Jour 60 – Au bon endroit, au bon moment

Se frayant un chemin entre les bâtiments puis les arbres, le soleil parvint tout de même à atteindre mon front pour y déposer l’un de ses doux rayons.

Je sors du sommeil paisiblement. La nuit fut longue et favorable. Et c’est revigorée que je me lève et avance vers mon tapis. Comme je le disais hier, je n’attends que ça, dès mon réveil.

La voix d’Adriene fait désormais partie de mon quotidien et je l’écoute les yeux fermés. Elle guide mes gestes avec précisions et aujourd’hui encore, la séance se fait plus longue que la veille. Cette pratique commence en douceur et de manière insidieuse, des postures offrant plus de défis font leur apparition. Je les appréhende avec confiance et me lance, intrépide. Je n’ai pas peur d’échouer.

Après ma séance, une idée rôdait dans mon esprit depuis quelques semaines. J’ai envie de faire le tri dans mes vêtements, de me séparer de ce que je ne porte plus. Je m’exécute.

Vers midi, les choses avancent et je décrète le besoin d’une pause.

Je me prépare un repas et profite de ce moment de calme pour reprendre des forces.

Ensuite, je continue le rangement. C’est physique. Déplacer les tas de vêtement, me baisser souvent, je le sens, ce n’est pas simple. Je persévère car faire le tri m’apporteras un espace de liberté dans mon organisation qui ne sera pas de refus. Pourtant, vers quatre heure, j’observe le soleil brillant, à travers la fenêtre. Je me sens fatiguée au point de dormir mais je n’en ai pas envie. J’aimerais arriver au bout de ma quête. Je ne fais que de m’asseoir et je suis au point mort. Alors pour conjurer le sort et me remotiver, je décide de m’octroyer un moment plus fun.

Je vais dehors. Je reprends le même chemin qu’hier, voulant découvrir les possibilités. Dans le parc, le soleil vient me chatouiller, en passant entre les arbres. Je le prends comme une confirmation de l’univers, je suis au bon endroit, au bon moment. Cette pause de nature est ce dont j’avais besoin. J’immortalise le moment.

Puis je rentre, d’un pas décidé à finir ce que j’ai commencé. Aussitôt je passe la porte que je finis le rangement de mes armoires. Puis je remplis des sacs d’habits à donner, ils rendront quelqu’un d’autre plus heureux que moi et pour les vêtements trop usés, je les mets dans ma boite à couture.

J’ai mérité de pouvoir aller me poser un petit moment. Je décide d’utiliser ce temps pour l’écriture. En fond musicale, je mets du Chopin, c’est un de mes compositeurs préférés. Les mots défilent presque en rythme. Plongée dans ma bulle, je ne vois pas le temps qui défile et c’est mon estomac qui me rappelle à l’ordre. Les gargouillis sont vifs et autoritaires. Alors, je me plis à la demande vitale et me dirige vers la cuisine pour me sustenter.

Plus tard, au moment d’aller me mettre au lit, j’aperçois une lueur vive à travers la fenêtre. Une demie lune est suspendu juste en dessus de la pointe la plus haute de la cathédrale. Elle rayonne dans l’obscurité, offrant sa beauté à quiconque souhaiterait l’observer. Je vole cet instant à la nuit et vais me coucher, le coeur léger.

Jour 57 – À cent à l’heure

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J’émerge, la tête pleine de sommeil.

Ce matin je dois me rendre à la poste, de bonne heure. C’est le week-end et je ne souhaite pas me confronter à l’ébullition de la ville. Je m’habille et avale un rapide petit-déjeuner.

Arrivée dehors, le froid recouvre mes joues. Paraît-il que c’était l’une des nuits les plus froides de la saison. Je me fais toute petite dans mon manteau, afin d’être protégée. En marchant, j’analyse mes muscles et leurs sensations. J’oublie les douleurs de la veille et me défie de vivre comme si de rien n’était. D’un pas assuré, j’avance vers l’enseigne jaune. Sur la place, le marché et ces effluves sont de sorties. Je n’ai besoin de rien mais j’observe attentivement, de loin, les couleurs des légumes sur les étendards. Je remplis mes narines de toutes les odeurs. C’est un joli spectacle. Je rentre enfin dans la poste et à ma grande surprise, elle est vide. Tout le monde dort encore. Mission accomplie.

