Jour 70 – Météo changeante

Aujourd’hui, la banalité du quotidien me rattrape. J’ai de la lessive à faire et c’est l’activité qui va rythmer ma matinée.

Entre chaque minuterie pour descendre à la buanderie, je m’active. Pendant que la machine tourne, je profite pour avancer de la paperasse, que j’ai repoussé jusqu’à maintenant. Puis, je reprends l’écriture. Je ne cesse d’être coupée par la sonnerie me rappelant d’aller lancer une autre machine. Suspendre le linge est un défi physique, je tente de m’occuper l’esprit par un peu de musique. Et ainsi, la matinée défile, entre écriture et le linge propre.

La satisfaction d’accomplir des choses si simples, me nourrit. La satisfaction d’en être capable.

Je n’ai pas encore pu faire ma séance de yoga et je dois admettre qu’à chaque fois que je croise mon tapis du regard, je ressens un pincement. Ne pas avoir pratiqué dès le réveil me manque.

Lors du repas de midi, la lessive n’est toujours pas finie. J’attends d’avoir pleinement achevé cette corvée pour pouvoir passer à une activité plus récréative.

Dehors, depuis ce matin, les éléments se déchainent. J’ai eu l’occasion de les observer. Il y a eu la brume matinale puis la pluie battante et en continu, le vent balaie l’horizon. Les rafales sont si fortes que j’entends le sifflement continuel. Par moment, le soleil perce les nuages et j’ai même pu apercevoir un morceau de ciel bleu. De courte durée car le vent s’affaire à ne laisser aucune chance à une météo stable. Il règne en maître sur cette journée humide. Au loin, je devine les moutons sur le lac, la mousse blanche produite par les mouvements incessants des vagues. La couleur de l’eau est disparate. Par endroit, elle se veut bleu foncée et à d’autre, elle va du vert gris au vert fougère, intense. Certaines côtes sont brunie. Ce tableau insuffle en moi l’envie d’aller braver le froid.

Lorsque la machine se termine enfin, je suis dans un état approximatif. Je suis heureuse d’être parvenue au bout de ma corvée mais je suis frustrée de m’apercevoir que j’ai des douleurs fracassantes. Elles partent de la pulpe de mes doigts pour atteindre mes épaules et descendre au centre de mon dos. Depuis le réveil, c’est l’escalade douloureuse. J’ai tenté de l’ignorer mais en me rendant sur mon tapis, je suis heureuse d’y arriver mais je suis fâchée d’être dans un état aussi inconfortable que celui-ci. En posant la plante de mes pieds sur le tapis, je suis pessimiste sur mes capacités. Je me dis que la douleurs remplacera le bien-être et que ma séance est déjà gâchée. Et doucement, je m’encre dans la pratique, les postures et ma respiration. Et sans m’en apercevoir, je ne ressens plus rien de négatif. Je suis dans un espace différent. Il est protecteur, bienveillant et puissant. La magie a opéré et je m’en aperçois d’autant plus, lors de ma dernière expiration, avant d’ouvrir les yeux.

Je décide d’aller profiter de prendre l’air. Je m’habille et me lance dans la rue, sans destination précise. Comme d’habitude, la pluie en plus. À la différence que cette fois-ci, je regrette très vite d’être dehors. La douleur reprend plus vivement, ainsi que la fatigue. J’ai l’impression que mon corps entier me tire vivement vers le sol. Comme si la gravité était soudainement plus forte pour moi. Et la frustration revient. Je suis déçue de n’avoir pas pu profiter d’aller dehors lorsque j’avais de l’énergie. Je suis fâchée d’être contrainte de souffrir. Je ne trouve plus l’intérêt d’être dehors. Alors, je fais marche arrière, complètement désemparée par toutes les émotions envahissantes.

Et pendant que mes pensées s’enfonçent plus profondément dans une spirale déprimante de complainte, d’agacement et de déception, quelque chose attire mon oeil. Sur le trottoir mouillé, appuyé contre le poteau, un gros caillou. Il me surprend car d’habitude, il n’y a pas de caillou sur ce trottoir. D’autant plus qu’il est d’une belle taille et je me demande donc comment il est arrivé-là. Plus je m’en approche, plus je m’aperçois qu’il y a autre chose d’étrange. Arrivée à sa hauteur, je marque un arrêt et observe.

