais mes oreilles de joie pour ne pas les entendre.

Le matin, j’ai un rendez-vous administratif. Le dernier de l’année, c’est réjouissant.

Une fois libérée de mes devoirs, je pars dans ma cuisine. J’aime penser cette endroit comme un laboratoire d’expériences gustatives. J’ai l’espace de laisser libre cours à mon imagination et de créer au gré de mes envies. Je prépare les derniers présents qui se glisseront sous le sapin afin de ravir les papilles des êtres que j’aime. Entre les ingrédients normaux se glissent de la générosité moulue et de l’amour brut. J’espère rendre aussi heureuse que je ne peux l’être en ce moment précis. Puis, en étant debout, je me rappelle la veille et les sensations vécues. Je souris bêtement en remuant ma préparation. J’arrive rapidement au bout de ma recette et ce n’est pas plus mal.

Je pars m’allonger le temps de charger les batteries pour mieux vivre la suite de ma journée.

En ouvrant les paupières, je saisis mon ordinateur et termine un article. Je me sens productive sans effort. Puis dans un élan de motivation j’enfile mes chaussures et ma veste. J’ai une lettre à poster et autant y aller lorsqu’il fait encore jour.

J’atteins la boite jaune très rapidement malgré les nombreux picotements parcourant mes jambes. A ce moment-là, je prends une folle décision. Je vais profiter de faire un tour dans le quartier, afin d’aérer mes neurones. Il n’y a que ma tête qui est en accord avec ce choix, mon enveloppe corporelle toute entière trouve ça risqué. J’avance, mes ressentiments arrivant de plus en plus jusqu’à mon cerveau. Je tourne à droite, je croise des gens qui, j’imagine, rentrent du travail. J’observe les bâtiments, le ciel couleur bleuet et les nuages qui le compose. L’air est juste frais comme il le faut. Alors que je suis à mi-chemin de chez moi, la réalité me rattrape. Je me demande vraiment ce qu’il m’a prit. J’ai mal et je n’aurais peut-être pas dû m’aventurer ainsi. Ça n’a pas de sens de satisfaire mon esprit si mon corps ne suit pas. C’est une lutte perpétuelle. Soudainement, sous l’emprise de la musique dans mes oreilles, mon regard se pose sur les sommets enneigés au loin. Je vis une sorte de révélation que j’ai du mal à décrire. Le mélange entre la beauté complexe des montagnes que je vois et la musicalité du morceaux que j’écoute fait jaillir un feu d’artifice d’émotions positives. C’est simplement agréable et c’est pour ça que je déambule. J’avais oublié de me laisser surprendre par la simplicité et la magie que la vie peut m’offrir. Je rentre douloureusement légère.

Je m’installe assez rapidement sur mon tapis de yoga avec la certitude de devoir faire le plus doucement possible. Je choisis cet accompagnement qui me semble être le compromis idéal. J’ameute toutes les couvertures de mon salon et commence la pratique. Mes poumons expire encore l’air hivernal et mes gestes sont lents. La séance me fait l’effet d’un massage à l’âme. Je suis complètement alignée dans cette vie qui est la mienne.

Je termine la journée par un repas réconfortant et de la lecture, sous les couvertures. Belle journée de mon quotidien.