Je rentre, mon esprit est apaisé. Je peux désormais me consacrer à faire ce qu’il me plaît.

En arrivant à la maison, je profite de mon énergie pour ranger un peu le fouillis accumulés ces derniers jours. En période de crises, j’en fais évidemment le moins possible et forcément, le désordre s’installe. Heureusement, je ne lui laisse jamais l’opportunité de s’installer définitivement.

Puis, vient mon moment de plaisir, le yoga. Je m’installe sur le tapis, les muscles encore chauds de ma matinée. Je m’encre dans la pratique avec facilité et elle m’amène tout ce dont j’ai besoin. Je remercie mon corps de me le permettre. Depuis que je pratique, je me rends compte du changement global qui s’opère. Sur ce tapis, je développe tellement de belles qualités telles que la patience, la douceur, la discipline, l’indulgence, la confiance mais aussi, la force (mentale et physique), la clarté, la vitalité, l’acceptation et bien d’autres. Et peut-être que certaines choses étaient déjà là mais enfouies par la vie, au plus profond de moi. Aujourd’hui, je me rends bien compte que je vis de plus en plus, dans le moment présent et que je suis globalement plus heureuse. Et pourtant, je crois ne jamais m’être sentie profondément malheureuse. Malgré les aléas de la vie, j’ai toujours gardé cette positivité qui me caractérise depuis l’enfance. Pourtant, le yoga me permet de raviver cette flamme.

Après cette séance, plus que bénéfique, je suis en condition idéale pour écrire. Je n’ai pas réellement eu la possibilité d’écrire durant les jours précédents, je vais remédier à ça. C’est le cerveau bouillant que je noircis la page. Je dois admettre, ça m’avait manqué. Cet instant d’introspection, de gratitude et de retranscription avait laissé un vide. Alors, mes doigts se déchaînent et je vide toutes mes pensées. Je m’aperçois que s’en est devenu un besoin. Autant que pour le yoga, l’écriture me permet de tenir le cap. Peu importe si ce que je dis n’a aucun intérêt, peu importe si personne ne lit. J’avance vers mon ambition d’un bien-être quotidien, simple et facilement cultivable. Je n’ai pas besoin de gravir une montagne chaque jour pour être heureuse. J’ai vidé ma tête et désormais, je me sens prête à passer à la prochaine étape de ma journée.

Je n’ai pas encore prévu la suite mais mon ventre me met sur une piste. Il gargouille. Je vais dans la cuisine et demande à mon frigo que faire. Évidemment, il ne répond pas, c’est un frigo. Je demande alors à mon estomac mais lui aussi reste mutique. Forcément. Je demande à mes jambes ce qu’elles en pensent. (Promis je suis saine d’esprit, je crois.) Et figurez-vous qu’elles me répondent. Elles m’expliquent qu’elles ont encore de l’énergie pour être debout, elles sont d’accord de me porter pour que je puisse cuisiner. Elles me soufflent de profiter de cette configuration pour préparer un peu plus de nourriture, pour les jours difficiles.

J’obéis. La décision se fait rapidement, concernant la recette. Je prépare une tarte de légumes, en faisant ma pâte maison. Musique en fond sonore, je suis emportée dans la tâche. J’enfourne le plat et dans un élan de folie, je prépare quelques petits gâteaux aux framboises. Pendant que je finis de remplir les caissettes à muffins, je commence à fatiguer. Je comprends que mes limites sont proches. Comme d’habitude, je ne les vois jamais venir. J’attaque la vaisselle et tente de chanter pour distraire les sensations désagréables me parcourant. C’est une lutte pour finir cet acte si banal. Avez-vous déjà été fier d’arriver à finir de laver votre vaisselle? C’est un sentiment risible et étrange.

La tarte est prête. Je savoure, contente d’avoir effectué toutes ces activités. Je termine mon repas par un gâteau tiède, délicieux. Les restes de la tarte, partent tout droit dans le congélateur. Merveilleuse invention.