Fantastique

Et soudainement, je me mets à penser que c’est un signe de l’univers. Je m’imagine que le destin a décidé de me remonter le moral. Comme si le destin voulait que je n’oublie pas que la vie, malgré tout, c’est fantastique.

Je souris.

Je continue ma route, le coeur plus léger et acceptant de devoir rentrer pour me reposer. Cette fois, je ne suis plus fâchée. Quelques mètres plus loin, je trouve une autre pierre.

Formidable

Je marque encore une fois un arrêt, avec la curiosité de lire le mot. J’ai l’impression de participer par hasard, à un jeu. C’est formidable et je suis émerveillée par la magie de ce moment.

Magique

Et au troisième et dernier caillou que je rencontre, je suis reconnaissante envers la personne qui m’a fait vivre ce moment magique. Je ne pense pas que cette personne ait conscience qu’elle a fait basculer mes émotions et m’a allégé d’un poids. J’avais juste besoin d’un signe pour tout lâcher et pouvoir avancer vers mon bien-être. Alors, même si elle ne le saura jamais, je l’en remercie. Ces trois petits mots, si bien choisis, ont peint un doux sourire sur mon visage. Mais surtout, ces trois grosses pierres, m’ont fait réalisé que j’avais oublié d’apprécier le plus simple. Pendant quelques heures, je m’étais laissée happée par la négativité et je ne savais plus savourer toute la richesse de ma vie.

En rentrant, mes douleurs n’ont pas disparu. Elles sont si vivaces qu’elle me font douter. Comme si c’était pire que d’habitude et qu’au fond, je n’avais jamais vraiment eu mal. Pourtant, je sais que c’est faux. Déterminée à retrouver un peu de bonheur, j’enclenche le diffuseur et choisis un mélange d’huiles essentielles d’orange douce et de lavande. Dans cette ambiance parfumée et apaisante, je prends ma liseuse et m’allonge. Mon corps se relâche et je parviens à faire abstraction des sensations. Calme et réconfortée, c’est ainsi que je vais passer le reste de ma soirée.

Jour 68 – Lâcher prise

« Parfois, lâcher prise est un acte plus puissant que se défendre ou s’accrocher.  »

— ECKHART TOLLE

Le matin, je commence par ma séance de yoga. En parallèle, des vidéos, je commence aussi à pratiquer sans être guidée, un peu chaque jour afin de m’y habituer et d’apprendre. L’idée de pratiquer seule, sans guide m’a parue de prime abord assez effrayante puis, une fois sur mon tapis. Je me rends compte que simplement en m’accordant l’opportunité de me faire confiance, j’en suis capable. Je sais les mouvements et les enchaînements mieux que je ne le penses. C’est une agréable découverte qui me conforte dans mon choix. Au fond de moi, j’ai le souhait secret (plus si secret désormais) de continuer une pratique quotidienne aussi longtemps que je le pourrais.

Après ce moment de bien-être, j’ai prévu de passer la matinée en cuisine avec ma famille. Nous allons réaliser des raviolis maisons. Au début, l’atelier est un peu brouillon. Le temps que nous trouvions nos places respectives et doucement, une petite usine se met en place. Nos mains s’affairent à plein régime. Dans la cuisine, il règne une ambiance bonne enfant mais productive. Entre deux façonnages de raviolis, une bataille de farine s’invite. C’est un moment léger qui me fait oublier les contraintes de l’activité. Je ressens que la force et la dextérité que j’utilise s’amenuisent rapidement. Je tente de faire bonne figure mais en réalité, à l’intérieur, les sensations sont de plus en plus désagréables. Je tiens le coup jusqu’au moment de la délivrance, passer à table. Ensemble, nous savourons ce plat dans lequel, nous avons glissé beaucoup d’amour.

En début d’après-midi, je rentre chez moi. Je me sens simplement heureuse mais épuisée. Je vais m’allonger car j’ai l’impression que je pourrais dormir. Malheureusement, il n’en est rien. Malgré tout le sable que j’ai dans les yeux, les paupières n’arrivent pas à se fermer définitivement. La fatigue m’angoisse. Je suis heureuse d’avoir pu passer cette belle matinée mais j’avoue qu’aujourd’hui, ça m’ennuie de ne pouvoir profiter que d’une demie journée de vie. J’aurais aimé que mes limites soient plus grandes. Il y a aussi les restes de la veille avec l’appréhension de faire de mauvais choix concernant ma santé. Je n’aime pas décider de choses si importantes. Comment savoir ce qui sera bon pour moi? Personne ne le sait. Je dois continuer de digérer avant de prendre ma décision finale. J’ai besoin de recule. Et je crois qu’au fond, malgré toute la positivité dont je sais faire preuve au quotidien et fasse aux situation difficiles, j’ai parfois le droit de me laisser me morfondre. Ça ne fait pas de moi quelqu’un de moins fort que d’habitude. J’ai simplement besoin de temps pour encaisser, comme tout le monde finalement. Ça ira mieux demain.

