Dès que j’ouvre les yeux, quelque chose à changé. Je me lève rapidement, pressée de profiter de cette énergie nouvelle. Après deux jours à chercher le vrai repos, celui qui régénère, le voilà enfin.
Comme un missile à tête chercheuse, je me dirige tout droit sur mon tapis de yoga.
Je pratique les postures avec dévotion, malgré que mes muscles vibrent sous mon poids, je tiens bon. Ma respiration est profonde et sonore. Je m’accorde ce temps pour démarrer la journée et à la fin, lorsque je médite, je me perds dans mes pensées. je songe à tout ce que je pourrais faire de cette journée et à toute ces possibilité qui s’ouvrent devant moi.
Je vais commencer par écrire, remettre au propre mes textes, le tout en avalant mon petit déjeuner.
Puis, je me prépare et sort, j’ai un rendez-vous chez ma thérapeute. Mes pas sont légers, la sensation de déplacement est agréable. En sortant de la séance, je vais chercher une belle brioche (adaptée à mes restrictions, youpi!) à la boulangerie. J’avance d’un pas décidé en destination de chez moi.
Il est bientôt midi donc je me rends en cuisine. J’ai en tête de préparer une recette de pâte à tartiner maison, afin d’accompagner ma brioche, pour le goûter. Pendant que je fais la recette, des douleurs s’éveille dans mes deux jambes. J’alterne les positions et tente de ne pas me focaliser sur le mal. Malgré mes efforts, il devient difficile de tenir debout. Je me dépêche de finir mes préparations et vais m’installer pour manger.
Pendant que je mange mon repas, une armada de douleurs plus vives et désagréables les unes que les autres, débarquent. je ne sais plus comment me tenir pour ne rien ressentir. J’admets, qu’à ce moment précis, j’ai l’impression que ma journée est terminée. Un peu résignée, je vais chercher des anti-douleurs, sans grands espoirs ainsi qu’une bouillotte sèche et vais m’allonger. Je lis quelques pages puis j’octroie la fermeture de mes paupières.
Lorsque j’ouvre les yeux, ce qui m’interpelle c’est ce son continu, en fond. Il n’était pas là lorsque je me suis assoupie. Je me retourne afin de pouvoir observer la fenêtre et identifie la provenance de cette douce mélodie. La pluie est battante et la vitre est assailli d’une multitude des gouttes épaisses. Le spectacle est reposant. Il m’inciterait presque à fermer un peu plus les yeux, enveloppé dans cet environnement réconfortant.
Je scanne les sensations et j’ai l’impression que le mal s’est en allé, me laissant un peu de répit. Ni une, ni deux, je me lève. Je ne sais pas jusqu’à quand ça va tenir cette fois-ci, alors je fonce. J’ai terriblement envie de peindre depuis plusieurs jours. À savoir que si je pouvais, je peindrais bien plus souvent mais cette activité demande beaucoup. Entre la préparation de l’atelier, le rangement de celui-ci, ainsi que le nettoyage des outils et sans compter le fait de peindre tout court. Ces choses peuvent sembler bête, de les compter, mais de mon point de vue, je dois calculer chaque acte afin d’évaluer ma propre énergie. Aujourd’hui, j’admets que je suis encore sous l’effet de ma sieste et des anti-douleurs. Ça ne durera pas éternellement, alors je saisis ma chance. Au passage, je me prends un petit goûté, ma fameuse brioche avec la pâte à tartiner. Un petit régal mais je ne m’attarde pas, je n’ai pas que ça à faire!
J’installe mon matériel, les protections et me voilà, face à ma première toile blanche. Je choisis les teintes et commence à imaginer le procédé. La bulle se forme et s’épaissit autour de moi.

Ma première toile donne un résultat dont je ne suis pas déçue mais elle renferme une histoire. J’ai eu beaucoup de mal à doser les couleurs, les apposer comme je le souhaitais. Jusqu’à la dernière minute, le processus a été chaotique. D’ailleurs, au moment où je l’ai mise à sécher, je n’étais pas encore convaincue. Et finalement, en la laissant de côté, la peinture à continuer à travailler et a révéler sa magie.

Puis, je reprends les teintes de bleus mais décide de prendre du cuivré pour l’agrémenter. Je ne saurais décrire ma passion pour ce jeu de couleurs. Je peux juste dire qu’elle me font vibrer. Je suis hypnotisée par chacune d’entre elles.

J’entame alors ma seconde toile. Le processus est apaisant, aspirant et plein d’incertitudes. Malgré tout, j’ai confiance. Peut importe le résultat, le chemin pour y parvenir est nourrissant. C’est une expérience nouvelle à chaque toile. Comme si c’était la première fois.

Dans ma bulle, il n’y a rien que les couleurs, le bonheur de créer et moi. En commençant cette troisième toile, je penses aux infinités de résultats possibles et me perds dans ce songe. Prise dans la spirale créative, je me laisse porter jusqu’au moment où je ressens que la toile est complète.
Je ne peux pas continuer à faire la sourde oreille. C’est ma dernière toile pour aujourd’hui. En effet, mon corps crie de plus en plus fort. Il me supplie d’arrêter tous mouvements. Il m’implore de l’écouter, de regarder sa souffrance en face. Les douleurs ont reprit depuis un moment, mais portée par la créativité, je n’ai rien vu. Si tôt je ferme les pots de peinture que je suis vivement assaillie par une force me tirant vers le sol. Étant recouverte de peinture, je ne veux rien salir, alors je m’allonge sur le parquet, pour attendre que ça passe. Je reste ainsi de longues minutes et je réunis tous les bouts de moi afin de me relever. Là, c’est bon, c’est officiel. J’ai mal. Je capitule, je plie n’importe comment les affaires et vais m’engouffrer dans la douche. Frotter la peinture est douloureux, je n’en ai pas la force. Je n’ai même pas la force de tenir debout. Je m’asseye, sous l’eau chaude. Mon estomac rejoint la danse et se noue de toutes ces forces. C’est une mutinerie.
Peu sûre de mes pieds, je sors de la douche et vais m’allonger, encore. J’entoure la bouillotte de tout mon corps, recherchant cette chaleur calmante.
Ce soir, je ne fais plus rien. Je laisse mes proches s’occuper de la vie. Je vais me coucher, les yeux encore pleins d’étoiles. Tellement heureuse d’avoir pu peindre et vivre une journée si remplie. Peut importe le prix que je paie à l’heure actuelle, ça valait le coût.