L’après-midi est déjà autant entamée que mon énergie. Je m’installe dans le canapé, allongée et une série en fond. Je regarde, je somnole et je reviens en arrière. Je réfléchis, je me repose. Je ne veux même pas m’attarder sur les points de douleurs. Mon mental est plus fort pour les étouffer.

Avant de me coucher, la luminosité par la fenêtre m’intrigue. Je ne comprends pas exactement comment il est possible, en pleine nuit qu’il y ait autant de clarté. Puis je baisse les yeux sur le sol du balcon et vois la matière blanche. Je suis surprise. Il a neigé. Le sol est recouvert d’une couche déjà épaisse. L’horizon est flouté. Aurais-je mal regardé? J’ouvre la fenêtre et tend la main au milieu de la nuit. La neige est si fine qu’elle fond instantanément à la surface de ma peau. Elle est si fine qu’elle est presque imperceptible dans l’obscurité. Je referme la fenêtre et malgré le froid que je viens d’affronter, je suis bouillante d’excitation. Je jette un dernier regard sur la neige, lui faisant promettre d’être encore là, à mon réveil et me dirige vers mon lit. Cette fois, demain, j’irais fouler l’or blanc.

Jour 50

Endormie dans les douleurs, le repos n’a pas eu l’effet escompté. J’émerge, tirée du sommeil abruptement par les crispations de mes muscles. Je me lève péniblement et vais m’installer dans le canapé, histoire de changer de point de vue, d’avoir l’impression de me lever. La vérité, c’est que je suis juste allongée, plus loin. Au fond de moi, j’ai envie de peindre. Ça me démange. Je dois être réaliste, c’est une activité trop ambitieuse pour aujourd’hui. Les rayons du soleil parviennent jusqu’à moi. Ils sont trompeurs. Dehors, le thermomètre est dans le négatif. Malgré tout, ils m’apaisent et me rendent confiante. Je me promets le repos, et me laisse espérer que demain, je pourrais peindre. Dans ma tête, le processus créatif commence déjà. Je ne peux certes commencer la peinture mais je songe déjà aux choix des couleurs, à la technique. Ainsi, j’occupe le temps et fait grandir l’envie. La joie éprouvée ne sera que plus grande.

Après plus de la moitié de la journée au repos, je calcule l’énergie accumulée. Je cherche à rentabiliser au mieux ce qu’il me reste. Aller dehors ne rentre même pas en compte, c’est pas grave. Je décide d’aller en cuisine. Je pourrais à la fois écouter de la musique et créer de bonnes choses. Je ressens bien l’épuisement dans mes jambes mais je décide de faire la sourde oreille, tant que je tiens debout. Je commence par me cuisiner du pain perdu aux herbes et des courgettes. Puis, je m’asseye à peine pour déguster l’assiette. Je suis sur une bonne lancée et je ne veux pas m’arrêter. J’entame une recette de muffins. Je suis un peu indécise alors j’en fais aux framboises et d’autres au chocolat. Pendant qu’ils cuisent, je m’asseye sur le carrelage froid. Je relâche mes muscles.

Finalement, je préfère ceux aux framboises.

Lorsque la cuisson est terminée, j’attaque ma deuxième idée. Je prépare une lasagne maison. J’en fais suffisamment pour pouvoir me garder une part, au congélateur. Pour les jours sans.

Au moment où je dois faire la vaisselle, ça commence à être challengeant. Je me dépêche de terminer le tout et pense à la récompense.

Le yoga. J’arrive sur mon tapis et enclenche la vidéo. J’ai gardé spécialement cette séance pour le soir car elle s’annonce plus calme. Et je vis une expérience différente. Je me suis tellement pressée de finir en cuisine, car je n’en pouvais plus, qu’à l’intérieur, ça grouille encore. J’ai du mal à discipliner ma respiration. Je ne contrôle rien. Par moment, je n’entends même plus ce qu’Adriene dit car je suis complètement perdue dans mes pensées. Alors je jongle entre les postures, mes pensées envahissantes et la respiration indomptable. C’est une séance douce et pourtant, le chaos se déchaîne. J’en viens à me dire que je n’en tirerais aucun bénéfice et que je ferais mieux d’arrêter là. Mais heureusement, instinctivement je continue. J’arrive au bout de la pratique, sans m’en apercevoir. Finalement, j’ai persévéré et réussi à me centrer. Comme quoi, l’importance n’est pas dans le fait d’avoir une pratique idéale en tout temps mais plutôt d’accepter l’imperfection et que de celle-ci, le positif peut toujours jaillir.