Je passe donc l’après-midi, sous le duvet épais. Demie consciente.

En fin de journée, je tente de me motiver pour écrire. Hier, c’était difficile et j’ai à peine noté mes idées.

Je m’aperçois qu’aujourd’hui, ce n’est pas mieux alors je lâche prise. Je m’accorde la possibilité d’être ce que je suis. Je ne suis pas bien. Je suis malade et ça fait parti de mon quotidien. J’admets que j’aurais aimé un peu de répit car lorsque les crises s’enchaînent, la crainte qu’elles ne s’arrêtent jamais s’ajoute. Alors, je lâche prise. Je laisse tomber l’idée d’être bien, de devoir produire quoi que ce soit, je laisse mon esprit aller à toutes les pensées, sans filtre. J’accepte cette situation, car je ne peux rien y changer. Et ainsi, c’est le mieux que je puisse faire pour avancer. Je laisse le poids de tout cet inconfort prendre la place dont il a besoin, pour mieux m’en décharger par la suite.

Ce soir, je suis sur pause et ce n’est pas grave.

Jour 67 – Piqûre de rappel

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Comme tous les matins, sitôt debout, je me dirige vers le tapis de yoga.

Ce matin, la séance a un goût particulier. J’ai énormément de mal à calmer le vacarme interne. Je bouillonne et tente de faire avec. Je me sens stressée par la journée à venir, en particulier le rendez-vous que j’ai dans peu de temps. Alors, ma respiration m’échappe. Me focaliser sur mon corps, comme je le fais chaque jour est presque impossible. Malgré tout, je ne suis pas tentée d’abandonner. Je sais que c’est un apprentissage et que ma pratique n’est jamais la même. La séance idéale de yoga n’existe pas et surtout, dans les difficultés, il y a tout de même du bon à en tirer. À la fin de celle-ci, je me sens tout de même mieux que lorsqu’elle a débuté.

Après la séance je me prépare et sort.

Aujourd’hui, j’ai un rendez vous plutôt important concernant l’une de mes maladies, la plus handicapante d’entre elle. Nous faisons le bilan et un nouveau traitement de fond m’est proposé. Il ne va pas me guérir, car c’est impossible mais peut-être, je pourrais gagner en confort de vie. Bien évidemment, comme tous traitement, il y a des effets secondaires. Les prises de sangs sont faites et je sors du cabinet avec milles questions.

J’ai besoin d’être rassurée. Ce n’est pas nouveau pour moi d’être malade, je ne viens pas d’avoir le diagnostique, mais d’avoir un rappel aussi concret que celui-ci, me remet face à ma propre réalité. Devoir prendre une décision avec autant d’impact potentiellement négatif pour peut-être ne rien ressentir de positif, c’est angoissant. De plus, je suis jeune et j’en ai pour toute ma vie avec les traitements, je ne suis pas sûre de vouloir gaspiller une cartouche si vite. Et d’un autre côté, si il fonctionne sur moi, j’admets que je ne dirais pas non à gagner en qualité de vie. En plus, cela veut dire que le traitement actuel ne donne pas d’effet et c’est un échec dont je ne suis pas responsable mais c’est un échec. C’est compliqué. J’ai besoin de digérer.

Instinctivement, je me dirige vers la maison familiale. Passer un peu de temps avec mes proches, c’est tout ce dont j’ai besoin. Rien que de voir leurs visages m’apporte du réconfort. Encore une fois, ils m’enveloppent d’amour et de soutien et je ne peux qu’être reconnaissante de les avoir. Je n’imagine pas comment je pourrais affronter tout ça, sans eux.

Après le repas, je me lance dans mes projets de couture. Et je laisse défiler le temps indéfiniment. J’ai besoin d’être distraite et de fuir un peu cette réalité peu réjouissante. Je ne broie pas spécialement du noir mais je sens qu’une instabilité émotionnelle est présente. Et je pense que c’est normal. Elle m’enlace et je me laisse faire. Je sais que ça fait parti du processus.