Le minuteur sonne, juste à temps. C’est l’heure de déguster mon plat. Je remplis mon estomac et me sens au fur et à mesure, accomplie.

En ce début de soirée, je me sens fatiguée. C’est de la bonne fatigue, j’en suis heureuse. J’admets qu’à cet instant, j’ai très peu envie d’écrire. Pourtant, c’est mon rendez-vous quotidien. Je sais que j’aime faire ça et que j’en retire des bénéfices. Mais j’ai pas envie. C’est bête, pour une fois que je n’ai pas mal aux mains. Alors, je décide de me forcer un peu. C’est comme pour le yoga, même si je sais que je ne vais rien produire d’incroyable, ce n’est pas là l’important. Le processus est plus riche que le résultat. Je peine donc à me plonger entre les mots. Et sans que je m’en aperçoive, la magie opère. La bulle se forme, opaque et confortable. Le texte s’épaissit.

Au point final, je me sens légitime pour aller me coucher, enrichie de mes nouveaux apprentissages.

Jour 49

Je ne peux m’en passer, jour après jour.

Lorsque j’ouvre les paupières, le soleil brille déjà. Il fait un pied de nez à l’hiver et impose sa douceur. Je m’installe sur le tapis de yoga, encore en pyjama.

Ce matin, je ressens les sessions des jours précédents, dans la fatigue de mes muscles. Mais ce n’est rien comparé à la confiance grandissante qui s’installe. Je n’ai plus l’appréhension du début. J’affronte mes difficultés avec indulgence et calme. Je les accueille sereinement. Je me transforme et je ne parle pas de mon physique. Ça vient de l’intérieur, les fondations sont solidement posées. La séance est revigorante et la voix d’Adriene est toujours aussi rassurante. Par moment, je me permets d’improviser et de trouver ce qui me fait du bien. C’est son Mojo. J’inspire et m’en inspire.

Puis, je file à la douche. Je décide de me laisser une heure de soins, dignes du spa. Je me concocte un masque pour les cheveux, un autre pour le visage. Par moment, je fredonne, je sourie. Je masse mes mains, mes pieds. Je soigne chaque centimètre de mon corps. Du sommet de mon crâne à mes orteils. En sortant de la salle de bain, je suis nouvelle. Ça fait un bien fou.

Puis, je me mets à écrire et je me sens prolifique. Je rattrape mes pensées passées et les retranscris. J’apprécie toujours ce moment introspectif où je passe en revue ce que je viens de vivre. J’ai l’opportunité de mesurer une seconde fois la chance que j’ai. C’est simplement enrichissant. J’encre de la pensée que le bonheur est à portée de main, à chaque instant.

L’après-midi, quelques rendez-vous et je passe beaucoup de temps debout. Mes jambes s’usent, doucement.

Le hasard fait que je suis au même endroit qu’hier, au bord du lac. Cette fois, je ne peux rester longtemps. Je profite des caresses ensoleillées et du ciel bleu. Il est encore plus dégagé. Les mouettes virevoltent au-dessus de ma tête, insouciantes. La couleur de l’eau est différente mais toujours froide et envoûtante. Les vagues se sont apaisées. Je vole ces quelques minutes et remplis un peu plus mon réservoir d’énergie.

Le soir, c’est le revirement de situation. Inévitable. La légèreté et l’insouciance laissent place aux douleurs. Lourdes de conséquences. Aucune position n’est confortable. La nuit s’annonce longue et tumultueuse. J’entoure mon corps de coussins, j’offre le plus de confort que je peux. Je regarde un film. Je ne ressens pas le sommeil tellement l’inconfort est grand. J’attends Morphée, patiemment. J’entame un second film. Puis j’entends au loin, des pas. Je vais m’installer dans mon lit et aussitôt que la couverture me recouvre, Morphée vient m’entourer de ses bras. Tout ne se passe jamais comme prévu et cette nuit est tumultueuse, car je me réveille à de multiples reprises. Pour passer le temps, je visualise de bons souvenirs. Je sais pertinemment qu’il faut simplement temporiser. Le soleil finit toujours par se lever.