En fin de journée, j’ai besoin d’étirer ce corps qu’est le mien. Je me suis beaucoup crispée. Je passe rapidement par mon tapis de yoga et une fois que j’ai terminé, je me mets à écrire.

Étrangement, je n’ai pas les mots. Comme si je voulais fuir la confrontation. Et puis, comme j’ai cousu toute l’après-midi, mes mains sont usées. Je griffonne mes idées et abandonne d’y mettre la forme.

Pour m’endormir, je me réfugie dans la lecture. Elle me permet de ne pas trop ruminer et de sombrer dans le sommeil avec la certitude qu’au font, tout va bien.

Jour 61 – Savourer

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Le réveil sonne et pour ne pas changer une équipe qui gagne, mon corps endormi et moi-même, nous nous rendons sur le tapis de yoga. Dehors, le soleil se lève, timidement. Je me sens à l’aise dans mes mouvements, ils sont fluides et je parviens à faire le vide de plus en plus rapidement. Arrive une posture me demandant, si j’en ai l’envie et la possibilité, de me mettre sur la pointe des pieds. Et sans m’en apercevoir, je me lance. Certes, je ne peux pas tenir la posture, j’y accède tout juste mais j’ai essayé. Ce n’est qu’à la fin de la pratique que je m’en rends compte. Pour remettre un peu de contexte, il y a un an, me mettre sur la pointe des pieds, pour attraper quelque chose, par exemple, c’était inenvisageable. J’étais trop faible, et cela impliquait une souffrance sans limite. Il y a deux mois, me mettre sur la pointe des pieds, j’y pensais quinze fois et puis je me disais que c’était mieux pas, je n’en étais pas capable. Et voilà que désormais, il n’y plus de limites. Alors, la douleur est toujours là mais j’ose enfin la défier. Et j’avoue, j’ai eu mal mais rien d’insurmontable. C’est une petite victoire pour entamer une belle journée.

La matinée passe à une allure folle. J’enchaîne entre les rendez-vous et les petites choses à faire. Je me déplace avec facilité et détermination. Et dans mes pensées, je ressens une profonde gratitude d’arriver à jongler avec autant de choses dans un laps de temps si restreint. J’avais accepté cette nouvelle vie, faites de choix et de contraintes en me contentant du plus important. Cependant, c’est un bonheur sans fin de pouvoir vivre un peu plus, comme avant. Je suis très lucide malgré tout, je sais que rien est acquis et que demain est un autre jour. Alors je savoure aujourd’hui.

Aujourd’hui, je savoure le repas que j’ai eu du plaisir à réfléchir, me procurer les ingrédients puis concocter.

Aujourd’hui, je savoure le rayon de soleil qui me salue, simplement.

Aujourd’hui, je savoure lorsque mes doigts défilent sur le clavier, laissant une trace de cette folle aventure qu’est la vie.

Aujourd’hui, je savoure chaque mouvement, peut importe la douleur.

Aujourd’hui, je savoure d’arriver à remplir mes obligations sans me laisser déborder par le stress de l’inconnu.

Aujourd’hui, je savoure les moments de repos que je m’octroie, sans les voir comme une punition.

Aujourd’hui, je savoure les instants passés avec mes proches, entre confessions et paroles légères.

Aujourd’hui, je savoure cette fatigue dont je connais la cause et que j’accueille avec joie.

Aujourd’hui, c’était une belle journée pour savourer le goût de la vie.

Jour 54 – Vide

Réveil difficile. Nauséeuse, douloureuse.

Il est encore tôt, l’obscurité par la fenêtre me le confirme. Je me lève, résignée car le sommeil n’a plus rien à m’offrir. Je me persuade de ne pas réfléchir et avance automatiquement en direction de mon tapis de yoga. Je suis mise dans le bain de cette journée bien rapidement, tellement que je ne ressent rien de spécial. Je suis encore endormie. La seule chose qui est sûre, c’est que lorsque la vidéo se termine je n’ai plus la nausée. Je me félicite d’en être arrivée là. Je suis passée au-dessus des contraintes physiques et me suis accordé ce temps.

Plus tard, je suis entourée de ma famille. Je ne suis pas spécialement en forme. Alors je suis simplement heureuse d’être bien entourée et de traverser la tempête avec eux.

Je n’ai rien fait aujourd’hui. Rien. Le vide.

Je ne ressens aucune culpabilité. Je ne suis pas non plus triste. C’est un jour comme ça.

Je dois ajouter que j’ai tout de même réussi à me nourrir correctement malgré tout. Je ne perds pas le nord.

Je repense beaucoup aux derniers jours que je viens de vivre. Je suis tellement épatée et reconnaissante de pouvoir vivre.

J’en profite pour vous partager ce petit moment volé, l’autre jour. C’était fabuleux. J’adore le revoir et l’écouter. Ça me replonge dans ce joli matin hivernal.

Je ne peux que me réjouir des prochains jours.

Jour 53 – Espérer

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Je sors du sommeil avec l’appréhension. Je me suis endormie heureuse mais épuisée et douloureuse. J’ai peur de découvrir ce qu’il m’attend pour la journée. Je tourne sur le côté et me redresse, doucement.

Surprise. Je ne me sens pas aussi mal que je l’espérais. Je me mets debout et mes jambes tiennent le coup. Je les félicite et file vivre mon rituel matinal. Tisane, tapis de yoga et je commence la séance. Aujourd’hui, les postures s’enchaînent rapidement, mon souffle s’accélère et mon corps produit de la chaleur. Ça tire un peu dans mes jambes mais ce n’est pas grave, je tiens bon.

Pendant mon petit-déjeuner, je songe à ce que j’ai envie de faire. Envie de créer, de travailler de mes mains. Je réfléchis et l’idée me vient. Je vais faire un peu de couture. Je vais chercher le tissu, le fil et les aiguilles. Je passe ma matinée à coudre, à la main. C’est apaisant. Par moment, je jette un oeil à travers la vitre. Il fait gris aujourd’hui. J’envisage d’aller prendre l’air, un peu plus tard.

Lorsque je suis satisfaite de ma couture du jour, je range le tout et vais en cuisine. Il est déjà midi et mon ventre réclame son dû. Pendant que mon repas chauffe, la météo change. De minuscules particules flottent dans les airs. Puis, cela s’arrête. Il menace clairement de neiger mais la météo est indécise. Je vais manger, laissant le temps au temps de se décider.

Pendant que j’absorbe mon plat, je m’aperçois que la fourchette devient lourde. Mes bras se sont ankylosés, subitement. Et petit à petit, c’est tou mon corps qui suit le mouvement. Ma mâchoire travaille difficilement. J’arrive avec peine à manger les derniers morceaux. Je pose mon assiette et m’allonge dans le canapé. Mes yeux brûlent et la lumière devient pénible. L’abattement s’installe et je ne peux que le constater. Ce n’est plus le moment de lutter mais d’accorder le repos. Je clos mes paupières.

Plus tard, j’ouvre les paupières, péniblement. Je constate les dégâts. Je ne sais pas comment je vais pouvoir ne serait-ce que lever un doigts. Auparavant, j’aurais cherché les causes de mon état. J’aurais voulu comprendre ce que j’ai fait de faux. Heureusement, depuis, j’apprends que je ne fais rien de faux. Je ne peux m’en vouloir de vivre et d’en profiter au maximum. Parfois ça passe, parfois ça casse. Je n’ai qu’à attendre le prochain tour de manège. Je passe l’après-midi, avec cette sensation écrasante de fatigue pourtant, lorsque je ferme les yeux, je ne dors pas. Je suis coincée dans ce corps ressentant la faiblesse et les douleurs. Par chance, d’où je suis, je peux regarder par la fenêtre.

Dehors, la neige est enfin tombée. Je prends énormément de temps à l’observer. Au fond de moi, j’ai tellement envie d’aller piétiner cet matière grumeleuse et éphémère. La couche se fait de plus en plus épaisse et même quand la nuit tombe, l’horizon est illuminé par le manteau blanc.

Le soir, j’écris un peu, sans trouver de position acceptable. Je vais droit au but. Je lâche prise sur mon état.

Je suis heureuse d’avoir pu coudre. Je tente de ne pas nourrir trop d’espoir pour demain, même si au fond, je l’admets, j’espère avoir la possibilité de fouler la neige.

Jour 48

Ce matin, réveil douloureux. J’entends les douleurs mais je ne veux pas les croire. Je ne veux pas entendre ce qu’elles disent. Elle murmurent que la journée commence mal. Elle insuffle une difficulté supplémentaire. Je dois réunir toute la motivation du monde pour me tirer du lit. Me voilà debout.