Dans la nuit, les souvenirs sont ma lueur d’espoir. Ils m’empêche d’oublier que la vie est belle.

Jour 48

Ce matin, réveil douloureux. J’entends les douleurs mais je ne veux pas les croire. Je ne veux pas entendre ce qu’elles disent. Elle murmurent que la journée commence mal. Elle insuffle une difficulté supplémentaire. Je dois réunir toute la motivation du monde pour me tirer du lit. Me voilà debout.

Je rejoins la voix d’Adriene, sur mon tapis de yoga. J’ai pris goût à la séance en pyjama. Je peux garder la sensation d’être encore entrain de dormir. La séance travaille énormément les abdominaux. Les miens sont loins d’être en béton mais comparés aux exercices me demandant d’être debout, j’éprouve moins de difficultés. Ou surtout, beaucoup moins de douleurs dans cette zone. Enfaite, lors des autres séances, il faut que je distingue la difficulté normale et la combinaison douleurs/difficultés. En effet, j’ai à la fois mal et à la fois, moins de facilité qu’avant. En tout cas, de ne pas faire de posture douloureuse me rend confiante. Et toutes ces respirations prises consciemment font définitivement taire la petite voix sournoise que j’avais dans la tête, lors de mon réveil.

Je me rends à un rendez-vous médical. En sortant, le soleil dépose un bisou sur mon front. Il fait beau. Le ciel est bleu, il ne manquerait plus que les oiseaux chantent. La température de l’hiver se bat avec le soleil pour rester négative. Cet environnement m’invite clairement à en profiter. Je me sens fatiguée. Je sens mes membres sans énérgie mais je ne suis pas très loin du lac. Par un soleil pareil, c’est cruel. Je tergiverse quelques minutes. Aller me reposer ou regrouper mon énergie et prendre plus d’air. Seconde option pour moi. J’en ai réellement envie. Je ne veux plus frustrer mon esprit. Malgré le froid, c’est comme si je rattrapais tous les mois où je ne pouvais plus bouger un doigt. Le soleil, l’air, le vent, les odeurs, et tant d’autres, autant d’éléments qui m’ont manqués.

Arrivée au bord du lac, je suis éblouie. C’est merveilleux. La promenade est presque désertique. Quelques enfants jouent, nourrissent les canards. Quelques badauds font comme moi, ils déambulent. Vers les quais, l’eau semble calme, le vent est muet. Il fait glacial, réellement. Mais les rayons jaunes me réchauffe le visage, l’âme. Plus loin, l’ambiance est différente. Je vois la réelle nature de l’eau. Il y a des vagues dignes de la mer. Aucun bateau ne navigue pourtant, c’est l’oeuvre du vent. L’eau gesticule, fait de grands mouvements. Ça crée un rythme apaisant. Les vagues se jettent à corps perdu sur les rochers, donnant le tempo. Et le vent souffle sur moi, à m’en faire perdre les doigts. Je suis émerveillée par tous ces détails. Il y a tellement de belles choses à percevoir, ressentir et observer. C’est une infinie ressource. Je m’installe sur le rebord en pierre. C’est froid sous mes fesses mais mon coeur est chaud. Je suis au centre de ce magistral spectacle. Je n’ai pas de mots. Je ressens des vibrations lorsque les vagues frappent les rochers. Les gouttelettes volent et scintillent dans les airs. Le reflets sont si puissants que j’en plisse les yeux. Par moment, le vent me contraint à clore mes paupière pour éviter aux larmes de tomber. Je reste là. J’écoute cette musique saisissante. Je suis aveuglée. Je ne me lasse jamais du lac. Je ne saurais pas l’expliquer. A toutes les saisons, il sait m’épater et m’apporter ce dont j’ai besoin. Je suis reconnaissante d’avoir ce point énergétique si puissant, prêt à me porter dans les épreuves de la vie. Je ne pense à rien. Je laisse l’eau nettoyer mon esprit.

Pssst! Le son de l’eau est disponible ici.

L’inévitable arrive, je rentre.

Je me prépare un repas et je ne le sais pas encore, mais c’est la dernière activité que je fais aujourd’hui. Lorsque mon ventre est satisfait, je m’aperçois que mes membres sont devenus lourds. Sur mes épaules, un poids envahissant se pose. J’ai de plus en plus de mal à comprendre ce qui m’entoure. Le temps passe ou plutôt, je le laisse passer. Chaque geste devient un véritable effort. Allongée, même me retourner me coûte. Je fonds dans la lourdeur de l’inaction. J’attends. La nuit tombe et avec elle, je perds du terrain. Je navigue en plein brouillard, ne trouvant plus comment associer mes pensées aux mots. Je ne sais plus utiliser la parole. Je bégaye. Je ressens l’épuisement, les douleurs et doucement, la faim. Je n’ai pas la force de cuisiner, je n’ai pas le choix de décider quoi manger. Je ne sais plus. Je prends de longues minutes pour arriver dans la cuisine. Réussir à me baisser pour prendre un repas dans le congélateur. Je remercie mon moi du passé d’avoir congelé des plats, tout prêts, en prévoyance des jours compliqués. Ainsi, je continue mon engagement de bien me nourrir.

Mon état d’esprit est paisible, je patiente que l’orage passe. J’accepte le sort et attend mon tour, pour revivre. Je regarde dans mon téléphone, les images prises plus tôt. Beaucoup de reconnaissance d’avoir vécu ces moments riches. Puis je tente d’écrire. Vu mon état, c’est comique. Je décide de noter quelques mots clés et me promets de faire le reste demain, de rendre honneur à cette belle journée qui s’achève.

Jour 47

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En me levant, j’ai le sentiment d’avance que la journée va être bien remplie. J’ai mis mon réveil avec un peu d’avance afin de pouvoir prioriser ma séance de yoga. J’avoue que j’ai même la flemme d’aller me changer. Je reste dans mon pyjama, encore tiède. Mon tapis est froid et pendant une demie seconde, je me demande vraiment ce que je fais là. J’aurais pu dormir. Heureusement, la voix d’Adriene me ramène à la raison. La vingtaine de minutes passe drôlement vite. Comme si le temps s’était mis à courir, pendant que j’étais plongée dans ma bulle.

Après cela, un petit déjeuné dans l’estomac et je file chez le médecin, encore. Dans ma vie actuelle, c’est devenu une situation récurrente. Carrément monotone. Je n’aurais jamais pu deviner, il y a deux ans, que j’y passerais autant de temps. Ce rendez-vous prend une partie considérable de l’énergie du jour. Dès midi, je baille sans arrêt. Mes épaules s’alourdissent et mes pas deviennent défectueux. Et doucement, un nuage d’incompréhension m’envahit. Je dois aller me coucher. J’avais pourtant d’autres projets mais la contrainte est posée. Je ne peux rien faire d’autre. Je rejoins mon matelas, m’enroule dans la couverture et regarde le temps passer. Par moment, je ne suis plus réellement là. Quelques heures plus tard, je me lève et l’impression que le repos n’a rien changé me parvient. Ma tête et mon corps sont au ralentis.

Je repense à ce matin et j’éprouve de la joie d’avoir pris le temps pour mon yoga. Si je ne l’avais pas fait, j’aurais dû abandonner, vu mon état. Je réalise combien il est important de mettre en priorité ce qui me tient à coeur. Trouver l’équilibre entre mes obligations et mon bonheur. La maladie est imprévisible et je ne sais donc jamais lorsque le coup de massue sera plus fort que moi.

La fin de la journée s’achève ainsi, des pensées de gratitude en tête. Je ne saurais pourquoi mais je pense aux diverses choses qui constituent ma vie. Je suis paisible

Jour 46

Cette nuit, j’ai cauchemardé. Je me suis fait une théorie à ce propos. Je constate que bien souvent, en me réveillant d’un mauvais rêve, je suis criblée de douleurs. J’ai l’impression que dans mon sommeil, mon corps perçoit ses sensations négatives et qu’il tente de m’en faire prendre conscience en me réveillant, par le biais d’un cauchemar. Comme ça, je peux me lever et tenter de faire quelque chose pour soulager le mal. C’est ainsi que j’explique les mauvais rêves douloureux. C’est sûrement plus simple d’encaisser cet épisode désagréable avec cette explication.