Je rejoins la voix d’Adriene, sur mon tapis de yoga. J’ai pris goût à la séance en pyjama. Je peux garder la sensation d’être encore entrain de dormir. La séance travaille énormément les abdominaux. Les miens sont loins d’être en béton mais comparés aux exercices me demandant d’être debout, j’éprouve moins de difficultés. Ou surtout, beaucoup moins de douleurs dans cette zone. Enfaite, lors des autres séances, il faut que je distingue la difficulté normale et la combinaison douleurs/difficultés. En effet, j’ai à la fois mal et à la fois, moins de facilité qu’avant. En tout cas, de ne pas faire de posture douloureuse me rend confiante. Et toutes ces respirations prises consciemment font définitivement taire la petite voix sournoise que j’avais dans la tête, lors de mon réveil.

Je me rends à un rendez-vous médical. En sortant, le soleil dépose un bisou sur mon front. Il fait beau. Le ciel est bleu, il ne manquerait plus que les oiseaux chantent. La température de l’hiver se bat avec le soleil pour rester négative. Cet environnement m’invite clairement à en profiter. Je me sens fatiguée. Je sens mes membres sans énérgie mais je ne suis pas très loin du lac. Par un soleil pareil, c’est cruel. Je tergiverse quelques minutes. Aller me reposer ou regrouper mon énergie et prendre plus d’air. Seconde option pour moi. J’en ai réellement envie. Je ne veux plus frustrer mon esprit. Malgré le froid, c’est comme si je rattrapais tous les mois où je ne pouvais plus bouger un doigt. Le soleil, l’air, le vent, les odeurs, et tant d’autres, autant d’éléments qui m’ont manqués.

Arrivée au bord du lac, je suis éblouie. C’est merveilleux. La promenade est presque désertique. Quelques enfants jouent, nourrissent les canards. Quelques badauds font comme moi, ils déambulent. Vers les quais, l’eau semble calme, le vent est muet. Il fait glacial, réellement. Mais les rayons jaunes me réchauffe le visage, l’âme. Plus loin, l’ambiance est différente. Je vois la réelle nature de l’eau. Il y a des vagues dignes de la mer. Aucun bateau ne navigue pourtant, c’est l’oeuvre du vent. L’eau gesticule, fait de grands mouvements. Ça crée un rythme apaisant. Les vagues se jettent à corps perdu sur les rochers, donnant le tempo. Et le vent souffle sur moi, à m’en faire perdre les doigts. Je suis émerveillée par tous ces détails. Il y a tellement de belles choses à percevoir, ressentir et observer. C’est une infinie ressource. Je m’installe sur le rebord en pierre. C’est froid sous mes fesses mais mon coeur est chaud. Je suis au centre de ce magistral spectacle. Je n’ai pas de mots. Je ressens des vibrations lorsque les vagues frappent les rochers. Les gouttelettes volent et scintillent dans les airs. Le reflets sont si puissants que j’en plisse les yeux. Par moment, le vent me contraint à clore mes paupière pour éviter aux larmes de tomber. Je reste là. J’écoute cette musique saisissante. Je suis aveuglée. Je ne me lasse jamais du lac. Je ne saurais pas l’expliquer. A toutes les saisons, il sait m’épater et m’apporter ce dont j’ai besoin. Je suis reconnaissante d’avoir ce point énergétique si puissant, prêt à me porter dans les épreuves de la vie. Je ne pense à rien. Je laisse l’eau nettoyer mon esprit.

Pssst! Le son de l’eau est disponible ici.

L’inévitable arrive, je rentre.

Je me prépare un repas et je ne le sais pas encore, mais c’est la dernière activité que je fais aujourd’hui. Lorsque mon ventre est satisfait, je m’aperçois que mes membres sont devenus lourds. Sur mes épaules, un poids envahissant se pose. J’ai de plus en plus de mal à comprendre ce qui m’entoure. Le temps passe ou plutôt, je le laisse passer. Chaque geste devient un véritable effort. Allongée, même me retourner me coûte. Je fonds dans la lourdeur de l’inaction. J’attends. La nuit tombe et avec elle, je perds du terrain. Je navigue en plein brouillard, ne trouvant plus comment associer mes pensées aux mots. Je ne sais plus utiliser la parole. Je bégaye. Je ressens l’épuisement, les douleurs et doucement, la faim. Je n’ai pas la force de cuisiner, je n’ai pas le choix de décider quoi manger. Je ne sais plus. Je prends de longues minutes pour arriver dans la cuisine. Réussir à me baisser pour prendre un repas dans le congélateur. Je remercie mon moi du passé d’avoir congelé des plats, tout prêts, en prévoyance des jours compliqués. Ainsi, je continue mon engagement de bien me nourrir.

Mon état d’esprit est paisible, je patiente que l’orage passe. J’accepte le sort et attend mon tour, pour revivre. Je regarde dans mon téléphone, les images prises plus tôt. Beaucoup de reconnaissance d’avoir vécu ces moments riches. Puis je tente d’écrire. Vu mon état, c’est comique. Je décide de noter quelques mots clés et me promets de faire le reste demain, de rendre honneur à cette belle journée qui s’achève.

Jour 46

Cette nuit, j’ai cauchemardé. Je me suis fait une théorie à ce propos. Je constate que bien souvent, en me réveillant d’un mauvais rêve, je suis criblée de douleurs. J’ai l’impression que dans mon sommeil, mon corps perçoit ses sensations négatives et qu’il tente de m’en faire prendre conscience en me réveillant, par le biais d’un cauchemar. Comme ça, je peux me lever et tenter de faire quelque chose pour soulager le mal. C’est ainsi que j’explique les mauvais rêves douloureux. C’est sûrement plus simple d’encaisser cet épisode désagréable avec cette explication.

Pendant que je songe à ma petite théorie farfelue, je prépare mon petit-déjeuner.

Je réserve ma séance de yoga à plus tard et m’attaque à la lessive. Entre deux machines, j’avance les choses qui doivent être faites. La simplicité du quotidien m’accompagne et nous avançons jusqu’au douze coups de midi.

Je décide de me récompenser pour tout ce que j’ai déjà accompli aujourd’hui, par le yoga. Après la nuit que j’ai passé, j’accueille ce moment avec bonheur. La séance ne me pose pas de difficultés et c’est suffisamment agréable pour le noter. Ma lente respiration est bénéfique. Ce moment est la parenthèse dont j’avais besoin. Elle me fait sentir réellement là, bien dans mes chaussettes.

Après le repas, je décide de préparer du pain pour ce soir. J’enclenche la musique et c’est aussi l’occasion de profiter d’une des choses que je préfère. Je peux chanter. J’apprécie ce genre de moment où mes mains sont occupées, ma voix résonne dans la cuisine et mon esprit se sent libre. Je n’ai pas la prétention d’avoir un quelconque talent. Tout ce que je recherche, c’est les notes qui me font vibrer de joie. De plus, allier ma passion pour la cuisine et la musique en un seul et même moment, c’est doublement gagnant. Il n’en faut pas plus pour dessiner un large sourire sur mes lèvres.

Pssst! Voici mes petits pains. Ils sont à la farine d’épeautre. Miam.

Lors que je sors de ma cuisine, j’ai une idée en tête. J’aimerais aller acheter un nouvel aliment, du souchet. Alors, je pars à la recherche de celui-ci. Entre deux boutiques, l’air est glacial. Je regrette de ne pas avoir pris d’écharpe. Je cache mes mains dans mes poches et j’avance, mon objectif en tête. Je suis tellement focalisée sur ma mission, que j’observe très peu ce qui m’entoure. Et mes efforts paient. Après plusieurs magasins, je finis par trouver. Je m’empresse de rentrer car j’ai une petite idée de ce qui va composer mon goûter!

En arrivant, je me lave rapidement les mains et saute sur le paquet que je viens d’acquérir. Je prends une petite noix entre mes doigts et la glisse dans ma bouche. C’est croquant et un goût entre la noisette et la châtaigne se dévoile. J’en reprends une. Je mâche. Quel plaisir. Mon sourire s’élargit. Je n’ai pas mangé de fruits à coques depuis bien longtemps et ce croquant me manquait terriblement. Je suis ravie d’avoir trouver un nouvel aliment à ajouter à mon panel. Ça m’encourage d’autant plus à cuisiner. J’ai envie de tester plein de recette avec le souchet. Je le conseille aux curieux.