Pendant que je songe à ma petite théorie farfelue, je prépare mon petit-déjeuner.

Je réserve ma séance de yoga à plus tard et m’attaque à la lessive. Entre deux machines, j’avance les choses qui doivent être faites. La simplicité du quotidien m’accompagne et nous avançons jusqu’au douze coups de midi.

Je décide de me récompenser pour tout ce que j’ai déjà accompli aujourd’hui, par le yoga. Après la nuit que j’ai passé, j’accueille ce moment avec bonheur. La séance ne me pose pas de difficultés et c’est suffisamment agréable pour le noter. Ma lente respiration est bénéfique. Ce moment est la parenthèse dont j’avais besoin. Elle me fait sentir réellement là, bien dans mes chaussettes.

Après le repas, je décide de préparer du pain pour ce soir. J’enclenche la musique et c’est aussi l’occasion de profiter d’une des choses que je préfère. Je peux chanter. J’apprécie ce genre de moment où mes mains sont occupées, ma voix résonne dans la cuisine et mon esprit se sent libre. Je n’ai pas la prétention d’avoir un quelconque talent. Tout ce que je recherche, c’est les notes qui me font vibrer de joie. De plus, allier ma passion pour la cuisine et la musique en un seul et même moment, c’est doublement gagnant. Il n’en faut pas plus pour dessiner un large sourire sur mes lèvres.

Pssst! Voici mes petits pains. Ils sont à la farine d’épeautre. Miam.

Lors que je sors de ma cuisine, j’ai une idée en tête. J’aimerais aller acheter un nouvel aliment, du souchet. Alors, je pars à la recherche de celui-ci. Entre deux boutiques, l’air est glacial. Je regrette de ne pas avoir pris d’écharpe. Je cache mes mains dans mes poches et j’avance, mon objectif en tête. Je suis tellement focalisée sur ma mission, que j’observe très peu ce qui m’entoure. Et mes efforts paient. Après plusieurs magasins, je finis par trouver. Je m’empresse de rentrer car j’ai une petite idée de ce qui va composer mon goûter!

En arrivant, je me lave rapidement les mains et saute sur le paquet que je viens d’acquérir. Je prends une petite noix entre mes doigts et la glisse dans ma bouche. C’est croquant et un goût entre la noisette et la châtaigne se dévoile. J’en reprends une. Je mâche. Quel plaisir. Mon sourire s’élargit. Je n’ai pas mangé de fruits à coques depuis bien longtemps et ce croquant me manquait terriblement. Je suis ravie d’avoir trouver un nouvel aliment à ajouter à mon panel. Ça m’encourage d’autant plus à cuisiner. J’ai envie de tester plein de recette avec le souchet. Je le conseille aux curieux.

Le soir venu, je m’installe confortablement pour écrire. Aujourd’hui, c’est plus simple. Les mots apparaissent, prêts à être transcrits. Mes idées sont claires et je sens dans la rapidité de mes doigts, que je dois ralentir si je ne veux pas provoquer la douleur. Je suis tellement heureuse de pouvoir écrire chaque jour, des bienfaits que cela m’apporte que je n’imagine plus ma vie sans. Alors je veux bien ralentir la cadence, si cela me permet de tenir sur la durée. J’achève de compléter mes pensées et vais me coucher. Le coeur léger.

Jour 43

Photo de Engin Akyurt sur Pexels.com

Aussitôt mes yeux s’ouvrent que j’ai déjà en tête ma première activité de la journée. Je me lève, enfile des vêtements confortables et chauds. Je me retrouve sur mon tapis de yoga. Les yeux encore collés.

Chaque début d’année, depuis trois années aujourd’hui, je traverse avec enthousiasme le mois de janvier. En effet, Adriene propose une vidéo par jour de yoga, avec un thème. Il y a trois ans, c’était pour moi, une manière de me défier. De me tester et de voir si j’étais capable de faire le choix de venir chaque jour sur mon tapis et surtout, de m’y tenir. J’avais découvert qu’au-delà du pari se cachait les bienfaits de se forcer à prendre du temps pour soi, chaque jour. Peut importe par quel biais. Et le hasard faisant bien les choses, à cette période, j’avais lentement commencé à m’oublier. De cette première expérience, j’ai tiré des leçons et des outils à utiliser tous les jours. Le yoga a réellement pris une place spirituelle. Loin de moi, les idées de performances sportives. Depuis ce jour, je me focalise sur les sensations et le bien-être général.

L’année dernière, le mois de janvier était sous le signe de la maladie. J’étais en plein centre d’une crise lente et me tirant vers le bas depuis plusieurs mois. Je n’avais pas de diagnostique et je luttais tant bien que mal. J’ai tenté dans un élan d’espoir de me retrouver chaque jour sur mon tapis. Malgré toute ma bonne volonté, le corps ne suivait pas. L’esprit prenait des coups. Parfois, je passais la séance à simplement écouter la voix guidante et je respirais, faute de pouvoir faire plus. Il n’était pas simple de voir que je n’arrivais plus à tenir debout. Observer, une à une, toutes mes capacités diminuer. Disparaître. Sans avoir de certitude de les voir renaître.

Cette année, diagnostique posé et plus déterminée que jamais à faire rejaillir tout ce que j’ai perdu. Je me lance en connaissance de cause. J’admets qu’il y a de l’appréhension. Peur d’être confrontée à mes propres difficultés, peur d’être à nouveau contrainte d’abandonner. Pourtant, je le sais. La peur m’empêche d’avancer. Certes les maladies n’aident pas mais je suis convaincue de pouvoir passer au dessus. Je dois avoir confiance en mon corps et mon mental. Je me suis prouvée plus d’une fois que j’étais capable de tout. Alors, j’appuie sur play.

La séance est challengeante. Elle est dans la lenteur et la respiration. Adriene répète que le plus dur est de se pointer sur le tapis. Elle a totalement raison. Une fois le temps écoulé, je m’aperçois que j’ai réussi à aller au bout. Je me félicite.

Forte de cette réussite, malgré les douleurs, je prends la décision d’aller patiner. Autrefois, l’état de mes jambes aurait induit que je reste tranquille. Et contre toute attente, je prends le choix opposé. Je n’ai pas envie d’attendre que ça passe pour profiter. Si je dois avoir mal, autant souffrir pour une raison louable.

Sur la glace, mes gestes ne sont pas aussi fluides que la fois précédente. J’entrevois mes limites. Je les accepte et compose avec. Je patine plus lentement. Par moment, je prends une légère vitesse, juste histoire de sentir le vent froid sur mes joues.

Quel belle journée, infinie.

Plus tard, au moment du coucher, mes pas malhabiles et douloureux m’offrent une perspective. Je suis reconnaissante de vivre.

Jour 9

Avec encore plus d’entrain qu’hier matin, je me retrouve très vite sur mon tapis de yoga. De bon matin, c’est agréable. Je décide même de reprendre une ancienne playlist d’une vidéo par jour d’Adriene. Pour les trente prochains jours, nous savons ce qu’il va se passer sur mon tapis. Cet accompagnement virtuel m’enchante et me rassure. Malgré que les mouvements ne soient pas simples, je m’exécute sans jugements. J’éprouve une gratitude sans fin d’être en mouvement.

Je me sens épanouie. Cela résume ma journée. Les jours précédents m’ont permis d’emmagasiner une énergie mêlée de sérénité. Je me sens à la fois calme et débordante. J’ai les pieds sur terre et ma tête s’envole au milieu des étoiles.

Je profite de cet état pour préparer des cookies. J’aime cuisiner. D’autant plus, lorsque j’ai en tête de partager avec mes proches. Je leur transmets ma bonne humeur par ces douceurs. Les sourires que je récolte me remplissent encore plus.

La journée passe à une vitesse folle.

Je me sens alignée et c’est le plus important. Désormais, c’est tout ce qui compte.

Bon, je vais me chercher un de ces galets magiques.