Le soir venu, je m’installe confortablement pour écrire. Aujourd’hui, c’est plus simple. Les mots apparaissent, prêts à être transcrits. Mes idées sont claires et je sens dans la rapidité de mes doigts, que je dois ralentir si je ne veux pas provoquer la douleur. Je suis tellement heureuse de pouvoir écrire chaque jour, des bienfaits que cela m’apporte que je n’imagine plus ma vie sans. Alors je veux bien ralentir la cadence, si cela me permet de tenir sur la durée. J’achève de compléter mes pensées et vais me coucher. Le coeur léger.

Jour 39

Le soleil finit toujours par briller.

Le début de journée est un gros brouillon. Je prépare et avale mon petit déjeuner sans conviction. Je ne suis pas réellement sûre d’être réveillée. Mes gestes sont lourds. Je m’enfonce dans l’épuisement.

J’admets, qu’aujourd’hui, ça touche mon moral. J’étais optimiste et résiliante mais ça c’était hier. À l’heure actuelle, ça m’affecte. Je suis frustrée d’être impactée par cet abattement. Je l’observe et le voit s’installer depuis plus de vingt-quatre heures et j’ai désormais peur que ça ne reste à jamais. C’est irrationnel et je le sais. L’expérience m’a déjà montré que cet abattement ne dure jamais. Pourtant, j’ai toujours la trouille que cela change.

L’idée de me mouvoir reste à ce stade. C’est joli mais les mouvements ne suivent pas. Je ne sais pas comment me sortir de ce tourbillon tumultueux d’ennuis. Je ne sais plus comment accepter encore et encore cet état. Je ne suis pas révoltée mais complètement résignée. J’attends.

J’attends d’avoir accumulé suffisamment d’énergie pour émettre une pulsion de vie.

Même l’écriture est maladroite. Mes doigts gesticulent dans le désordre et mes pensées sont incertaines. Je ne comprends rien à cette réalité fatigante. Je temporise, peut-être que ça passera.

En fin de journée, une main m’est tendue. Un soutien moral et physique pour m’accompagner prendre l’air. J’y vais sans conviction. Je me prépare avec pesanteur et maladresse. C’est difficile. En sortant, je m’aperçois que ce matin, je n’ai pas prêté attention au temps du jour. Il est aussi mauvais que mon état. Pluie, grêle, vent et nuages de toutes les teintes. La météo tient à s’exprimer. Arrivés au bord du lac, je respire pour la première fois de la journée. Les nuages laissent place à un rayon de soleil. Il m’apporte une lueur d’espoir. Je décide de laisser là, près de l’eau agitée, toute cette spirale négative. Je coince mes douleurs, mon humeur dans les chaussettes et ma fatigue entre les rochers. Je n’ai besoin de rien de tout ça.

En rentrant, je me sens réconfortée. La vie reprend malgré la fatigue et et les peines. L’optimisme aussi se remet en marche.

Jour 22

C’est un réveil dans la douceur. Sans sonnerie alarmante. Je savoure cette chaleur reposante, dans mon lit. Je suis affamée.

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Je prends le temps de me préparer du pain perdu, agrémenté de cannelle et de baies. C’est délicieux. Je n’ai pas encore regardé l’heure et je décide de continuer ainsi. Mon objectif du jour, prendre soin de moi et me détendre.

Je m’installe sur la grande table et décide de fabriquer mes cartes de Noël. J’apprécie les activités créatives. En effet, je peux laisser libre cours à mon imagination et m’exprimer ainsi. Pendant la création, j’imagine le plaisir qu’auront les personnes qui découvriront mes cartes. Cela me motive d’autant plus. J’aime prendre soin de mon entourage et leur faire plaisir. Pour moi, il n’y a rien de mieux que d’offrir de mon temps. En fond, j’ai mis un film dans l’ambiance des fêtes. Cela m’inspire les couleurs et les motifs.

Au bout d’un temps, mon ventre me fait signe. Je me fie à mes sensations et range mes bricolages pour aujourd’hui.

Je passe l’après-midi dans la lenteur. Je suis contemplative. Je me repose. C’est tout ce dont j’ai besoin.

Le soleil se couche et dans l’optique de me faire du bien, je m’installe sur mon tapis. Aujourd’hui, la pratique est plus coriace. Je respire, je transpire. Je ne lâche pas les postures malgré les tremblements. Je me sens forte. J’affirme, je suis forte.

Je suis heureuse de vivre cette journée où je me permets d’aller au plus près de mes envies et de mes besoins. Suivant cette idée, je n’ai pas spécialement envie d’écrire. Je prends donc congé et ce, sans aucun remords.

C’est une belle journée.